L'asphalte, c'est la table d'opération sur laquelle l'écrivain bulgare Svetoslav Minkov autopsie notre monde moderne.
En une vingtaine de contes brefs, cinglants comme coups de fouets, avec des éclairs d'humour plus cruels que la réalité, il met à nu un monde aliéné : pour quelques cents on peut visiter, au coeur même des U.S.A., une attraction passionnante, un véritable camp de concentration nazi ; un dictateur interdit le rire sur tout le territoire de son pays ; un physicien utilise la lune pour fabriquer des tranquilisants...
Minkov est certainement un auteur fantastique, mais « à froid », il témoigne d'un sens étonnant du grotesque et d'une efficacité que ne désavouerait pas le roman noir américain.
1 - Asphalte (1940), pages 5 à 21, nouvelle, trad. M. DZIVGOV 2 - La Dame aux yeux radioscopiques (1934), pages 23 à 32, nouvelle, trad. M. DZIVGOV 3 - Une décoration (1961), pages 33 à 66, nouvelle, trad. M. DZIVGOV 4 - L'Homme qui est arrivé d'Amérique (1932), pages 67 à 83, nouvelle, trad. M. DZIVGOV 5 - Le Panoptique "Leichenwald" (1965), pages 85 à 106, nouvelle, trad. M. DZIVGOV 6 - Le Monsieur Hydrogène et la demoiselle Oxygène (1932), pages 107 à 117, nouvelle, trad. M. DZIVGOV 7 - Un conte sur le mensonge (1956), pages 119 à 122, nouvelle, trad. M. DZIVGOV 8 - Lunatique !... Lunatique !... Lunatique !... (1932), pages 123 à 136, nouvelle, trad. M. DZIVGOV 9 - La Question oubliée (1964), pages 137 à 147, nouvelle, trad. M. DZIVGOV 10 - La Femme dans le cercueil doré (1933), pages 149 à 157, nouvelle, trad. M. DZIVGOV 11 - Le Rêve du général Duddle, pages 159 à 167, nouvelle, trad. M. DZIVGOV 12 - Voyageurs (1935), pages 169 à 177, nouvelle, trad. M. DZIVGOV 13 - La Capote du général (1962), pages 179 à 190, nouvelle, trad. M. DZIVGOV 14 - Conte d'un bégonia (1939), pages 191 à 197, nouvelle, trad. M. DZIVGOV 15 - L'Anniversaire, pages 199 à 213, nouvelle, trad. M. DZIVGOV 16 - Rire étrange en Ramonie (1964), pages 215 à 228, nouvelle, trad. M. DZIVGOV 17 - Bill et la chatte Kate (1949), pages 229 à 241, nouvelle, trad. M. DZIVGOV 18 - Le Nain Tintérin (1965), pages 243 à 248, nouvelle, trad. M. DZIVGOV
Critiques
Ce recueil d’histoires étranges et âpres nous arrive de Bulgarie. Il avait été publié voici quelque temps par les Éditeurs Français Réunis sous le titre Récits en peau de hérisson, mais il n’est pas mauvais qu’il nous revienne sous la forme d’un livre de poche. C’est un humour noir que celui de Minkov, qui puise sa force dans un éclairage insolite ou fantastique. Il est assez remarquable que Minkov ne s’en soit jamais départi puisque les plus anciens contes de ce recueil, qui n’ont au reste guère vieilli, remontent à 1932. La verve de Minkov s’exerce contre toutes les formes d’aliénation : la souffrance donnée en spectacle dans Le panoptique « Leichenwald », où un homme d’affaires a l’idée de reconstituer un camp de concentration pour qu’on puisse le visiter et le voir fonctionner ; la bureaucratie dans La question oubliée ; le charlatanisme scientifique dans La dame aux yeux radioscopiques et dans Le monsieur Hydrogène et la demoiselle Oxygène ; le culte des honneurs dans Une décoration et dans L’anniversaire. Il convient de préciser que si toutes les histoires du recueil ont un ton insolite, elles ne relèvent pas toutes du fantastique ou de la science-fiction.
On sait depuis la publication en France des œuvres de Slawomir Mrozek et de Stanislas Lem que les écrivains d’Europe Centrale ont un faible pour la fable. Minkov n’y manque pas. Et ses fables souvent cruelles témoignent d’une étonnante liberté de ton. Certes, le recueil laisse transparaître un curieux souci d’équilibre politique. Aux flèches décochées à la bureaucratie bornée, au culte démagogique de l’homme quelconque et aux écrivains officiels, répondent celles destinées aux « revanchards de l’Allemagne de l’Ouest » et à l’agressive Impérialia dans laquelle il n’est pas trop difficile de reconnaître les États-Unis. Mais cet équilibre résulte d’une sincérité plutôt que d’un calcul. Minkov est un moraliste de talent qui, sentant partout l’homme menacé, rêve pour s’empêcher de crier. Son recueil est à savourer à petites doses. Il est excellemment traduit.