Deux collections de Science-Fiction française qui naissent en même temps, ça n'est pas une coïncidence, c'est un miracle. Les Editions de l'Aurore ont lancé une collection capable de concurrencer Présence du Futur, avec une présentation soignée, des illustrations intérieures et un prix honnête. Patrick Siry Editeur se met lui sur la longueur d'onde du Fleuve Noir Anticipation, avec des livres minces et au prix modique (malheureusement, la présentation laisse à désirer et les couvertures réalisées en images de synthèse et en photos assistés par ordinateur me paraissent franchement laides). Ces deux collections ont un point commun : la qualité. Elles proposent en effet des textes de haut niveau qui ne dédaignent pas l'originalité.
L'hiver en juillet d'Emmanuel Errer, pseudonyme du pseudonyme Jean Mazarin, est une excellente histoire temporel. J'aurais pu écrire histoire avec un H majuscule. Car elle se passe pour une bonne part pendant la seconde guerre mondiale. Inutile de vous résumer l'intrigue. Elle est à la fois simple et compliquée. Un homme se retrouve projeté dans les années 1942-43 et passe de corps en corps, de personnage en personnage sans trop savoir ce qui lui arrive. Voilà, c'est suffisant. Le reste est à lire. Le propos, c'est la déportation des juifs, l'holocauste. Un sujet grave, traité avec originalité, pudeur et douceur.
Il me semble que même les conspuateurs de la Science-Fiction, ou certains d'entre eux tout au moins, pourrait apprécier ce roman. Car ici la Science-Fiction n'est peut-être qu'un prétexte, un artifice pour écrire le passé. Mais cet artifice, loin d'édulcorer la réalité du témoignage, la colore, la renforce, lui offre un angle nouveau.
L'hiver en juillet, c'est un jeu d'écriture ; mais il y a des jeux graves et celui-là en est un. Il tient sa force de sa brièveté. Plus long, il eût lassé. Mais là, non.
Éric SANVOISIN
Première parution : 1/12/1988 dans Fiction 403
Mise en ligne le : 22/3/2003