Dans la littérature fantastique, s'est développé au cours du XX^e siècle un corpus singulier initié par le grand écrivain H.P. Lovecraft, et repris par une multitude de continuateurs. Ce corpus est composé de récits disparates qui ont la particularité d'être reliés entre eux par un référent commun, plus ou moins apparent, plus ou moins important dans le récit, n'allant parfois pas au-delà d'une simple allusion, voire d'un seul nom jeté au détour d'un paragraphe, mais qui revient comme une litanie : Arkham, Dunwich, Innsmouth, Nyarlathotep, Yog Sothoth, Cthulhu, le Nécronomicon. Cette inspiration fantastique a pris une importance et une extension considérable de nos jours, elle s'est extraordinairement enrichie, au point de devenir un sous-genre à part entière de la littérature fantastique, que l'on dénommera le Mythe de Cthulhu. Patrice Allart, connaisseur de longue date, nous propose un historique et un inventaire précis de ce phénomène.

     On peut saluer l'initiative : un tableau des descendances, reprises et échos des mythes lovecraftiens, du maître à Van Herp sous pseudonyme, en passant par Derleth, Bloch, Kuttner, voire King, plus des annexes pour la BD, le cinéma, les derniers épigones, plus une bibliographie française et des index (auteurs, dieux et lieux). Et de quoi plaider l'ancrage dans la SF, contre qui juge que c'est là chose à réserver à Ténèbres. Le prix n'arrêtera pas l'amateur acharné, mais on regrettera les lacunes de ce travail de bénédictin, surtout côté dissidences et canulars, même le béotien (moi) relevant l'absence des clins d'œil de Shea et Wilson (cf. Galaxies n° 15) ou de Roland Wagner : si HPL, contrairement au texte homonyme cité p.91, parle d'un Lovecraft parallèle et non de ses créatures, l'hilarant Celui qui bave et qui glougloute (in Futurs antérieurs, Fleuve Noir) ne méritait aucun ostracisme. Dommage.