A-t-on lu W.C. Morrow (1854-1923) ? Le Singe, l'Idiot et autres gens, qui le rendit célèbre il y a tout juste un siècle, avait disparu depuis beau temps des tables de la librairie. Hier il enchanta Apollinaire et Alfred Jarry, qui n'hésiteront pas à en faire un nouvel Edgar Poe. Les Américains, ses compatriotes, sont en train de le redécouvrir — pourquoi pas nous ?
Son oeuvre ? Pour l'essentiel trois romans estimables et une petite poignée de nouvelles géniales, les plus importantes rassemblées dans le présent recueil.
Quatorze histoires où l'on meurt beaucoup, et rarement dans son lit. Morrow est un maître du conte cruel, usiné à froid, sans recherche d'effet — et d'autant mieux impressionnant. L'humour n'est pas loin, mais comme invisible — non formulé en tout cas — et du noir le plus noir. Dire qu'on en sort un peu secoué est un euphémisme, pourtant on serait prêt à en redemander.
Sentiment d'un esprit peu indulgent :
« Le génie narratif de Kipling et le sens de l'horreur d'Edgar Poe, quoique les récits de Morrow soient une chose si neuve qu'il est inutile d'y chercher des comparaisons... On n'a encore rien écrit de pareil. » ALFRED JARRY
1 - Éric DUSSERT, Une galerie de monstres, pages 9 à 18, préface 2 - La Résurrection de la petit Wang-Tai (The Resurrection of Little Wang Tai, 1897), pages 19 à 28, nouvelle, trad. George ELWALL 3 - Devant une bouteille d'absinthe (Over an Absinthe Bottle, 1893), pages 29 à 40, nouvelle, trad. George ELWALL 4 - Un stylet (The Permanent Stiletto, 1889), pages 41 à 55, nouvelle, trad. George ELWALL 5 - Le Prisonnier (The Inmate of the DungeonThe Inmate of the Dungeon, 1897), pages 57 à 72, nouvelle, trad. George ELWALL 6 - Le Perfide Velasco (Treacherous Velasco, 1897), pages 73 à 85, nouvelle, trad. George ELWALL 7 - Un sépulcre d'or, pages 87 à 102, nouvelle, trad. George ELWALL 8 - Une vengeance originale (An Original Revenge, 1897), pages 103 à 109, nouvelle, trad. George ELWALL 9 - Le Faiseur de monstres (The Surgeon's Experiment / The Monster Maker, 1887), pages 111 à 130, nouvelle, trad. George ELWALL 10 - L'Honneur pour enjeu (A Game of Honor, 1897), pages 131 à 139, nouvelle, trad. George ELWALL 11 - Un irréductible ennemi (His Unconquerable Enemy / The Rajah's Nemesis, 1889), pages 141 à 151, nouvelle, trad. George ELWALL 12 - Une femme de marbre, pages 153 à 161, nouvelle, trad. George ELWALL 13 - Une histoire contée par la mer (A Story Told by the Sea / A Cry For Help, 1890), pages 163 à 178, nouvelle, trad. George ELWALL 14 - Le Talisman fidèle (The Faithful Amulet, 1897), pages 179 à 189, nouvelle, trad. George ELWALL 15 - Deux hommes singuliers (Two Singular Men, 1897), pages 191 à 202, nouvelle, trad. George ELWALL 16 - ANONYME, Éléments bibliographiques, pages 203 à 206, bibliographie
Critiques
« Voici un volume où se réunissent le génie narratif d'un Kipling et le sens de l'horreur d'un Edgar Poe, quoique les récits de Morrow soient une chose si neuve qu'il est inutile d'y chercher des comparaisons. » Alfred Jarry, in la Revue Blanche, premier août 1901.
Avec les quatorze textes courts (rarement plus de quinze pages) de ce recueil peuplé de monstres de foire et ensanglanté par diverses mutilations ou expériences chirurgicales délirantes, William Chambers Morrow dresse un pont entre l'œuvre de Poe (qui, comme chacun sait, était inspirée principalement par d'authentiques faits divers) et celle de Lovecraft, qu'il est (du moins, je l'espère) inutile de présenter en ces pages.
Parmi les textes les plus marquants de ce recueil, on signalera principalement « Le Faiseur de monstres », une histoire de chirurgien fou habitant une maison gigantesque avec sa femme et le produit d'une de ses expériences ; « Un Stylet » où un homme poignardé est sauvé d'une mort certaine par un chirurgien ingénieux ; « Un irréductible ennemi » où un serviteur privé de ses bras et jambes décide de se venger du rajah ayant ordonné ses mutilations. Et puis « Deux hommes singuliers », qui semble avoir servi de base scénaristique au Freaks de Tod Browning.
William Chambers Morrow (1854-1923), journaliste et frère spirituel d'Ambrose Bierce, n'a certes pas écrit son Dictionnaire du diable, mais les nouvelles réunies ici valent franchement que vous vous y attardiez, d'autant plus qu'elles sont d'une étonnante modernité stylistique .
Par ailleurs, on signalera une fois de plus le travail remarquable des éditions Phébus, qui nous proposent un ouvrage doté d'une passionnante préface d'Eric Dussert et d'appendices bibliographiques fort appréciables.