Robert HOLDSTOCK Titre original : Where Time Winds Blow, 1981 Première parution : Londres, Royaume Uni : Faber and Faber, mai 1981 Traduction de Laurent CALLUAUD Illustration de MANCHU
DENOËL
(Paris, France), coll. Lunes d'Encre Dépôt légal : mars 2004, Achevé d'imprimer : février 2004 Première édition Roman, 368 pages, catégorie / prix : 22 € ISBN : 2-207-25335-X Format : 14,0 x 20,5 cm Genre : Science-Fiction
Alors qu'ils explorent l'étroite plaine côtière de la mer Palubérienne, Léna Tanoway, Léo Faulcon et Kris Dojaan découvrent une épave extraterrestre très ancienne, véhicule blindé déposé là par le Souffle du Temps. En effet, sur le Monde de VanderZande le vent peut déplacer temporellement les hommes et les objets, et il convient de s'en méfier comme s'il apportait la mort. Ce phénomène bien connu des pionniers est certes étrange, mais Lena et son équipe scientifique ne vont pas tarder à découvrir qu'il y a plus étrange encore sur cette planète résolument autre...
Avec Le Souffle du Temps, Robert Holdstock livre une aventure très sensuelle sur une planète étrangère merveilleusement décrite. Un tour de force, humaniste, qui n'est pas sans rappeler deux des grands classiques du genre : Solaris de Stanislas Lem et Le Monde inverti de Christopher Priest.
À la fois chantre de la celtitude et spécialiste des mythes européens, Robert Holdstock est surtout connu pour ses deux cycles de fantasy, La Forêt des Mythagos et Le Codex de Merlin, tous deux récompensés en France par le Grand Prix de l'Imaginaire.
Critiques
Robert Holdstock est surtout connu en France pour ses cycles de fantasy, La forêt des Mythagos(Denoël, Lunes d'Encre) et Codex Merlin(Pré-aux-clercs) -ce qu'on ne saurait d'ailleurs regretter, tant ceux-ci ont d'ores et déjà marqué le genre de leur empreinte. Grâce à la collection Lunes d'Encre, nous découvrons aujourd'hui ses inédits, avec un formidable recueil de nouvelles (Dans la vallée des statues et autres récits)et ce magnifique roman de 1981, Lesouffle du temps. Ce dernier réunit en une synthèse foncièrement originale un certain nombre d'archétypes de la S.-F. classique — contact extraterrestre, voyage temporel, exploration d'un monde inconnu — et affiche dans le même temps une indéniable modernité : la psychologie ne fait plus office de décorum ou de simple béquille mais participe à la structure même du récit. Que Le souffle du temps n'aie jamais été traduit jusqu'à aujourd'hui paraît alors inconcevable !
Sur le Monde de VanderZande, tout semble soumis à l'influence complexe des six lunes, exceptés les vents du temps. Les plaines sont en effet balayées par des rafales d'un genre un peu particulier : à leur contact, objets et individus disparaissent, littéralement, pour être remplacés par de nouveaux artefacts, constructions rudimentaires surgis d'un passé lointain, aux formes changeantes, ou vestiges d'un futur éloigné — du moins est-ce là l'explication la plus communément admise. C'est aux rifteurs qu'incombe la tâche ô combien risquée de sillonner la planète à la recherche de ces précieux artefacts. Équipés de combinaisons-R (sortes d'exosquelettes mécaniques qui décuplent leurs capacités physiques), ceux-ci n'en sont pas moins terrorisés et tentent de conjurer le mauvais sort à l'aide d'amulettes et de rituels dérisoires. Léo Faulcon et Léa Tanoway comptent parmi les meilleurs d'entre eux. Usés par les fiersings, devenus insensibles à la beauté de ce monde, ils tablent sur leur nouvelle découverte, une épave extraterrestre, pour se permettre de couler enfin de beaux jours sur un monde plus hospitalier. Mais l'intrusion dans leur couple d'une jeune recrue, Kris Dojaan, compromet sérieusement leur projet.
Ce livre est vraiment étonnant. D'abord, on résiste. Car enfin, quid de la langue magique de Robert Holdstock, de son humour, de sa verve, de sa subtilité légendaires ? Pourquoi Le souffle du temps est-il alourdi par ces dialogues explicatifs ? Pourquoi s'attarde-t-on autant sur les atermoiements des personnages, sur leurs secrets honteux, au point qu'on se croirait parfois dans un Space-Tennessee Williams ?
Très vite cependant, on capitule. Ces défauts apparents, en réalité constitutifs du projet littéraire lui-même, font mine de nous enraciner dans un réel aux contours familiers, ils endorment notre vigilance en attribuant au cadre science-fictif un rôle en apparence purement décoratif, exotique, alors qu'en réalité la trame psychologique sans cesse remodelée, transformée, nous emmène au cœur de l'étrange jusqu'à former un tableau d'une poésie intimiste fascinante, dérangeante. Et lorsqu'on comprend, il est déjà trop tard. La planète semble exacerber les peurs et les désirs de ses habitants, même les plus inavouables, s'adonnant à une psychanalyse d'un nouveau type en matérialisant leurs rêves enfouis (ce que l'auteur développera par la suite dans La forêt des Mythagos). Le souffle du temps est en cela un exemple admirable de science-fiction capable de transcender le réel, de nous faire plonger dans l'inconnu. Ce sentiment d'exil en terre étrangère — suscité par le silence sur ce qui n'a pas de lien direct avec le Monde de VanderZande, par l'absence notable d'humour et bien sûr par le caractère fondamentalement nouveau des phénomènes décrits — renforce cette atmosphère oppressante, mélancolique, propice à la réflexion et aux vertiges métaphysiques. Rares en vérité sont les romans de science-fiction à exercer une telle fascination — par ailleurs idéalement illustrée par la couverture, signée Manchu.
Robert Holdstock est un auteur britannique épatant peu connu en francophonie. Les éditions Denoël ont entrepris de combler cette lacune. Après la publication en 2001 de son chef-d'œuvre, La forêt des mythagos, son éditeur fait maintenant paraître deux autres livres de ce spécialiste des mythes européens : Dans la vallée des statues et autres récits, recueil de dix-sept nouvelles publiées entre 1975 et 1995 et Le souffle du temps, un roman de 1981.
Sur la planète VanderZande, une faille longue de trois cents kilomètres a la particularité de voir souffler des vents du temps. Ces vents, imprévisibles et dangereux, apportent constructions et objets tant du passé que du futur. Ils peuvent aussi emporter les « rifteurs », hommes et femmes qui ont pour mission de récupérer ces rebuts temporels et de les étudier. Ce qui n'est pas sans danger. Etre emporté par un vent du temps signifie la mort.
Sur cette trame, Robert Holdtock tisse un récit de science-fiction onirique et psychologique intense, dans la lignée du célèbre Solaris de Stanislas Lem ou du Monde inverti de Christopher Priest. La planète VanderZande ne se contente pas de se modifier en permanence. Elle change aussi les êtres humains, dont les rêves viennent bouleverser l'existence, changer la personnalité, ébranler les certitudes.
Un magistral récit de SF qui souffle comme un vent d'angoisse sur les désirs humains.
Planet Opera contemplatif publié en 1981, Le Souffle du temps complète le travail de « Lunes d'encre » sur Robert Holdstock. Avec ce roman de « presque jeunesse » (l'auteur a trente-trois ans quand paraît le livre), le lecteur curieux découvrira un Holdstock étonnant et peu connu, à des années lumières des sombres histoires celtiques qui ont fait son succès.
De fait, Le Souffle du temps mêle avec bonheur (mais lenteur) description d'un monde radicalement étranger, voyage dans le temps, réflexion sur l'incommunicabilité et éloge de la différence. Un cocktail somme toute passionnant, même si l'histoire n'est pas faite que de rebondissements et d'action. Ici, pas d'extraterrestres gluants ni de vaisseaux spatiaux belliqueux, mais bien l'itinéraire personnel d'un homme, à la recherche de signification, de sens et d'histoire. Dès lors, c'est la planète elle-même qui accède au statut de personnage à part entière, tout comme l'attente et la folie. Si Solaris est cité dans la quatrième de couverture, ce n'est pas innocent, Le Souffle du temps proposant une relecture radicale du « contact », tellement usé en S-F. Le Monde inverti est également invité, mais d'une manière sans doute plus subtile, dans la description d'une réalité subjective, capable de pervertir la réalité objective, si tant est que ce concept ait encore un sens.
Le Souffle du temps se déroule sur Kamélios, alias le monde de VanderZande. Une planète toxique, changeante, traître et dangereuse, sur lequel les humains tentent de survivre via différentes méthodes. L'exploration pure et simple, avec non pas des scaphandres, mais des masques filtrants (les conditions de pression et de température n'ayant rien d'effrayant) et depuis une sorte de cité-bulle baptisée la Cité d'Acier, ou bien l'installation sous forme de communautés agricoles, après modification physique et biologique des humains qui les composent. Deux philosophies évidemment incompatibles, avec la méfiance réciproque que cela entraîne. Au-delà de ce postulat social déjà propice au débat d'idées, Kamélios intéresse tout particulièrement les pionniers en tant qu'anomalie temporelle. En effet, certains vents (pas tous) ont des effets sur la nature même de la réalité, emportant ou ramenant des objets dans les brumes du temps. Kamélios regorge d'épaves manifestement extraterrestres, déposées par le souffle du temps pendant quelques semaines, avant de disparaître suivant la même méthode. Incompréhensible et inconcevable, ce « voyage dans le temps » est-il un moyen de transport extraterrestre d'une race ayant jadis habité Kamélios ? N'est-ce au contraire qu'un fantasme, une sorte de travestissement illusoire directement issu de l'esprit humain qui l'observe ? Certains pionniers en ont fait l'expérience en disparaissant dans le souffle du temps, mais aucun n'a pu revenir pour témoigner.
Dans ce cadre mystérieux, les explorateurs développent une société curieuse, basée sur la chance et le hasard, avec des lois implicites difficilement crédibles. Pourtant, le quotidien prend toujours le dessus, le monde de VanderZande ayant l'étrange particularité de changer les humains, temporairement d'abord, puis définitivement. Lassitude, ennui et parfois folie sont souvent au bout de la route, notamment pour Leo Faulcon, dont la vie manque singulièrement d'intérêt. Faisant équipe avec son amante Léna, tous deux s'associent avec Kris, un nouveau venu pas encore contaminé par Kamélios et dont l'enthousiasme reste entier. Ensemble, ils découvrent une épave sur le rivage d'une mer calme, une épave qui n'apporte rien de concret, mais qui symbolise le point de départ d'une vraie révolution. Kris a en effet un secret. Il est venu sur Kamélios pour retrouver son frère Mark, emporté par le souffle du temps quelques mois plus tôt. Pour Kris, cela ne fait aucun doute ; Mark est vivant, quelque part dans un ailleurs inaccessible, mais vivant. Dès lors, de révélations en révélations, Leo retrouve son énergie perdue, découvrant peu à peu la nature de Kamélios, et un sens général à défaut d'une explication.
Si Le Souffle du temps peut laisser sceptique quant à ses tenants et aboutissants, il détonne néanmoins par son originalité sombre et désincarnée. La plume est rarement légère, toujours profonde, distante, installant un climat de malaise et d'attente parfois pénible. Au final, pas de révélations fracassantes, mais des pistes originales et intelligentes, qui ne font rien d'autre qu'évoquer des possibilités. Au-delà de son aspect strictement descriptif, Le Souffle du temps n'est pas dénué de poésie et de mystère, d'où un plaisir de lecture indéniable, mais pas forcément convainquant. Une curiosité à découvrir, sans doute réservée aux plus motivés.