LES BELLES LETTRES Dépôt légal : mars 2004 Première édition Anthologie, 304 pages, catégorie / prix : 20 € ISBN : 2-251-44258-8 ✅
Quatrième de couverture
LE DERNIER HOMME est un thème aussi ancien que la science-fiction elle-même, et peut-être même que la littérature. À leur manière, Ulysse, Noé ou Robinson Crusoé furent des derniers hommes. Aujourd'hui, le dernier homme a changé. Il n'est plus forcément l'ultime survivant d'une apocalypse généralisée. Dans une époque comme la nôtre où les manipulations génétiques et autres rêves prométhéens de couplage homme-machine laissent entrevoir ce que serait une posthumanité où nous ne serions pas nécessairement les bienvenus, il pouvait paraître utile de faire le point et d'évoquer en vingt-deux nouvelles inédites, les métamorphoses, souvent surprenantes, toujours passionnantes, que le dernier homme a subies.
Pour cela, il a été fait appel, évidemment, à des grands noms de la science-fiction comme Gérard Klein, Jean-Pierre Andrevon, Daniel Walther, Roland C. Wagner ou encore Jacques Sternberg. Mais nous avons également demandé à des écrivains qui œuvrent habituellement dans un registre plus proche du roman noir ou « hors genre » de s'essayer à cet exercice. Ainsi pourra-t-on découvrir, entre autres, les variations de Frédéric H. Fajardie, Marc Villard, Chantal Pelletier...
On verra donc ici comment on peut être le dernier fumeur, le dernier rêveur, le dernier homme dans la vie d'une femme ou encore, comme nous le propose Martin Winckler, le dernier hédoniste.
Complétée par quelques pistes bibliographiques et un dictionnaire des auteurs, cette anthologie pourra se lire aussi et surtout comme un manuel de résistance aux catastrophes les plus diverses, un manuel en vingt-deux leçons angoissantes ou ludiques, drôles ou tragiques et qui annoncent toutes à leur manière un joyeux paradoxe : le dernier homme se porte décidément très bien !
24 - ANONYME, Dictionnaire des auteurs, pages 281 à 291, dictionnaire d'auteurs
Inédit.
25 - ANONYME, Quelques pistes bibliographiques, pages 293 à 294, notes
Inédit.
Critiques
C'est une anthologie en forme de Samaritaine : on y trouve tout ou presque, à partir d'un thème se prêtant aux variations classiques et aux interprétations polymorphes, aux fins du monde et à la mort ordinaire (un texte le rappelle : « l'homme qui meurt est toujours le dernier »). Ne manquent peut-être que « le dernier des hommes », l'Ange bleu et Marlène — quoique... Outre l'anthologiste, on croise de grands noms de la SF française, Andrevon, Klein, Sternberg, Walther, Wagner depuis longtemps dans la cour des plus grands, plus Jean Mazarin, perdu de vue depuis quelques mues du Fleuve. Et Jean-Baptiste Baronian, Michel de Pracontal, Martin Winckler, fort liés à l'imaginaire. Des auteurs de polars et assimilés, que même les plus incultes, dont le soussigné, peuvent connaître, ADG, Fajardie, et puis Quadruppani, plus Marc Villard, Chantai Pelletier, Christophe Mager, Sophie Loubière. Des critiques du Figaro (redevenu un journal après les années 1980) : Olivier Delcroix, Nicolas d'Estienne d'Orves, Philippe Laroche, Sébastien Lapaque... Et un nouveau, José Noce, qui renoue avec des expérimentations un peu oubliées.
L'éclectisme générationnel, idéologique, thématique, fait croiser un dernier humain laissant la planète aux animaux (et ce n'est pas Andrevon !), une uchronie californienne, des assassins ou des assassinés, des pistes bien explorées depuis Fredric Brown mais parcourues avec un ton, une voix, spécifiques, des rêves emboîtés où se perdre, de la déglingue amoureuse, un piège kafkaien, le dernier vampire et le presque dernier donneur de sperme sain, le dernier couple impossible (renouvelé par l'air du temps : affaire à suivre) ou une histoire de monde sans mâle, greffée sur la réalité d'un écrivain insupportable. Plus les effets de l'échec du clonage humain mâtiné de télé-réalité et de parcs de loisirs, plus la privatisation de l'alphabet par quelque Raffarin aux abois (pléonasme ?) vu par un auteur venu du Figaro (tout fout le camp), plus des éructations nihilistes ou mêlant sexualité et tabagisme (mais à Galaxies, comment dénigrer l'herbe à Nicot ?) 1, plus un discours sur soi, son unicité et la terrible normalisation de tous les autres. Plus un brouillon de Sternberg, et un inédit de Gérard Klein (son nom ne vous a pas étonné, plus haut ?) : on ne s'en plaindra pas et on voudrait que ce ne soit qu'un (nouveau) début. Plus Oppenheimer dans le rôle du raton-laveur.
À boire et à manger, parfois, mais la saine revendication hédoniste de l'anthologie justifiera l'expression. Quelques textes exaspérants ou faibles, peu nombreux — et chacun aura les siens. Maintes bonnes surprises, surtout. De quoi déguster, petit à petit, avec plaisir.
Notes :
1. On comprend pourquoi notre collaborateur, pourtant distingué universitaire issu de Normale Sup', est dorénavant interdit du concours du plus mauvais jeu de mots de la convention !