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L'Instinct de l'équarrisseur

Thomas DAY

Première parution : Paris, France : Mnémos, coll. Icares, mars 2002

Illustration de Gil FORMOSA

GALLIMARD (Paris, France), coll. Folio SF précédent dans la collection n° 188 suivant dans la collection
Dépôt légal : septembre 2004
Réédition
Roman, 432 pages, catégorie / prix : F9
ISBN : 2-07-042607-6
Genre : Fantasy


Ressources externes sur cette œuvre : quarante-deux.org
Ressources externes sur cette édition de l'œuvre : quarante-deux.org

Quatrième de couverture
     Sherlock Holmes existe bel et bien ! Simplement il se trouve avec le professeur Watson sur une Terre paral­lèle ayant jadis reçu la visite des Worsh, des extrater­restres désormais parfaitement intégrés à la commu­nauté humaine, qui bénéficie de leur technologie avancée ; et notre Conan Doyle, capable de se rendre sur cette autre Terre grâce à une invention de Watson, se contente dans notre monde de raconter les vraies aventures du célèbre détective — très édulcorées, cela va sans dire. Car Holmes, l'« Assassin de la Reine », n'a pas grand-chose à envier aux monstres qu'il pour­chasse...
     Le fabuleux trio, au fil de ses aventures, va devoir affronter pas moins de deux Jack l'Éventreur, et com­battre l'infâme professeur Moriarty, ennemi juré de Sherlock Holmes, qui va tout faire pour découvrir la clé de l'immortalité — un secret qui se dissimulerait dans un bien mystérieux Instinct de l'équarrisseur...

     Né en 1971, Thomas Day vit à Paris quand il ne voyage pas aux quatre coins du monde. Au fil d'une cinquantaine de nouvelles et d'une poignée de romans (dont Le double corps du roi et L'école des assassins, écrits en collaboration avec Ugo Bellagamba, et plus récemment La Voie du Sabre, prix Julia Verlanger 2003), il s'est imposé comme l'un des auteurs les plus passionnants de l'imaginaire francophone.
Critiques

    Du Londres victorien à Londen – où réside Sherlock Holmes et où les humains cohabitent avec les Worsh, sortes d’oursons attendrissants à l’origine d’avancées technologiques –, de Cuzco au Machu Picchu en passant par une vallée perdue – défendue, comme il se doit, par des dinosaures –, de la Cité interdite de York à un atterrissage imprévu sur un gâteau de mariage dans une maison de retraite au cœur de la campagne anglaise, vous verrez du pays avec L’Instinct de l’équarrisseur !

    Thomas Day nous emmène sur les pas de Conan Doyle à la poursuite de Jack l’Éventreur. Deux fois, même, car au diable l’avarice quand on est en bonne compagnie, avec Oscar Wilde dans un monde, Sherlock Holmes et le docteur Watson dans l’autre, excusez du peu. Choisi par Holmes pour rendre compte de ses enquêtes, son alter ego ayant tragiquement disparu dans un accident de charrette de fumier, Doyle se retrouve à naviguer entre deux mondes parallèles, embarqué dans des aventures épiques par un Watson ventripotent, gouailleur, inventeur génial (quoique ses prototypes laissent à désirer pour ce qui est des atterrissages) et capable d’utiliser ses Colts en plein restaurant pour venir à bout d’un crabe gargantuesque. La personnalité de Holmes est néanmoins bien plus ambiguë, voire monstrueuse, que celle du personnage de papier que l’écrivain Doyle crée dans son propre monde (« Le mal par le mal », le définit-il sobrement). Assassin royal prenant plaisir à tuer, il vit en couple avec Shari, femme forte dont la beauté et l’étrangeté le séduisent autant qu’elles l’intriguent…

    En guise d’entractes, on suit E. « Shiva » Worrington, don les crimes n’ont rien à envier en sauvagerie et en horreur à ceux de son maître et compagnon Moriarty, dans sa conquête du Machu Picchu. Sa rencontre avec Jack London, qu’elle recrute comme mercenaire à cette occasion, la déstabilise et fait d’elle une pièce maîtresse dans la bataille qui voit s’affronter une dernière fois Holmes et Moriarty pour la possession d’un vaisseau interstellaire.

    L’Instinct de l’équarrisseur déborde de monstres, de gore, de sexe, de repas arrosés et de gueules de bois, de collectionneurs d’images animées de dinosaures, d’oursons qui confondent les piles ZX81 avec les ZX83 (c’est fâcheux : « elles font exactement la même taille, mais les 83 sont dix fois plus puissantes, avouez que c’est trompeur. »), d’attaques d’aérostats… Rythme effréné, personnages truculents, c’est un feu d’artifice permanent. Thomas Day joue à nous faire éprouver une large palette d’émotions, l’horreur de certaines descriptions étant amortie par des passages d’une trivialité réjouissante.

    Roman aussi référentiel et documenté que drôle et déjanté, L’Instinct de l’équarrisseur propose, au travers d’une quête de l’immortalité et du pouvoir, une réflexion sur ce qui caractérise l’humanité et sur les actes qui conduisent à sa perte. Et quand il s’achève sur un projet grandiose et une dernière boutade, on n’a qu’une envie : que Thomas Day nous replonge dans de nouvelles aventures de Watson et Doyle !

Estelle BLANQUET
Première parution : 1/10/2020 dans Bifrost 100
Mise en ligne le : 16/6/2024

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition MNÉMOS, Icares (2002)

     « — Vous êtes sûr de tout ça, Holmes ?
     — Bien sûr que non, mais c'est toujours amusant de se lancer dans une telle narration déductive. »

     Voici quelques milliers d'années, le vaisseau extraterrestre des Worsh s'est écrasée sur la Terre, faisant éclater la « sphère des certitudes humaines » pour aboutir à la formation de deux univers parallèles. Dans notre monde, celui des « sceptiques », les Worsh n'ont jamais existé, pas plus que l'improbable détective nommé Sherlock Holmes. Dans le deuxième monde, celui des « crédules », la cohabitation des humains avec les extraterrestres a permis une évolution politique et technologique alternative, tandis que Holmes et Watson parcourent les rues de Londen, la capitale anglaise.
     Brillant inventeur, le docteur Watson a mis au point un « ondovibrateur » qui autorise le passage d'un univers à l'autre. C'est ainsi qu'il rencontre Arthur Conan Doyle, à qui il propose de devenir le « biographe » de son ami le détective.
     Le véritable Holmes est passablement différent de celui que peint Conan Doyle, poussé par la nécessité d'adapter ses récits à sa propre réalité, en gommant notamment toute allusion aux Worsh. A Londen, Holmes a obtenu de la Reine Epiphany Ière le privilège de rendre lui-même une justice expéditive en toute impunité. Il n'hésite pas, par exemple, à torturer et à crucifier un archevêque. L' « assassin royal » est un aventurier intrépide et même casse-cou dont le cynisme et la cruauté n'ont guère à envier à ceux de Moriarty. Bien qu'il demeure séducteur et charismatique, Holmes désobéit ainsi à l'injonction de Nietzsche placée en exergue du livre premier : « Quiconque combat les monstres doit s'assurer qu'il ne devient pas lui-même un monstre. »

     Le roman se structure en trois parties bien distinctes. Le premier tiers reprend une novella publiée dans Cyberdreams sous le titre de La Face claire des ténèbres. On y assiste aux enquêtes successives de Holmes puis de Conan Doyle dans leurs univers respectifs, chacun démasquant son Jack l'éventreur. Si la nature des criminels est différente dans les deux mondes, leur mobile est identique : c'est l'instinct de l'équarrisseur, ou la quête d'une singulière immortalité...
     La deuxième partie, nommée Entr'actes, est centrée sur Elizabeth « Shiva » Worrington, une femme ténébreuse et impitoyable en qui l'on reconnaît un véritable personnage de Thomas Day, à la (dé)mesure d'un Daemone Eraser 1 ou d'une princesse Lyrhène 2. Perçant le mystère de la cité interdite de York, où disparaissent tant d'enfants, elle s'associera à Moriarty pour rechercher en Péruvie l'arche légendaire des Worsch et rencontrera entre autres Jack London, Butch Cassidy et le Sundance Kid.
     La troisième et dernière partie confronte enfin Holmes et Conan Doyle à Moriarty. Le génial criminel a enlevé de nombreux savant, dont Marie Curie, Thomas Edison, ou encore Nikola Tesla. Une course-poursuite s'engage alors, au cours de laquelle nos héros devront inévitablement affronter quelques dinosaures...

     La mode est décidément au steampunk, au risque de provoquer l'indigestion du lecteur. Il serait compréhensible que la seule idée d'un nième pastiche holmesien mâtiné de SF pseudo rétro dans une nième Angleterre fantasmée puisse décourager l'amateur le plus patient, même si la figure mythique du fameux détective se prête particulièrement bien à ces multiples réappropriations. Que l'on se rassure : sauf à être totalement imperméable au steampunk, il faut reconnaître que le roman de Thomas Day s'avère aussi ingénieux que réjouissant !
     En effet, si l'intrigue délibérément feuilletonesque de ce récit alerte et inventif fourmille de rebondissements, elle n'en demeure pas moins parfaitement cohérente. Au-delà du divertissement, but premier de cette aventure extravagante, L'Instinct de l'équarrisseur est aussi une intéressante variation sur le thème immortel de la quête d'immortalité et sur la déshumanisation qu'elle suppose.
     En outre, l'humour est omniprésent, parfaitement intégré à la noirceur sous-jacente de l'histoire. Dérision subtile et ironie mordante rivalisent et cèdent même parfois la place à de véritables scènes burlesques, comme les transferts approximatifs de Watson d'un monde à l'autre, qui le projettent tantôt au beau milieu d'un plafond, tantôt du mauvais côté d'un balcon. On appréciera également les apparitions furtives de quelques illustres personnages, comme celle de William Hope Hodgson, qui en profitera pour baptiser son Carnacki, ou encore celle de Sigmund Freud, qui trouvera en Holmes un sujet d'analyse extrêmement récalcitrant...

     La dimension ludique de cet excellent pastiche crée ainsi un plaisant contraste avec les personnages violents et tourmentés chers à Thomas Day et très présents dans ce roman. S'il ne fallait lire qu'un seul roman de steampunk, L'Instinct de l'équarrisseur pourrait légitimement être celui-là !

Notes :

1. in Les Cinq contrats de Daemone Eraser
2. in Rêves de guerre

Pascal PATOZ (lui écrire)
Première parution : 10/4/2002
nooSFere


Edition MNÉMOS, Icares (2003)

     Sherlock Holmes existe. Arthur Conan Doyle s'est en effet inspiré pour son œuvre du Sherlock Holmes et du John Watson de Londen, capitale dans un monde parallèle de la Monarchie Libertaire d'Angleterre. Un monde jouissant d'une technologie avancée grâce aux Worsh, des créatures d'origine inconnue qui cohabitent avec les humains depuis des siècles. Holmes est un monstre d'intelligence — comme dans l'œuvre de fiction dont il est chez nous le héros — mais aussi un monstre d'extravagance... et de cruauté. Assassin royal, il faut régner l'ordre par le chaos. Watson, lui, est un savant fou qui fait des allers-retours entre Londres et Londen, et rend régulièrement visite à son ami Doyle.
     Tous trois vont tout d'abord traquer Jack l'Eventreur, l'assassin de Whitechappel qui sévit dans nos deux mondes. Puis Holmes devra affronter son ennemi de toujours, Moriarty, et sa compagne Shiva Worrington qui n'a rien à lui envier en terme de cruauté. Tous deux sont en quête d'immortalité grâce à ce qu'ils appellent « l'instinct de l'équarisseur ». Cette traque mènera le lecteur jusqu'au Pérou et sur les traces de l'origine des Worsh.

     La première partie de ce roman, la traque de Jack l'Eventreur, reprend une excellente novella parue il y a quelques années de cela dans la revue Cyberdreams. Et le roman qui en résulte, dont la novella est en quelque sorte le prologue, est indéniablement placé sous le signe de la démesure, de l'humour et de la jubilation. Jugez plutôt : l'auteur nous offre pêle-mêle un Holmes et Watson parallèles des plus extravagants, des personnages historiques détournés (Oscar Wilde, Jack l'Éventreur...), des savants fous, des machines extraordinaires, des démons indiens, des mercenaires au Pérou, l'enlèvement par Moriarty d'Einstein de quelques autres génies scientifiques, une Cité Interdite d'York dans un monde parallèle, des États-Unis Socialistes d'Amérique, des dinosaures-robots, et j'en passe.

     Relevant du steampunk, L'Instinct de l'Equarisseur n'est pas écrit « à la manière de » comme on le voit souvent dans ce domaine. La langue est moderne, imagée, truculente, pleine d'humour (chose rare chez cet auteur, surtout dans ses romans). Les dialogues font mouche, contrairement à ceux de Daemon Eraser ou L'École des assassins, à mon sens parfois maladroits et ampoulés. Si ces deux romans ne m'avaient pas convaincu, je ne peux ici que conseiller la lecture L'Instinct de l'Equarisseur, une indéniable réussite.

Philippe HEURTEL (site web)
Première parution : 1/11/2003
nooSFere (rédigé en septembre 2002)


Edition MNÉMOS, Icares (2002)

     Steampunk, post-modernité, collages et jeux littéraires ont le vent en poupe, au moins côté auteurs. On ne s'en plaint pas. Sherlock Holmes est souvent convoqué ; ainsi, naguère et magnifiquement, par René Réouven. Ici, sur la lancée d'une nouvelle, La Face claire des ténèbres, il vit dans un monde où des extra-terrestres en forme d'ours en peluche (ou d'Ewoks) ont autrefois fait naufrage, accélérant l'évolution technologique et modifiant l'Histoire. Conan Doyle y étant prématurément décédé, Dostoïevski n'ayant pas tenu le choc, Watson va de temps à autre chercher en side-car volant la version du premier qui vit dans notre univers, pour lui faire rapporter des exploits d'ailleurs très édulcorés, car le détective est un psychopathe sanglant, « assassin royal » très officiel d'une « monarchie libertaire britannique ».
     On est donc en partie dans une « uchronie de fiction », mais surtout dans un univers parallèle. Ce qui aide à jouer avec l'histoire, la géographie et les icônes : photographie inventée par Léonard — comme chez McAuley — , royaume d'Aigues France, Péruvie, États-Unis dont l'aigle emblématique tient faucille et marteau dans ses serres et dont la devise est « in socialism we trust », mission Spitz-Barsac en 1712, ou dirigeables, et apparitions plutôt brèves de Marie Curie, Albert Einstein, Thomas Edison, Butch Cassidy et le Kid, Buffalo Bill ou Sigmund Freud, plus brève encore de Picasso, moins brèves d'Oscar Wilde ou Jack London. Le flou des frontières permet aussi de jouer avec l'horreur en tirant le personnage du docteur Moriarty du côté d'Hannibal le cannibale, ou avec la fantasy, avec la malédiction plus ou moins scientifiquement explicable pesant sur la ville d'York. Avouons qu'on s'amuse bien, même si c'est parfois aussi sanguinolent qu'au Grand-Guignol, et si on aurait pu s'épargner quelques blagues de potache comme in fine la rigor mortis de tel élément de l'anatomie holmésienne. Mais peut-être sont-elles là pour désamorcer ce qu'il y aurait de trop gore.
     Pour le reste, cela se veut un feuilleton, « une grande aventure dans la tradition de la littérature populaire du début du siècle », entre pastiche et hommage, avec des titres de chapitre commençant systématiquement par Où... Ce qui fera pardonner par exemple, parce que Ponton du Sérail fit pire, un « vous n'êtes pas sans l'ignorer » dont l'auteur peut d'ailleurs s'exonérer : il l'a placé dans un dialogue. C'est aussi un livre fort stolzien, fonctionnant sur des images fortes. Successivement et sans préjudice d'autres épisodes et images mineures, Holmes et Wilde aux trousses de Jack l'Éventreur et poursuivant un démon, la cité interdite d'York déjà mentionnée, avec sa cathédrale pavoisée de peaux humaines, une expédition mercenaire en Amérique latine, un dirigeable vite détourné, une vallée andine perdue, riche — comme il se doit — en dinosaures... Les « grandes scènes » s'enchaînent, que l'intrigue cimente d'autant mieux que les péripéties entraînent le lecteur, l'empêchant de trop regarder aux détails et aux soudures. Et si, après avoir lu la dernière page, il se retourne en se disant qu'il a bien dû se faire avoir quelque part, l'affaire a été assez plaisante pour tout excuser. Il pourra même y voir, paradoxalement, une morale derrière les apparences, et un jeu bien plus subtil qu'il n'y parait sur le bien et le mal. Et cela donne envie de souhaiter que l'auteur ne se perde pas trop dans les travaux alimentaires.

Éric VIAL (lui écrire)
Première parution : 1/6/2002
dans Galaxies 25
Mise en ligne le : 1/2/2004

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