DENOËL
(Paris, France), coll. Graphic Dépôt légal : mai 2004 Première édition Roman, 192 pages, catégorie / prix : 19,50 € ISBN : 2-207-25518-2 Genre : Fantasy
Quatrième de couverture
« L'Homme-Arbre est une série de trois livres ayant pour héros trois êtres forestiers assez frustes : un arbre, un Golem, un vieux juif. Le premier tome, » L'Etoile Polaire « , raconte comment l'Homme-Arbre a refusé de fabriquer un piano pour un mauvais roi. C'est un récit en douze chapitres, abondamment illustré, où il est question de guerre, de cataclysmes, de barbus fanatisés et de l'extinction de certains empires ».
Ainsi Joann Sfar décrit-il son premier roman où, après Le Chat du Rabbin, Petit et Grand Vampire, et tant d'autres merveilles, il invente la Hassidic Fantasy, rencontre nullement fortuite entre J.R.R Tolkien et la Kabbale.
[texte du bandeau, pas de texte sur la quatrième de couverture]
Critiques
L'homme-arbre est certainement unique en son genre : s'il marche et sait utiliser ses branches comme des bras et des mains, c'est parce qu'autrefois, un affreux monstre amoureux de musique l'a convaincu de se bouger. Et lui qui n'était qu'arbre ordinaire, immobile, planté — il bougea, suivit le petit bonhomme mort-vivant et apprit à jouer de la musique.
Après bien des péripéties (dont une histoire d'amour avec une zombie qui le quitta pour un chou-fleur qui travaillait dans l'agriculture), l'homme-arbre coule désormais des jours tranquilles dans sa tanière mi-arbre mi-maison, à imiter en bois les objets de la société de consommation et à ne guère se soucier du temps qui passe ni de la mémoire.
Perdu au cœur de la forêt, son cercle de relations est des plus étroits, mais comprend tout de même deux êtres assez exceptionnels : le vieux sage juif Eliaou, et le golem qu'il a conçu. Menacés par les agissements belliqueux d'un peuple d'esprits du feu, le trio va devoir secouer sa torpeur et agir — vite, car ce n'est rien d'autre qu'Atlas, l'arbre-pilier du monde, qui est menacé !
On ne saurait dire si Joann Sfar écrit pour les petits ou pour les grands : nouvelle coqueluche de la bande dessinée française, ce touche-à-tout phénoménal a livré jusqu'à présent aussi bien des albums pour la jeunesse que pour les adultes, des autobiographies que des récits historiques tirés de la Bible, ou encore une immense saga de fantasy pseudo-héroïque (Donjon, avec Lewis Trondheim et de nombreux dessinateurs), et il a l'habitude de passer librement du scénario au dessin.
Avec L'Homme-Arbre, Joann Sfar endosse un nouveau rôle, celui de romancier, pour une « hassidic fantasy » pleine de poésie, d'humour, d'autodérision juive, de violence, de mort et de culture mythologique. Somptueusement et copieusement illustré, dans un style très « lâché » qui peut rappeler aussi bien Quentin Blake que Pascin et Mervyn Peake, L'Homme-Arbre s'impose comme un livre comme aucun autre dans le paysage éditorial français. Ses pages s'emplissent de créatures étonnantes : homme-arbre, golem, gnome, vampires, esprits du feu, vieilles fées... Et d'obsessions typiquement sfaresques : caca, zizi, judaïsme et flots d'hémoglobine.
Et si l'on peut regretter que Joann Sfar ne maîtrise pas encore pleinement ses effets de style (sauts de point de vue et changements de niveau de langue abondent un peu trop — et l'on reprochera au maquettiste de n'avoir nullement ménagé les sauts de paragraphes, ce qui est parfois assez gênant pour la compréhension), ce court roman reste malgré tout une réjouissante réussite, originale et intelligente. Cette toute nouvelle collection, Denoël « Graphic », ne peut que séduire les amateurs de fantasy, et l'on attend avec quelque impatience les titres suivants — sachant notamment qu'on nous annonce un Fabrice Colin.