HACHETTE Dépôt légal : octobre 1982 Première édition Roman, 256 pages, catégorie / prix : 59 FF ISBN : 2-01-008875-1 ✅ Genre : Science-Fiction
Quatrième de couverture
Gébé est né en 1929, sous le signe de cancer (pour les dames). Sa vie : 13 ans à la SNCF, 23 ans à Hara Kiri, 13 ans à Charlie Hebdo, 4 ans à Pilote. N'additionnez pas. Rédacteur en chef et dessinateur dans Hara Kiri, Charlie, Libé... etc. Il écrit treize livres avec illustrations, dont le célèbre L'an 01. Jacques Doillon en tire un film. Il collabore à de nombreuses émiissions télévisées, écrit poèmes et chansons dont « Casse-têtes » chantée par Yves Montand dans son dernier récital.
Sept cartouches est son premier roman.
Nous sommes en 1989-1990, dans une société apparemment idyllique qui ne connaît pas la violence. Les armes, la police et la justice ont disparu comme mauvais souvenirs. On ne paye rien, les voitures sont à tout le monde, les citoyens participent collégialement à la gestion des affaires publiques, par le moyen d'un réseau audio-visuel très ramifié. Après la proclamation qui l'a fondée, la société du Lozange a décrété le « Ramassage ». Entendez le ramassage des armes de toute nature.
Le Lozange semble donc bien être « le meilleur des mondes » jusqu'au jour où l'inimaginable se produit.
Un crime est commis, grâce à un Walker P.P.K., revolver à 7 cartouches. D'où vient cette arme ? Qui tue ? Et tue encore ?....
Pourquoi la violence a-t-elle réapparu ?
Auteur policier au pied levé, Gébé avec une joie enfantine a mis le point final à son premier roman noir. Dans Sept cartouches, il laisse éclater son talent d'humoriste et de pamphlétaire.
Critiques
Pour son premier vrai roman écrit, Gébé retourne dans une contrée qu'il connaît bien : l'utopie. L'utopie anarchique et douce, cela va sans dire, qui vient de mai 68 et de L'an 01. Nom et lieu : le Lozange, où huit millions d'habitants vivent heureux et sans problèmes : Pas de religions consolantes, pas d'idéologies enfermantes, pas de bornes autres que les commodités de la vie en commun, pas de bonheur standard, pas de culte des racines et de l'identité culturelle, pas de folklore, pas d'armée, pas d'armes. (p. 19).
Le bonheur, alors ? Pas total, puisque quelqu'un s'ennuie. Pas d'armes ? Si, un vieux pistolet automatique retrouvé dans un marché, et que celui qui s'ennuie va utiliser, avec ses sept cartouches, pour voir comment ça fait de troubler l'ordre établi (« Je vous observe ! Je vous guette ! Je me régale. »), puisqu'on sait bien que l'utopie, c'est aussi un ordre — le bonheur étant par nature immobile.
Le roman est donc loin d'être une sérénade lénifiante au bénéfice de cet An 01 que Gébé a chanté sans le voir venir. C'est au contraire un récit qui doute, un récit profondément dialectique, où les contraires s'opposent avec harmonie. Récit policier dans le cadre de SF, Sept cartouches est un lointain descendant de Marée montante de Marion Zimmer Bradley (une société en apparence pastorale, mais où toutes les ressources de l'électronique, de l'informatique, peuvent être mobilisées instantanément en cas de crise), qui repose tout entier sur le style inimitable de Gébé : C'est l'heure où les amants ronflent. Encore quelques heures et les amants vont péter (p. 201). Tout est écrit en raccourcis cinématographiques (le livre peut-être considéré comme un scénario dialogué et découpé — et d'ailleurs dix planches hors texte montrent le film en train d'être tourné, par un metteur en scène qui a la tête de Godard, ce qui permet à Gébé de commenter lui-même son récit), où le descriptif l'emporte toujours sur le psychologique. Et quelles merveilles, souvent ! Martine lit dans le canapé sous la fenêtre. Elle porte une longue jupe giroflée sous laquelle deux escarpins vernis regardent sans payer (p. 121)1
La seule chose qu'on pourrait sans doute reprocher à l'auteur est d'avoir terminé son bouquin de manière un peu molle (la formation des milices, l'arrestation de l'assassin, son sort...), comme si, arrivé au bout de son parcours, Gébé avait hésité à être trop féroce (ou trop désespérant), pour pouvoir rester dans le cadre de son anarchie douce. Anarchie douce ? c'est précisément le titre d'un autre Gébé, celui-là publié au Cherche-Midi — un recueil de saynètes en quelques planches, parues dans Charlie Hebdo, Hara-Kiri, B.D. D'autres petites merveilles de philosophie souriante et utopique de cet irremplaçable rêveur...