« Le docteur van Heerden était assis auprès du grand lit où la jeune fille était étendue, et dans ses yeux bleus terriblement froids brillait une lueur d'amusement... » Est-ce un extrait d'un roman rosé entre le soft et le hard ? Vous n'y êtes pas. Peut-être alors ces lignes viennent-elles d'un Fantômas, ou encore d'un Harry Dickson ? Non plus, mais la parenté est déjà plus certaine... Auteur de 90 romans et de cinquante recueils de nouvelles, Edgar Wallace, bien oublié aujourd'hui à côté de confrères en romans populaires plus nimbés par la popularité posthume, est incontestablement un maître du suspense. Grand maître, petit maitre ? Ne jouons pas sur les mots, ni sur ce qu'ils recouvrent. Ce britannique, qui mourut en 1932, l'année même où il écrivait à Hollywood le scénario d'un des films fantastiques parmi les plus célèbres de tous les temps, King Kong, possède un talent de conteur incomparable, en même temps qu'un certain humour. « J'avais toujours cru, dit-elle, que les enlèvements en automobiles étaient des inventions d'écrivain de romans policiers, mais il semble bien que ce soit chez vous une habitude... »
De l'humour (mais aussi un curieux attrait pour la fleur bleue), il en faut à l'auteur pour nous faire avaler les poursuites, enlèvements, séquestrations, coïncidences et coups de théâtre dont est cousue La rouille mystérieuse un de ses rares romans conjecturaux (les deux autres, selon Versins, seraient Planetoïd 127, et La porte aux sept serrures). De quoi est-elle coupable, cette rouille, qu'un savant bien entendu allemand veut répandre sur le monde ? De détruire les récoltes de blé et, ainsi, d'affamer l'ennemi. Mais le courageux détective Beale aura raison de van Heersen avant que le fléau ne soit activé... De la conjecture ? Seulement en projet, alors. Mais ce projet-là vaut qu'on s'y attarde, le temps de deux heures de lecture palpitante, et qu'il n'est pas interdit de faire au second degré.