MANGO Jeunesse
(Paris, France), coll. Autres Mondes n° 35 Dépôt légal : novembre 2005, Achevé d'imprimer : novembre 2005 Première édition Roman, 192 pages, catégorie / prix : 9 € ISBN : 2-7404-1925-2 Format : 13,0 x 20,0 cm Genre : Science-Fiction
Quatrième de couverture
Hugues Kessler, informaticien de génie, est l'inventeur du programme Alter qui permet de reconstituer virtuellement la personnalité d'une personne décédée. À son insu, Lise, sa fille, l'utilise pour « ressusciter » son frère Jérémy, mort il y a six mois. Mais TechniBio, l'entreprise qui emploie son père, l'apprend et « kidnappe » Alter Jérémy, pour l'utiliser comme sujet d'expérience. Aidée par les Desperados, les anciens copains casse-cou de son frère, Lise va tout faire pour arracher Alter Jérémy des griffes de TechniBio. Mais qui est Alter Jérémy ? Une entité consciente ou un simple programme informatique sophistiqué ?
Critiques
À trop s'adonner à des jeux dangereux, Jérémy Kessler est mort sous les yeux de sa grande sœur Lise qui veille sur lui depuis la mort de leur mère. Fou de douleur, le père, Hugues, obtient de Technibio, la firme qui l'emploie, de poursuivre à son domicile ses recherches en informatique. Déjà inventeur d'un Émo-Mémo, gadget permettant d'enregistrer son journal intime avec la note émotionnelle des événements, il écrit un programme capable de recréer virtuellement une personne à partir des archives la concernant. Lise l'utilise pour redonner vie à son petit frère mais les mouchards qu'a dissimulé Technibio entraînent l'effacement des données et leur rapatriement vers la firme qui reproche à l'inventeur d'avoir menti sur l'évolution de ses recherches. Celles-ci ne sont pas terminées : les entités virtuelles vivent notamment dans un éternel présent qui les empêchent d'effectuer une discrimination chronologique des événements. Tandis qu'Hugues est contraint d'achever son travail sur place pour que Technobio commercialise une version exploitable des entités virtuelles, Lise cherche un moyen de récupérer Alter-Jérémy des griffes de ceux qu'elle considère comme des kidnappeurs.
La plausibilité de cette aventure, aussi bien lors de la naissance de l'entité virtuelle que dans la conception de son évasion, est des plus hasardeuses. Johan Heliot se soucie peu de cohérence sur le plan technique, son propos se situant clairement ailleurs. Méditation sur le vide qu'une disparition provoque parmi les proches, il fait réfléchir sur l'aveuglement auquel peut pousser le désir de retrouver un être cher et sur la logique marchande qui spécule sur la souffrance. Alors qu'il est déjà possible de cloner son animal favori disparu, ce récit est une belle histoire sur les stratégies qu'adoptent les gens pour continuer à vivre après un deuil. Heliot a réussi son entrée dans la prestigieuse collection jeunesse d'Autres Mondes.
Lise et Jérémy, comme leur père, ont du mal à se remettre de la mort de leur mère, et Lise a bien de la peine à surveiller son petit frère pour l'empêcher de jouer les casse-cou avec ses amis, en roller. Un jour, le drame arrive et Jérémy est tué. Or, son père, Hugues, qui est informaticien, travaillait sur un programme permettant de reconstituer virtuellement la personnalité d'un mort, afin de soulager les familles endeuillées. Et il avait déjà « fabriqué » une Alter Eva, avec laquelle il communiquait en secret. Lise a l'idée de reconstituer la personnalité de son frère et pour cela, elle se sert d'un journal électronique — mis au point par son père — où il avait noté ses pensées les plus intimes. Mais bientôt le système domotique subit une attaque virale et Alter Jérémy est enlevé.
Dès lors, l'intrigue bascule dans le roman d'espionnage industriel. Les « méchants » (les patrons de la boîte pour laquelle travaille Hugues) utilisent l'arme du chantage affectif ; les « gentils » (Lise et son père) se servent des amis de Jérémy — qui tentent ainsi de se racheter de leur responsabilité dans l'accident — et d'Alter Eva qui n'a pourtant nul souvenir de ses enfants.
Le récit de Johan Heliot adopte un rythme trépidant, que ralentissent parfois des explications compliquées et trop longues, mais c'est le seul vrai reproche qu'on puisse lui faire. L'action et l'émotion sont au rendez-vous, ainsi que les questions d'éthique qui sont un peu la marque de fabrique d'Autres Mondes. Ici, on se demande dans quelle mesure on a le droit de cloner une personnalité, de faire souffrir un être humain, même s'il n'est que virtuel. Certaines conséquences possibles du programme Alter pourraient cependant être évoquées, comme par exemple l'éventualité de reconstituer la personnalité d'un vivant pour s'en servir à des fins criminelles, mais ne boudons pas notre plaisir pour autant ! Pour sa deuxième incursion en littérature jeunesse (après Opération Némo, qui s'adressait à de plus jeunes enfants), l'imagination et les qualités d'écriture de Johan Heliot se confirment.