Sunk est un monde qui coule. On ne sait pas très bien si c’est l’eau qui monte ou si c’est l’île qui descend, mais soyons honnête, ça ne change pas grand-chose au problème : les habitants paniqués grimpent vers des hauteurs toujours plus étroites et mal fréquentées, et le processus de destruction suit inexorablement son cours. Sous l’œil attentif du mystérieux Sémaphore, Arnaud et son frère Sébastien (mythomane imaginatif et magicien complexé) font comme tout le monde : ils sauvent leur peau. Dans un univers d’Orques épaulards, de bateaux en pierre, de canards et de bicyclettes rouillées, ils rivalisent d’inventivité pour retarder l’inéluctable — en inventant des religions, par exemple. Ou en se mouchant. Mais face à la mer hérissée de dents pointues, face à la Roue De la Fortune Tueuse, face surtout à l’ineptie congénitale de leurs compatriotes, nos amis ont-ils la moindre chance ? Inutile d’envoyer des SMS, c’est pas vous qui décidez.
Inspirée par des écrivains français oubliés depuis longtemps, parfaitement documentée, hantée par les fantômes de Jacques Tati, Marcel Pagnol et Robert E. Howard, cette parabole initiatique, contenant de vraies recettes de pizza inédites, trimbalera le lecteur téméraire de villes boueuses en révélations fracassantes, avec en son cœur une seule devise : si le naufrage est inévitable, détends-toi, ami, et reprends donc un Picon bière.
David Calvo & Fabrice Colin
ont soixante-trois ans. On les dit sensibles, pères de famille ou sans domicile fixe. Ils ont à leur actif quantité de choses écrites ou dessinées. Ils ont, depuis l’écriture de ce livre, abandonné toute volonté de croire en [insérez ici votre philosophie favorite].
Critiques
Est-ce que Sunk coule ou est-ce l'eau qui monte, ou bien une combinaison des deux phénomènes ? C'est ce que vont tenter de découvrir deux frères accrocs au Picon-bière, deux branleurs même pas sympathiques prénommés Arnaud et Sébastien. Leur quête (désespérante de vacuité), se résumant à l'ascension chaotique d'une île qui se noie, se fera en compagnie d'un schizophrène aux deux identités identiques, d'une armure vivante et de moult autres personnages étonnants, mais ne servant la plupart du temps à rien. Le tout sous le regard un peu Big Brother de Sémaphore, autre personnage ne servant à rien, si ce n'est à permettre aux auteurs de nous parler quelques lignes durant de cette spécialité culinaire italienne fort appréciée qu'est la pizza.
Pour réussir à lire Sunk de David Calvo et Fabrice Colin, il faut à mon avis (liste non exhaustive) :
1/ En couvrir l'immonde couverture d'Arnaud Cremet avec un joli papier, si possible terne et n'attirant ni le regard des passants ni l'intérêt des mouettes rieuses.
2/ Ne prendre que cet ouvrage pour un long trajet (un Paris-Bangkok diurne avec escale technique de trois heures dans les Emirats Arabes Unis me semble parfait ; si votre voisin de siège est une vieille dame qui a quarante-trois petits-enfants et joue dans un des meilleurs clubs de bridge de la Sologne profonde, c'est encore mieux).
Pour lire Sunk, il faut aussi :
3/ Oublier que les auteurs de cet opuscule ont précédemment commis Atomic Bomb (œuvre littéraire hallucinée dont le premier tiers est à mon avis génial, le second tiers pas mal et le dernier tiers complètement foiré)
4/ Etre définitivement nul en orthographe et grammaire, et n'avoir absolument aucun respect pour la langue française, ni la moindre notion de typographie pour faire bon poids.
Est-ce que Sunk coule ou est-ce l'eau qui monte, ou bien une combinaison des deux phénomènes ? A dire vrai, on s'en fout... Et ce ne sont pas une phrase percutante de ci de là, une bonne idée à la Monthy Python perdue entre les dessins, qui sauvent l'ouvrage du naufrage. Quant à présenter Sunk comme une habile parabole du monde dans lequel nous vivons... c'est un peu comparer l'écrivaillon-journaliste PPDA à Jack London... Si parabole il y a, elle est satellite, couchée en chapeau chinois dans un des bidonvilles de Marseille et David Calvo — intoxiqué au THC — est caché dessous pour échapper aux CRS. Sunk aurait pu être un roman à la Terry Pratchett tout à fait réjouissant (genre Les Annales du Monde-qui-coule), mais il a été visiblement torché en deux semaines par deux branleurs sympathiques (que l'on sait par ailleurs forts talentueux, ce qui énerve d'autant plus). Résultat, c'est un Objet Littéraire Non Identifiable consternant de j'menfoutisme et d'auto complaisance assumés. Dommage.
Une dernière chose : si quelqu'un a un correcteur orthographique et grammatical qui traîne (genre Pro-Lexis), surtout qu'il s'empresse de l'envoyer aux Moutons électriques éditeur. Le leur est visiblement tombé en panne avant installation (hypothèse 1), a fondu lors de l'installation (hypothèse 2), ou a été kidnappé par les extraterrestres de la planète Larousse (hypothèse la plus probable)...
Connaissant la réputation des compères Calvo et Colin, surtout depuis leur Atomic Bomb, le lecteur commence Sunk préparé à une expérience hallucinée, drôle et amère. Effectivement, le décor s'y prête : Sunk est une île condamnée, menacée d'engloutissement, soit parce que l'eau monte, ou bien que la terre descend (le débat fait rage). Quand le Village décide de monter une expédition vers les hauteurs, Arnaud et Sébastien, deux frères de la rue, y voient une échappatoire à leur quotidien réduit à la dégustation de cailloux et de Picon bière.
Montant une équipe désastreuse qui malmène de façon désopilante les clichés de la fantasy, le voyage commence, intelligemment servi par les illustrations évocatrices d'Arnaud Cremet. Des haltes toujours plus tordues et surprenantes s'enchaînent — et s'enfoncent dans un humour de plus en plus noir ; les péripéties se succèdent avec désespoir et surréalisme, et l'intrigue se construit dans la douleur et la violence, parfois même aux confins de la gratuité.
C'est donc assez perplexe — voire un peu craintif — que notre lecteur poursuivra la descente — ou plutôt, la montée — aux enfers des deux compères et l'évolution de leur relation.
Comme il aura raison !
Car Sunk, qui ne revêt dans ses débuts que l'apparence d'un grinçant divertissement, découvre alors sa profondeur immense. Opérant une lumineuse et élégante transition, le roman déplace sa problématique sur une interrogation inattendue, éminemment littéraire et symbolique. Ne la déflorons pas ; il suffira de dire que celle-ci éclaire totalement et rétrospectivement la portée du livre -voire de l'acte d'écrire en lui-même. Et cela, sans que les auteurs perdent leur verve ou deviennent abscons.
Notre lecteur sort de l'expérience Sunk — car c'est bien d'une expérience dont il s'agit — avec le sourire aux lèvres, en se souvenant des trouvailles hilarantes du roman, et un regard méditatif, tandis qu'il réfléchit à sa fascinante mesure. Même si les cœurs fragiles devront surmonter l'humour parfois très noir, même si le livre ne satisfera peut-être qu'un public un peu exigeant, Sunk est un roman à lire. Puis à redécouvrir.
Sunk est une île. On ne sait pas trop si l'eau monte ou si l'île coule — ce sujet divise l'opinion — mais de grandes vagues détruisent les villages côtiers et obligent les habitants à remonter toujours plus loin vers l'intérieur de l'île. Une petite troupe décide de se rendre vers son sommet, au-delà de la barrière de nuages, pour y trouver, peut-être, une solution...
Assurément Sunk est un roman de fantasy. On y trouve en effet « une grande nana en bikini, un gros nain barbu (classique), un type enfermé dans une armure » et bien d'autres stéréotypes incontournables du genre. Il y a aussi quelques personnages moins habituels, comme Bien Bien, le schizophrène qui a la malchance d'avoir deux fois la même personnalité, ou comme l'étrange gardien du sémaphore sous l'oeil vigilant de qui se déroulera ce périple sans queue ni tête.
Comme dans toute fantasy, il y a des dieux : « Les Dieux nous regardent. Ils jaugent nos âmes. Ils vivent dans une immense villa au bord de la mer et ils boivent des cocktails frais. Il y a la Déesse Sabrina. Elle sortait avec Evan, autrefois. Mais depuis peu, c'est le Dieu Mike qui a pris la place d'Evan. Mike bénéficie du soutien de Jean-Marc, qui est Père de Tous les Dieux. Il travaille dans le pétrole, et répare le toit de la villa quand il y a des orages. » (p.51) Ils donnent du sens à la vie : « Les Dieux créent les hommes et les dotent de pouvoir magiques pour qu'ils puissent accomplir des putains de quêtes et casser la gueule aux méchants Dieux. » (p.53)
C'est donc bien un roman de fantasy, dans une veine évidemment satirique. Pourtant, Sunk ne ressemble ni à du Terry Pratchett, ni aux lourdes parodies du Seigneur des anneaux, ni à aucune des « conaneries » qu'on a pu lire jusqu'à présent. C'est un récit au ton étrange, constamment décalé, à l'humour souvent plus sinistre que jubilatoire. Un récit où, comme dans Atomic bomb, le précédent opus des deux compères, l'absurde fait office de principal fil conducteur. Evidente métaphore de la condition humaine, ce monde qui sombre dans l'indifférence générale — sa population préférant vaquer à de futiles taches que de se désespérer à affronter la réalité en face — détone dans un genre où, en général, le rôle de chacun et la place du bien et du mal sont parfaitement définis.
Absurde et grotesque se mêlent donc dans une sarabande d'ailleurs joliment illustrée par Arnaud Cremet dont le dessin de couverture — visible dans son intégralité à l'intérieur du livre — rappelle les grandes fresques classiques représentant l'Apocalypse, la Tour de Babel, le Paradis et les Enfers. Beaucoup d'autres de ses dessins, cocasses ou monstrueux, agrémentent le récit et participent à sa résonance si particulière.
Sunk n'est probablement pas tout à fait aussi enthousiasmant que l'excellentissime Atomic bomb, en raison d'un rythme moins explosif, de personnages un peu moins surprenants ou peut-être du caractère moins inattendu d'une parodie de fantasy. Mais malgré cela, Sunk demeure une expérience unique en son genre qui séduira sans peine les amateurs de non sense.