Sur Terre, la tension grandit de jour en jour, entre les deux puissances OCCI et ORI qui se partagent l'Empire du système solaire. Depuis de longs mois, les vaisseaux spatiaux adverses s'espionnent et se surveillent tout autour des colonies planétaires. Et puis...
Et puis, dans quel monde étrange s'éveille un jour celui qui croit s'appeler Ax Varan ?
Quelle est cette ville immense, peuplée de cadavres poussiéreux ? Ces milliers de cadavres...
Pourquoi les forces ORI, basées sur la Lune, rappellent-elles les meilleurs pilotes d'observation, en vol depuis plusieurs mois en espace ennemi ?
Pour une simple mission... Une mission qui peut sauver ou perdre toute l'humanité.
Critiques
Tout le monde s'accordera sûrement à admettre que Pelot (ou ici Suragne, en l'occurrence) n'est pas le plus grand des stylistes — surtout sur ses œuvres de jeunesse. Pourtant, celles-ci sont souvent de véritables petits joyaux, voire pour certains des chefs-d’œuvre de la science-fiction francophone. Car la force de cet auteur n'est pas tant dans son style que dans ses idées, ses traitements, ses structures...
Prenons pour l'exemple La nef des dieux.
Après un premier chapitre d'une lenteur effroyable (qui, en outre, n'apporte pas grand-chose à l'histoire — et, sincèrement, si l'ouvrage était signé d'un tout autre écrivain, on en aurait probablement abandonné la lecture), le roman devient passionnant dès le suivant.
Le lecteur se voit dès lors emporté par les mots, incapable de lâcher le bouquin. Au point qu'il vient facilement à pardonner (voire à ne plus du tout remarquer) les maladresses, les répétitions ou la faiblesse grammaticale.
La structure du livre reste sans conteste l'un de ses éléments les plus marquants. À première vue, pourtant, rien de révolutionnaire : l'auteur alterne, d'un chapitre au suivant, entre deux groupes de personnages et deux histoires sans aucun rapport, du moins à priori. On se doute, bien entendu, que tout cela se rejoindra tôt ou tard.
Ce genre d'approche, toutefois, est toujours risqué, car elle implique des ruptures constantes dans le rythme de la lecture et le romancier doit s'efforcer d'insuffler une égale énergie à chaque partie afin de maintenir l'intérêt du lecteur.
La prouesse de l'auteur, ici, réside non seulement dans sa réussite à cet exercice, mais également dans sa capacité à y apporter, à la fin, une petite touche personnelle inattendue.
En parlant de bonne surprise, la chute est si monumentale qu'elle pousse au rire. Non pas qu'elle soit ridicule, mais c'est tout simplement amené avec une telle subtilité qu'elle force l'admiration.
Peut-être est-ce à cela, finalement, que se mesure le véritable talent d'un excellent auteur...
Nous entrons dans une tout autre tonalité avec La nef des dieux de Pierre Suragne, nouveau venu au Fleuve Noir qui semble pouvoir ailier la prodigalité à la qualité. Ce quatrième livre, en effet, soutient la comparaison avecLa septième saison, son premier dans la collection, dont j'avais souligné l'excellente tenue. Complexe, la trame commence avec l'exposé d'une tension planétaire entre l'OCCI et l'ORI — deux puissances aux désignations transparentes qui se partagent l'hégémonie du monde. Mais, avant que la guerre éclate, la Lune fait un bond sur son orbite et entraîne sur la Terre une série de cataclysmes... Cette fantaisie cosmique a été provoquée, croit-on, par la présence dans l'espace d'un fabuleux vaisseau extragalactique grand comme une planète. Dès lors, une série de chapitres montés en parallèle nous transportent de l'intérieur de ce vaisseau mystérieux, où deux êtres à la mémoire effacée tentent de reconstituer leur passé, à une base OCCI sur la Lune, où un groupe de pilotes d'élite fore le satellite à la recherche d'une arme totale qui est censée y être enterrée, et grâce à laquelle l'OCCI pourrait vaincre l'ORI. Cette complexité pourrait paraître bien grande à nos lecteurs... Que diront-ils alors en apprenant la vérité sur le vaisseau mystérieux ! Et sur l'époque où prend place ce récit ! Mais je m'en voudrais de déflorer des mystères qui ne se dévoilent que progressivement, au cours d'un récit serré, fertile en rebondissements, au suspense très bien entretenu. Disons seulement que l'ingéniosité de Suragne peut évoquer celle de Wul — et ce n'est d'ailleurs pas la première fois que je place le nom de ce prestigieux ancêtre aux côtés de celui de ce jeune loup. Car Suragne a des idées, et il sait les mettre en place. Dans les cinquante premières pages surtout, alors qu'il nous décrit une Terre pacifique par le biais de trois portraits de femmes dont les compagnons sont tous au loin à bord de fusées de guerre, il passe un souffle tendre et poétique qui peut aussi évoquer Sturgeon, et que l'évocation rapide du cataclysme met parcomparaison bien en valeur. Suragne sait aussi, par de rapides digressions, former une atmosphère : « Un chat gris aux yeux de feu sauta sur le dossier d'un fauteuil. Ils échangèrent un regard rapide, ne s'étant jamais vus encore. Les chats entraient et sortaient librement dans la maison de Gillian ; ils étaient comme les feuilles de l'automne que la moindre brise roule et chavire. Il en venait parfois de l'autre bout du monde, ou peut-être d'ailleurs encore »(p. 10). J'espère que ces quelques phrases inciteront les lecteurs de Fiction à faire confiance à Suragne, et à ne pas trop pourfendre votre serviteur de s'étaler longuement sur la collection Anticipation. Elle le mérite plus souvent qu'on ne croit.