MNÉMOS
, coll. Icares Dépôt légal : septembre 2005, Achevé d'imprimer : septembre 2005 Première édition Roman, 320 pages, catégorie / prix : 18 € ISBN : 2-915159-50-5 Format : 13,0 x 21,5 cm✅ Genre : Fantasy
Etienne Verbellec est un écrivain comblé. Idôlatré par le public, adulé par la critique, il ne lui manque qu'un ultime chef-d'oeuvre pour atteindre le sommet de la gloire littéraire. Mais à la veille du lancement de son nouveau roman, un double meurtre est perpétré à la Fnac Saint-Lazare. La brillante carrière bâtie depuis dix ans avec l'aide des éditions Magillard commence alors à se fissurer... Au même moment, en Faerie, les restes d'un corps torturé sont retrouvés dans la gigantesque bibliothèque de la Folie Clébédia. La Fey Lil et le capitaine Largagne reprennent du service pour mener l'enquête... Quel est le lien avec les meurtres commis en Surface ? Et quel mystérieux pacte lie le destin de Verbellec à Faerie ?
Les termes du pacte lui étaient revenus en mémoire. Elle laissait toute liberté à ses auteurs, pourvu qu'ils inscrivent après le dernier mot les trois lettres fatidiques — ce à quoi lui, Etienne Verbellec, se refusait depuis dix ans. Dix putains d'années à éviter le mot FIN.
Né en 1970, Johan Heliot est l'auteur reconnu d'une dizaine de romans. Après Faerie Hackers, Faerie Thriller remet en scène les enquêtes de la fey Lil dans une ambiance de thriller échevelé, croquant avec une plume noire et acérée les travers du monde littéraire.
Critiques
En Surface, à la FNAC Saint-Lazare à Paris, un double meurtre est commis la veille du lancement ultra-médiatisé du dernier roman d'Etienne Verbellec, l'auteur phare des éditions Magillard. Au même moment, en Faërie, un corps salement amoché est retrouvé dans l'immense bibliothèque de la Folie Clébédia. Visiblement, ces meurtres sont liés : un rire cristallin, des petits pas légers mais un être invisible, des résidus de magie d'une couleur inusitée et inquiétante. Il n'en faut pas plus à la fey Lil et au Capitaine Lartagne pour reprendre du service et mener l'enquête. Alors que les crimes s'enchaînent en Surface comme en Faërie, l'étau se resserre autour de Verbellec et des éditions Magillard, qui semblent être au centre de tous ces phénomènes meurtriers. Qu'a fait Verbellec, quel genre d'entité a-t-il bien pu réveiller, quel pacte a-t-il conclu — et n'a pas honoré ? Autant de questions auxquelles Lil et Lartagne aimeraient bien que l'écrivain réponde, mais encore faudrait-il pouvoir lui mettre la main dessus...
Or donc, voici que la belle fey Lillshellyann Aleiannhyless Lliannhsell'an (Lil pour les intimes) et le Capitaine Lartagne endossent à nouveau leur défroque d'enquêteur au service d'Obrasian Phulmis, le presque-dragon, pour cette seconde plongée en Faërie, leur monde d'origine. Enfin, plongée, c'est vite dit. Car dans cette séquelle, la place accordée au monde de Faërie est assez minimaliste, l'action se situant pour la plus grande part en Surface. De Faërie, nous n'apercevrons que la Folie Clébédia et ses jardins, de ses habitants, nous n'aurons droit qu'à un pauvre Troll et son compagnon de Nain, ainsi que quelques Panous-panous en robe de bure. La Surface n'en est pas mieux lotie pour autant. Le décor se compose presque exclusivement de l'intérieur des éditions Magillard, et seul le final nous fera prendre un peu l'air en nous emmenant à la montagne. Johan Heliot a donc resserré les liens géographiques et revu à la baisse ses prétentions de bestiaire. En soit, cela n'a rien de déshonorant, bien sûr, même si cet auteur nous avait habitué à plus d'envergure. Cependant, gare à l'attente du lecteur tombé amoureux de Faërie dans le premier opus et dont les yeux brillaient déjà de convoitise : cette attente sera déçue.
Autant Faërie hackers était au service de Faërie, de ses habitants et de sa magie, autant Faërie thriller est au service... de Johan Héliot. A lire cet ouvrage, on a l'impression que les aventures de Lil et du Capitaine ne servent que de vague prétexte pour peindre avec une joyeuse férocité, non dénuée d'humour, le milieu de l'édition. La galerie de personnages, du grand Sachem à l'écrivain superstar maison, en passant par l'attachée de presse, est haute en couleurs et assez savoureuse. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'Heliot n'est pas un tendre lorsqu'il parle de ces gens-là ! Ah, par contre, il fait une exception pour les éditions Mnémos, son éditeur dans la vraie vie, pour lesquelles on sent en filigrane un hommage assez appuyé. Dans la même veine, à signaler également l'identité du premier mort appartenant au petit monde littéraire français, qui m'a fait hurler de rire, ainsi que la toute dernière page, un régal d'espièglerie, avec un joli clin d'œil en passant à votre revue préférée.
Alors, Faërie thriller, une immense private joke de 315 pages ? Un terrain miné pour règlements de compte ? Difficile de choisir, sans doute un peu des deux, et plus si affinité, tant ce roman donne l'impression d'avoir été écrit pour les copains plus que pour l'histoire elle-même. Résultat : Faërie thriller est un cran en dessous de Faërie hackers. L'action s'essouffle en fin de parcours. L'intrigue est basique et bien moins inventive, sans grande surprise et un peu molle du genou. L'espace est étriqué et il n'y a pas foule. Les personnages, pourtant toujours aussi savoureux, manquent cette fois sérieusement de motivation et semblent un peu se traîner.
Un auteur peut-il s'essouffler dès la première séquelle ? Possible, mais tout est relatif. Si on ne retrouve pas ici ce qui fait habituellement la force de Johan Heliot, ce roman reste cependant bien troussé et fort agréable à lire, d'une seule traite et avec enthousiasme. Bien sûr, le propos risque d'en agacer plus d'un, même si les Bifrostiens purs jus adoreront le mordant et la truculence, et ce en dépit d'une histoire qui, on l'a dit, se révèle d'une envergure bien faiblarde.
En 2003, Johan Heliot proposait avec Færie Hackers un mariage réussi entre cyber-thriller et fantasy. À cette occasion, il créait un univers où notre monde contemporain interférait avec la Færie, peuplée de fées, démons et autres personnages de légende. Avec Færie Thriller, l'auteur retourne à cet univers et à ses personnages et nous invite à le suivre. Si ce roman partage son décor et certains de ses protagonistes avec son prédécesseur, son sujet, lui, est bien différent et il peut se lire indépendamment. Là où Hackers s'intéressait aux mondes virtuels — ce qui pouvait le raccrocher à la SF par la marge — Thriller traite de la création littéraire.
Paris, de nos jours. Le monde de l'édition est en ébullition, en particulier les éditions Magillard. L'auteur de best-seller Etienne Verbellec a disparu suite à un double meurtre atroce perpétré sur une femme de ménage et un vigile dans une FNAC qui s'apprêtait à accueillir une séance de signature pour le lancement de son nouveau livre. Mais le carnage ne s'arrête pas là, puisqu'un autre auteur, Xavier Maujain est poignardé dix-sept fois dans un restaurant où il dînait avec son attachée de presse. Chargé de l'enquête, le capitaine Vaugé va de surprise en surprise : les empreintes relevées sur les scènes de crime et appartenant aux assassins seraient celles d'individus morts au moment des faits. Par ailleurs, il croise sans arrêt sur sa route une jeune et jolie journaliste, Marie Chellais, qui semble en savoir beaucoup plus sur ces meurtres qu'elle ne le laisse paraître. Marie n'est autre que Lil, la fée qui avait déjà mené l'enquête pour le compte de la Færie dans Hackers. Ce qui l'amène dans le Paris contemporain ? Cette série de meurtres, justement. Tout semble pointer du doigt un coupable qui disposerait de pouvoirs surnaturels et Lil a sa petite idée. En dire plus reviendrait à déflorer une intrigue pleine de rebondissements. Sachez simplement qu'au cours de ce récit il sera beaucoup question des Muses et de leur influence — ou non — sur la destinée des artistes, et en particulier des écrivains.
Comme souvent chez Heliot, même quand il aborde des sujets graves, l'humour n'est jamais bien loin ; ici, les clins d'oeil au monde de l'édition et à ses collègues abondent (il en est même un, au nom à peine maquillé, qui périt de façon atroce...). Par ailleurs, Lil et les autres personnages principaux ne doivent pas faire oublier certains seconds rôles particulièrement réussis — comme souvent chez Heliot. On en voudra pour preuve le couple homosexuel du nain Burgal et du troll Lark, vraiment touchant, qui montre que, même au pays des fées, les préjugés ont de beaux jours devant eux.
Avec Thriller, Heliot a donné une suite intéressante à Hackers, utilisant le même univers, mais refusant la facilité de se reposer sur les thématiques qui avaient fait le succès du premier. Essai transformé, puisque pas un instant le lecteur n'a le sentiment de déjà lu qui peut le saisir à la lecture de certaines séries.
Double meurtre à la Fnac Saint-Lazare, puis assassinat d'un jeune écrivain de SF prometteur, Xavier Mauméjean Maujain. Si les suspects demeurent insaisissables — il faut dire qu'ils sont eux-mêmes morts avant d'être passés à l'acte — il ne fait aucun doute que la vraie cible de ces attentats n'est autre que l'écrivain phare des éditions MagnardGallimard Magillard, Etienne WerberHouellebec Verbellec. Alors que battage publicitaire et offensive médiatique sont lancés à plein régime pour la sortie de son dernier roman, l'auteur best-seller s'enfuit loin de Paris comme s'il avait le diable à ses trousses...
La police enquête, en la personne du séduisant inspecteur Vaugé. Mais les circonstances étranges entourant ces meurtres font que la fey Lil et le capitaine Lartagne, venus du monde faerique situé sous Paris, doivent également se pencher sur l' « affaire Verbellec »...
Après Faerie Hacker, fantasy policière dans les milieux de l'informatique, les investigations de la fey Lil la conduisent cette fois à explorer le paysage éditorial parisien. A commencer par les recettes du succès, analysées avec une bonne dose d'humour mais aussi avec un certain cynisme : « D'abord, les bonnes critiques et les prix n'y faisaient rien, si on n'avait pas derrière soi le soutien d'un pool commercial efficace, d'un(e) attaché(e) de presse infiltré(e) dans les bons réseaux, et, en la matière, le top consistait en quelques apparitions judicieuses dans l'étrange lucarne — si en plus on avait une belle gueule ou qu'on savait prendre des poses, ça facilitait évidemment le travail. Ensuite, il fallait entretenir la mémoire du public. Prendre position, peu importe pour ou contre, dans les grands débats qui agitent les neurones de la société, et le faire savoir. Tenir tribune dans la presse généraliste. Lâcher un scud de temps en temps, une de ces petites phrases suffisamment ambiguës pour qu'on en parle et qu'on la commente quelques semaines, mais pas assez toutefois pour générer des frais d'avocats si l'affaire aboutissait devant les tribunaux. » (p.149)
Néanmoins, malgré ce cynisme, malgré même un regard sévère sur les êtres humains — « L'ambition qui les ronge n'a d'égal que la médiocrité des vies qu'ils acceptent de mener, sous l'égide des tyrans qui se succèdent au pouvoir, qu'ils soient rois, empereurs ou présidents... » (p.302) — la peinture de cet univers conserve une indéniable tendresse qui lui évite de tourner au jeu de massacre. Le personnage d'Etienne Verbellec s'avérera d'ailleurs beaucoup plus touchant qu'on ne l'aurait cru initialement.
De l'enquête policière, nous ne dirons rien, pour ne pas déflorer le plaisir du suspense. S'il apparaît évident qu'une partie du succès de l'auteur est liée à un pacte quasi faustien — d'autant plus que cette notion est mentionnée dès la quatrième de couverture — les véritables enjeux sont plus complexes, touchant aux sources même de l'imagination et de la mémoire du monde...
L'interaction entre notre monde — la Surface — et le monde faerique se montre également subtilement dosée, l'aspect policier devenant possible par l'existence de « Couleurs » propres à la magie et qui constituent à la fois des indices et une énergie disponible — d'une manière qui peut rappeler la magie « ondiligne » dans les enquêtes d'Harmelindre et Deirdre, de Nicolas Cluzeau.
En bonus, Johan Heliot nous offre une savoureuse revue de presse concernant le nouveau roman de Verbellec, avec des citations de chroniqueurs aussi prestigieux que Philippe Carvul (du Mégazine littéraire), Nicole Steff (de Nébuleuse) et Sim Vasioux (de Beffroist). Ou encore Angela Ringardi (du Livaro), qui nous parle bien sûr de « faillite de la paralittérature ». Un vaste clin d'œil d'une seule page, dont les références échapperont peut-être à une partie des lecteurs mais qui amuseront beaucoup les autres.
Avec ce deuxième tome, Johan Heliot confirme avoir trouvé le moyen de réinventer le polar parisien populaire : après Les Mystères de Paris de Sue, Les Nouveaux Mystères de Paris de Malet et Les Futurs Mystères de Paris de Wagner, les enquêtes de la fey Lil mériteraient bien le nom de Faeriques Mystères de Paris. Un réjouissant plaisir de lecture !