Dans les circuits de consommation littéraire, un bon libraire est nécessairement considéré à la fois par les lecteurs et les auteurs. Quelqu'un qui vend du livre en évitant de confondre ce « produit » avec des boîtes de petits pois ou des litres de détergent prend automatiquement une place de choix entre les uns et les autres. Il n'est donc pas étonnant de voir les amis d'un (ou d'une) libraire tenir à la célébration d'un anniversaire, qui est aussi manière de reconnaissance du travail accompli.

     Cathy Martin est sans conteste l'une de ces libraires trop rares. Les dix ans de la librairie AILLEURS ont donné lieu à une fête, et au petit opuscule dont il est question ici. Vingt-huit noms se retrouvent sans trop de sérieux, écrivains, dessinateurs et critiques confondus, pour parler de SF et de BD comme autour d'une table de bistrot, lors d'une convention réussie. Des affres de la dédicace selon Jean-Pierre Hubert au destin tragique des frères siamois de Frémion, une belle brochette de fictionneux traque le délire toute imagination dehors. Jean-Pierre Andrevon donne un récit illustré qui a quelques relents de Robert Heinlein, si ce n'est même d'Andrevon : « Un petit show dans le passé ». Wintrebert est là également, et Jouanne, et Canal, et Wagner, et Barbéri... et les autres ! Et Nicot, qui réussit à titrer sa contribution, survol de dix ans de SF (une gageure !) : « Je hais la science-fiction ».. (D'aucuns ricaneront en affirmant qu'on le savait déjà !) Ces quatre pages sont, comme souvent chez Nicot, assez décapantes. Malheureusement, en quatre pages, on a tendance à simplifier quelque peu ce qui (la « crise » de la SF) mériterait d'amples développements. Enfin, c'est quand même un événement : Nicot reconnaît les mérites des jeunes auteurs U.S. !

     Je pointe encore, pour des raisons opposées, le parcours très... « personnel » de Frémion en 10 années de BD (humour frémionnesque) et le très beau texte de Dunyach. « L'automne de la Cathédrale », îlot de pure poésie visionnaire qui aurait mérité plus de quatre pages (et attention : les pages 46 et 47 sont inversées) mais bénéficie d'une superbe illustration de Cabanes.

     Bon vent, Cathy !