La VOLTE
(Clamart, France) Dépôt légal : octobre 2005, Achevé d'imprimer : août 2005 Première édition Roman, 288 pages, catégorie / prix : 18 € ISBN : 2-9522217-3-1 Format : 17,0 x 23,0 cm✅ Genre : Science-Fiction
Il est peut-être temps d'en finir avec la violence
[texte du rabat de couverture]
Cendre est le Sauveur, le nouvel instrument de la foi, le rempart contre les hérétiques, l'enfant qui foudroie les pauvres malades atteints du Chromosome, poussés par leur soif inextinguible de violence.
Huit ans après les massacres de Marseille, Khaleel, le prophète phéromonique, s'est coulé dans son blockhaus et a réussi à juguler le virus le plus sauvage jamais répandu.
Peter Lerner, depuis sa tour d'ivoire hanséatique, lâche ses noctivores sur le monde. Je suis/nous sommes l'avenir, scande-t-il/scandent-ils.
Les deux prophètes se disputent leur messie, cet enfant déjà trop grand, qui pourrait façonner le futur.
Ceux d'Ouessant s'immiscent dans la partie, incapables de tenir le monde à distance. Les idéaux de ce ramassis de rebelles se noient dans les vagues de démence qui submergent leur île.
L'affrontement aura lieu. Chacun déterminé à vaincre.
Et pourtant :
Il est peut-être temps d'en finir avec la violence.
Les Noctivores est « Chromozone+8 ».
Un roman dont l'action prend place huit ans
après les événements narrés dans Chromozone.
La Cité Nymphale (parution en 2006) est « Chromozone+16 »
et clôt ce triptyque prophétique et cataclysmique.
Chacun des romans se lit séparément.
[texte du rabat de quatrième de couverture]
En 1969, en Bretagne, Stéphane Beauverger n'écrivait pas encore : il naissait.
Au XXIe siècle, il réinvente notre monde, lâche Chromozone, et la critique voit en lui « un futur grand nom de la science-fiction française ».
Cet écrivain cannibale, dont les idées vous prennent à la gorge, manie les mots et sait altérer la réalité. C'est la façon qu'à trouvé ce misanthrope pour tendre les bras à l'humanité qui l'entoure.
Corinne Billon ne se contente pas de maîtriser les mille et un bits de sa machine. Ses images ont un goût d'atmosphère, un parf de je-ne-sais-quoi, une transcendance qui s'exprime par un jeu subtil des formes et des nuances, une empreinte qui s'applique au-delà de la conscience. Ses illustrations cadencent le triptyque écrit par Stéphane Beauverger, sans le déflorer.
Critiques
La narration des Noctivores, suite directe de Chromozone, est plus linéaire. Huit ans après les massacres de Marseille, une version mutante du virus Chromozone qui exacerbe la violence de ses hôtes divise le territoire entre « zombies » contaminés et éléments « sains ». Deux génies se disputent alors le pouvoir : Khaleel, le prophète doué de prescience reclus dans son bunker, a développé un contre-virus technologique aux effets insidieux tandis que Peter Lerner, inexpugnable démiurge à l'origine de la pandémie, phagocyte littéralement l'humanité avec ses hordes de Noctivores. Cendre, jeune Sauveur des Soubiriens Révélés doué d'un terrifiant pouvoir — par la prière, il foudroie les porteurs du virus — et jeté au cœur du maelström, devient l'enjeu de ces deux grands manipulateurs. Mais quand les renégats d'Ouessant et les bombardiers Chamans s'en mêlent, le chaos menace de détruire cet ordre précaire. Comme l'assènent sans arrêt les sbires post-humains de Peter Lerner (et la quatrième de couverture) : « il est peut-être temps d'en finir avec la violence »...
Si techniquement Stéphane Beauverger maîtrise son sujet, il faut cependant attendre le dernier tiers du roman pour qu'enfin son explosivité se libère totalement. La linéarité sied mal en effet à son style sec, brutal, et à son imaginaire composite qu'on devine influencé par les univers des jeux vidéos et des technologies numériques — ainsi défragmentée, sa prose nerveuse aux dialogues virils menace à tout moment (sans vraiment perdre pied) de sombrer dans les pires clichés du roman de gare. Mais une fois atteint le point de convergence du récit, une fois les pièces du puzzle assemblées, la tuerie peut enfin commencer. Beauverger n'est jamais autant à l'aise que dans les scènes d'action, animées d'un souffle hors du commun (le souffle, dénominateur commun des livres publiés par la Volte). C'est également dans cette dernière partie que nous est dévoilée la véritable nature des Noctivores, brillante idée à l'origine de ces courtes « Interfaces » enchâssées ça et là, entre deux chapitres. Les Noctivores, s'ils conservent leur individualité physique, sont une entité informationnelle unique, alimentée par les pensées de chacun de ses membres — tous contaminés par le Chromozone. Une Gestalt agglomérée autour de la personnalité dominante (et démoniaque, comme le suggère l'auteur plusieurs fois) de Peter Lerner lui-même, comme réponse définitive — solution finale — à la bêtise et à la violence humaines — version destroy des clones asexués de l'épilogue des Particules élémentaires, ou des ouvriers post-humains de La Ruche d'Hellstrom de Frank Herbert. L'enjeu du livre réside ainsi dans ce choix impossible que l'humanité s'apprête à faire malgré elle, et auquel nous confrontent tous les grands romans d'anticipation : soit nous suivons la voie de la déshumanisation, la servitude volontaire, l'engloutissement dans la Machine-Monde, pour parler comme Dantec (lire la critique de Cosmos Incorporated), qui caractérise l'Occident moderne, soit nous lui résistons, l'arme au poing, au risque du terrorisme et de la barbarie — mais avec l'espoir d'une illumination ; combattre le Mal par le Mal, ou épouser sa cause... Comme chez Dantec, le salut n'est sans doute possible que par un inflexible réenchantement du monde, compris ici dans son acception la moins religieuse. Chez Beauverger, cet espoir est incarné par Gemini, le héros castré de Chromozone qui n'use de la violence qu'en dernière extrémité (et qui, ayant choisi son nom, tente de reprendre les rênes de son existence), et par le couple amoureux des Noctivores, Cendre et Lucie — Cendre, dont la parole ironiquement pieuse clôt le roman sur une note terriblement ambiguë : « L'extase vient. » Ou l'Apocalypse...
Âgé d'à peine dix ans, Cendre vit à Lourdes où il foudroie les malades atteints du chromozone. Un jour, ses maîtres lui ordonnent de partir pour Paris, de quitter sa gardienne Andréa et sa mère, afin de rencontrer le Pape Michel et d'obliger celui-ci à reconnaître sa nature particulière, d'inspiration divine voire messianique. Peu après son embarquement à Biarritz, Cendre découvre qu'on lui a menti, qu'il ne va pas à Paris, mais en Allemagne ; une découverte qui ne lui sera d'aucune utilité car peu de temps après le bateau sur lequel il se trouve est attaqué. Kidnappé par Justine Lerner, Gem et les autres survivants de la Maison-Tortue, Cendre se retrouve en semi-liberté à Ouessant, sous la responsabilité de Lucie. Alors que les deux jeunes gens glissent lentement vers l'idylle, ils sont sauvagement enlevés par les sbires de Khaleel, le prophète de Marseille. Piquée au vif, Justine n'est pas décidée à se laisser faire, surtout qu'elle voit en Cendre un moyen de prendre sa revanche sur son ex-mari : le génie Peter Lerner — un expert en réseaux de communication qui, depuis son bastion allemand, vient de lâcher sur le monde ses noctivores, des humains qui ont perdu une partie de leur humanité et gagné autre chose. C'est à Marseille que Cendre appréhendera sa véritable nature. C'est à Marseille que Justine, Peter et Khaleel se disputeront l'enfant, lors d'un affrontement dont l'âpreté ne fait aucun doute.
Chromozone (critiqué in Bifrost n°40) n'était pas le livre francophone de l'année 2005, ce qui ne l'empêchait pas de revendiquer sa place d'« incontournable » pour quiconque s'intéresse un tant soit peu à la S-F d'expression française. Les Noctivores (Chromozone, huit ans plus tard) se place un cran au-dessus de son prédécesseur : le style est plus maîtrisée, plus épuré ; il en va de même pour la construction qui, dans l'apparente simplicité, gagne en profondeur et efficacité. D'ailleurs, tout comme Akira Kurosawa filmant Rashômon, Beauverger n'hésite pas à raconter la même scène de plusieurs points de vue différents ; ici c'est l'épisode du kidnapping de Lucie et Cendre qui sera d'abord vécu de l'extérieur, puis de l'intérieur. Tout au long du roman, les personnages sont bien dessinés (mais on n'en attendait pas moins d'un auteur qui a toujours excellé en la matière) : Justine (tout en restant une flingueuse impitoyable) gagne en humanité ; Gem s'est consumé ; Lucie va se révéler... Et au-dessus de la mêlée, Peter Lerner et son armée de noctivores attendent leur heure.
Evidemment, ce second volume d'une trilogie d'ores et déjà passionnante n'est pas sans défaut : il reste quelques scories d'écriture, quelques ficelles de manipulation trop visibles pour être honnêtes, mais — rassurez-vous — rien qui gâche vraiment le spectacle. Pour finir cette critique enthousiaste, je préciserai que, contrairement à l'éditeur, je ne crois pas que chaque volume du triptyque puisse se lire indépendamment, du moins pas sans y perdre beaucoup de plaisir, car tout ce qui fait le sel des Noctivores a été planté dans Chromozone.