PAS DE NOUVELLES, BONNES NOUVELLES...
On nous dit qu'il s'agit d'un roman. Je veux bien. Dans ce cas, il s'agit d'un roman articulé (très articulé) autour et au long de trois épisodes principaux respectivement titrés : Selon le crime. Notre seule guerre, et, enfin, le troisième donnant son titre au « roman » : En mémoire de mes péchés. Bien. Remarquez, ces épisodes pourraient aussi bien être des nouvelles, tout simplement, ayant le même dénominateur commun — à savoir le personnage d'agent secret lancé dans telle et telle aventure. Je ne parierais pas, mais j'ai bien l'impression qu'il s'agissait effectivement de nouvelles, au départ, rafistolées entre elles et liées par une trame, elle aussi très éclatée, de manière à en faire un tout. Une cohérence. Je ne parierais pas pour la bonne raison que ce n'est pas utile, pas du tout. Qu'il s'agisse de nouvelles ou d'un roman « éclaté » n'a pas d'importance, dans ce cas précis, étant donné que les « nouvelles » sont de belle qualité, que le « roman » est de belle qualité. Alors ?
Il s'appelle Otto McGavin et c'est un agent secret de la Confédération. Agent secret au point de se métamorphoser réellement en quelqu'un d'« autre », au cours de ses missions. Il est un autre physiquement, mais aussi mentalement (conservant malgré tout 10% de McGavin, rassurez-vous...), téléguidé en quelque sorte dans son action par un conditionnement hypnotique.
Ce pourrait être du banal space-opéra ou une variation quelconque sur des thèmes d'espionnage à la sauce spatiale, mais Haldeman n'est pas n'importe qui. Son talent d'invention, son imagination parfois délicieusement tarabiscotée, sa précision de scénariste, tout cela au service de ce (ou ces ?) thrillers du futur donne un excellent résultat. Sans parler de l'écriture proprement dite qui ne s'embarrasse guère de lourds effets mais porte en elle une rare et très efficace violence suggestive, dosant le visuel et la demi-teinte en un bel équilibre.
McGavin, l'homme multiple. L'homme multiplié... Au point qu'en bout de course d'une vie trop bien remplie au services des autres, dans la tête et le corps des autres, celui qui s'est ainsi dispersé, qui s'est ainsi donné, n'est plus qu'une ombre. N'est plus rien.
Et ça n'est même plus douloureux. Sauf pour nous, au coin du cœur, parce qu'on s'était pris à aimer l'homme décervellé, même si celui-ci ne prend pas la peine de vouloir être aimé. Comment le pourrait-il, quand les seuls souvenirs qui lui appartiennent en propre sont ceux du malheur -ceux du remord infini ?