Des ancêtres paternels ibicencos, des ancêtres maternels corses ont doublement consacré Jean Tur à la Méditerranée ; en fait à la Mer, puisqu’il n’en veut reconnaître qu’une, jusqu’aux Marquises. Ses îles héréditaires, il les aime en fils déférent, et son kayak les lui révèle dans leur austère, sauvage intimité. Mais il a une autre patrie, celle-ci d’élection : la Polynésie, parcourue dans son adolescence, dont il garde la nostalgie.

Or, il vit sur la côte atlantique du Maroc, près de ces plages courbant leur fer jusqu’à l’horizon, avec leurs dunes géantes aux imprévisibles replis, par lesquelles il va, l’arc en main, en pure liberté.

« Les trois éclats du phare d’EI Hank, toutes les lumières de Casablanca sont à mes baies. C’est là que j’écris la chronique de celui que j’aurais pu être, et de ces archipels qui sortent aisément de la Mer. Ils sont les Baléares et les Marquises, et dans le même temps ils sont miens, car les mers réelles et les imaginées ont même substance, et les êtres créent du même emportement que le monde leur maître. »

L’œuvre — sculptée, dessinée, écrite — de Jean Tur est considérable. Les dessins qui illustrent ses ouvrages (et celui même qui orne la couverture de ce livre) donnent une idée de son œuvre graphique. Son œuvre écrite comprend, à ce jour, trois volumes : L’archipel des guerrières, La harpe des Forces, Sterne dorée — trois moments de la « Recherche d’Alliance dans l’Archipel des Guerrières », contés à travers les Mémoires de l’Arkonn Tecla, son héros, qui lui ressemble comme un frère.

Après L’archipel des guerrières et La harpe des forces voici STERNE DOREE

Devant les signes alarmants d’une prochaine et gigantesque invasion, l’Empire Mavaé tente une ultime démarche d’alliance auprès des Guerrières Agginn.

Naei Tecla raconte la mission dont il a été chargé en tant que chef de guerre et de mer.

« La Recherche d’Alliance dans l’Archipel des Guerrières » est une quête héroïque. Au delà du traité à ramener, il y a au cœur de l’entreprise l’approche de la femme, l’avance périlleuse d’une escadre mâle vers le plus farouche royaume femelle.

Les deux associés au contact trouvent leur être symbolique en l’Arkonn Tecla et en la Reine Ae Agg, l’Aînée de la Mer.

Les cinq vaisseaux mavaé portent vers elle ce simple chroniqueur d’expéditions que les Forces ont élu, devant les siens, comme leur Envoyé, celui que les Déesses de la Mer et de la Fécondité tiennent dans leur main. Il va, mû par la double fatalité de sa nature, lui qui se sait de la Race des Amants et « des temps qui se mettent à glisser », annonçant des changements majeurs.

Le troisième volume de « La Recherche d’Alliance » décrit le séjour dans l’Ile Maîtresse, les audiences royales, la campagne navale contre les Pirates des Annulaires, le combat avec les Guerrières opposées à l’alliance, la bataille avec les mâles rivaux, les choix amoureux et la longue période nuptiale dans les demeures des épouses.

Les Agginn ont accepté les jeunes hommes de Tecla dans leurs îles, afin de les mieux connaître. L’époque est en effet venue de savoir vraiment ce qu’est l’Empire Mavaé, à travers mille trois cents des siens, et de juger s’il convient de l’accepter pour allié. Après la lente approche de l’Archipel Agginn, les périls des Statues, des Eaux Perverses et de I Ile Sacrée, la révolte de Golto, la Barrière des Algues et les premières épreuves, enfin l’escadre Mavaé navigue entre les îles Agginn, une fois même en alliée.

Les progrès de Tecla, secondé par tous les siens, sont donc grands ; mais il faut vaincre des millénaires de traditions hostiles, et seule une suite de victoires partielles, comme de patientes poussées, pourra ébranler les battants géants de la Porte livrant l’Alliance.

Ce royaume de femmes armées s’ouvrira-t-il, cette fois, au toucher étranger ? La Reine elle-même devra sortir de solitude vers ce possible amant qui, immobile en son attente, la contemple sans la solliciter. Il lui faudra un jour trancher, se lancer, elle et son peuple, dans cette époque nouvelle que semble vouloir Allone, la Déesse de la Fécondité.

« A quoi comparer la tentative de Jean Tur ? A celle de Tolkien et de sa civilisation d'elfes ? Ou à celle de Melville de Mardi ? »

« Le continent que ce forcené du rêve a tiré du néant ; serait — comme il lui fut dit après coup — celui de Mû, terre parfaitement véridique mais préexistante à l'homme, qu’un bouleversement du Pacifique fit disparaître. De l'empire Mavaé, dit »des Vaisseaux ». Jean Tur a dressé le panorama énorme et minutieux ; dessinateur, il a commencé par réaliser graphiquement cet imaginaire en s’inspirant, pour la silhouètte des indigènes, de grandes araignées africaines. Tels seront, grêles et armés de pied en cap, les habitants d un monde maritime dont la flotte sera chargée d une redoutable mission : proposer l'alliance à un peuple de farouches amazones vivant sur seize îles, les Agginn. C’est l'amiral (dire « arkonn », en mavaéi nommé Tecla qui conduit les trahs, grands bateaux de course, vers cet archipel en forme de sexe féminin où, le prévient-on, il y a nauf chances sur dix pour au ils soient tous massacrés... Sur cet argument s’édifie un poème en prose torrentiel, qui roule par lames successives comme l’océan, et où sont absorbés, polis, rejetés et repris tour à tour d’immenses thèmes philosophiques, érotiques, mystiques, dans un langage sans cesse réinventé. Des pages abasourdissantes — l’adjectif utilisé ici comme la meilleure des louanges.

« Prophétisons à notre tour : on ne verra pas de sitôt s’effacer le sillage littéraire de l’arkonn Jean Tur. »

Extrait d’un article du « Magazine littéraire »

sur le précédent roman oe Jean Tur : La harpe des forces