Sharrow est l'un des meilleurs éléments de l'armée de Golter. C'est aussi une aristocrate, descendante d'une des familles majeures de la planète, passée maître dans l'art de voler des antiquités aux quatre coins du système en compagnie de son équipe de choc.
Retirée des affaires depuis un grave accident, elle doit reprendre très vite du service lorsqu'elle apprend que les Husch, secte de fanatiques religieux, veulent l'abattre. Ils sont à la recherche de l'arme ultime, le Canon lent. Une traque rocambolesque, de planète en planète, conduit Sharrow vers les origines mystérieuses de sa lignée...
Un space opera explosif, plein d'humour, qui montre une fois encore tout le talent de Banks.
Iain M. Banks est né en Ecosse, en 1954. Après des années de littérature anglaise, de philosophie et de psychologie, il publie son premier roman en 1984, Le Seigneur des guêpes. Depuis, il a construit son fameux cycle de la Culture, une fresque de science-fiction (L'Homme des jeux, L'Usage des armes, Une forme de guerre, Excession, Le Sens du vent, aux éditions Robert Laffont et Inversions aux éditions Fleuve Noir), qui a fait de lui l'un des meilleurs écrivains de SF britannique de ces dernières années. Il écrit également, mais sans le « M », des romans plus proches du polar ou du thriller (Le Business, éditions Belfond).
Critiques
Voilà un écrivain polygraphe qui prend déjà le soin de distinguer sa signature SF (avec le M.) de sa signature mainstream (sans le M.) ; avec La plage de verre, la traduction de son œuvre en français accentue un peu plus une sous-distinction supplémentaire entre ses romans SF composant le brillant cycle de la Culture (publiés dans la collection « Ailleurs et demain » chez Laffont) et d'autres, publiés au Fleuve Noir (Inversions, La plage de verre). On peut risquer l'hypothèse que cela entraînera certains lecteurs à porter un regard différent, moins émerveillé, sur les romans hors-Culture, comme celui-ci ; c'est bien dommage. Car le cycle de la Culture — cette géniale revisitation du space opera et de l'utopie, développant des idées généreuses, des personnages attachants (qu'ils soient humains ou non), des intrigues délicieusement tordues et pleines de rebondissements, et des paysages imaginaires éblouissants — ne serait sans doute pas ce qu'il est sans l'entraînement de fond, la production romanesque globale, bref le « continuum littéraire » où se précise, se nuance et s'enrichit l'art du romancier. Le roman que le Fleuve Noir publie aujourd'hui, treize ans après sa publication en Grande-Bretagne, ne contient certes aucune de ces astuces narratives qui rendent spectaculaires certains volumes de la Culture ; classiquement mené pour suivre pas à pas, en 24 chapitres et un prologue, les aventures de Dame Sharrow sur la planète Golter, avec juste ce qu'il faut de retours en arrière soigneusement distillés pour éclairer l'historique des conflits en cours (et habilement placés pour ménager le suspense), il pourrait décevoir ceux qui s'attendraient à ce que le narrateur (comme dans L'homme des jeux), ou le personnage principal (comme dans L'usage des armes) ne soit pas celui qu'on croit.
Pourtant on a envie de défendre dans ce roman tout ce qui fait précisément la haute compétence de conteur, le talent de romancier de Banks, et lui a permis justement de monter ses romans les plus sophistiqués sans les rendre froids, artificiels. La Plage de verre (titre bien trouvé, mais éloigné de l'original) ne décevra pas le lecteur attaché aux usages pensifs que l'on peut faire des armes les plus cruelles, aux discours passionnés défendant la liberté et la dignité humaines, aux trouvailles techno-scientifiques tarabiscotées, aux héroïnes à la psychologie, aux arcanes psychanalytiques et à la sexualité fort complexes, aux machines inouïes et intelligentes dotées d'un sens de l'humour très particulier, aux intrigues et contre-intrigues, retournements d'alliance et trahisons diverses (surtout familiales), et à de belles scènes de bataille ou de poursuite, presque jamais entachées de longueur : ce n'est pas rien, et c'est sans doute la base de n'importe quelle bonne science-fiction. Dame Sharrow est poursuivie (on saura assez vite pourquoi) par des (très) méchants (les Huhsz) et doit retrouver le Canon Lent, un objet dont on apprendra la nature formidable et la valeur au fil de l'intrigue. Pour y parvenir elle devra rassembler les anciens membres d'une équipe dont on apprendra l'histoire et les traumas au fur et à mesure de sa recomposition et de ses actions mémorables, lesquelles se succèdent sans temps mort, mais sans complexité excessive non plus : objets à récupérer ou à voler, méchants de diverses obédiences (parfois cumulées) à tuer, rapts et/ou des tortures à (autant que possible) éviter, bâtiments et/ou véhicules à prendre ou détruire... Bien entendu tout cela se rejoint à la fin, des révélations ont lieu, plus rocambolesques que vraiment crédibles, et les méchants sont raisonnablement (c'est-à-dire, comme toujours chez Iain M. Banks, pas tout à fait) mis hors d'état de nuire.
Lu pour lui-même, voilà un bon roman, plein d'humour dans ses descriptions de la gabegie politique de Golter ou dans ses dialogues entre hommes et machines, efficace dans ses bonds et rebonds d'intrigue, et réussi dans son traitement des personnages. Lu en relation avec les autres romans de Banks, c'est une impressionnante démonstration de compétence narrative, de maîtrise de l'intrigue et de richesse de l'imaginaire : une bonne manière de continuer d'aimer cet auteur si on pense à ce que ces qualités peuvent donner dans le cycle de la Culture, ou bien de le découvrir et de s'engager vers son cycle majeur avec une excellente première impression.
Surprise, il reste encore des romans S-F de Iain M. Banks inédits en France. Ni « Culture », ni apparenté, Against a dark background, publié outre-Manche en 1995,débarque ce mois-ci au Fleuve Noir sous le titre La Plage de verre. Il aura donc fallu attendre onze ans pour découvrir ce space opera étonnamment traditionnel, même si la touche Iain M. Banks est évidemment très présente. Si le second degré et l'ironie mordante de la « Culture » sont ici atténués par une action menée tambour battant du début à la fin, la description de la planète Golter vaut le détour, tant la critique d'un système hiérarchisé et quasi-médiéval est acerbe. L'anticléricalisme n'est pas en reste, mais jamais Banks ne donne dans le primaire. Il tape en décalage et avec humour. Exemple, cette confrérie de moines qui a tout de la prison, où les pensionnaires sont enchaînés aux murs, mais, par un habile système de rails (Banks adore les rails, c'est presque une obsession), peuvent se déplacer dans l'édifice. Au-delà de ces petits détails et de la vision tragi-comique d'une société décatie, La Plage de verre est surtout un excellent roman hard-boiled où l'auteur applique la petite phrase magique de Chandler : In case of doubt, have a man with a gun.
Nous suivons les aventures de Sharrow, sorte de Wonderwoman guerrière rompue à toutes les formes de combat (mais rangée des camionneurs), descendante d'une lignée de femmes qui ont, hélas, commis çà et là quelques blasphèmes qu'il faudra un jour payer. Ça tombe bien, le jour est arrivé, et les affreux fondamentalistes obtiennent le droit légal d'assassiner Sharrow si elle ne restitue pas à l'Ordre ce que ses ancêtres ont volé. Suivant le principe très fantasyste de la quête initiatique, l'héroïne (car c'en est une) doit d'abord réunir ses anciens compagnons d'arme et récupérer quelques objets mythiques pour ensuite se consacrer au problème en lui-même. Cette promenade donne lieu à toutes sortes de rebondissements violents et meurtriers dont on ne dévoilera rien ici, mais qu'on peut tout de même qualifier de palpitants. Assez curieusement, le roman est souvent taxé de « sombre » par la critique anglo-saxonne. Même si les cadavres s'accumulent et que le fond de l'histoire reste assez tragique, le côté réjouissant de La Plage de verre, son ironie distante et son action permanente en font plutôt un texte jubilatoire où, comme à son habitude, Iain M. Banks aligne les poncifs les plus éculés pour mieux les tordre et les réinventer. On a presque l'impression d'assister à une sorte de répétition générale « avant « Culture » », univers aujourd'hui mythique qui pousse la parodie encore plus loin.
Mais si ce « nouveau » Iain M. Banks est une lecture parfaitement recommandable, il est effectivement un peu en deçà de ce à quoi nous avait habitué un auteur aussi talentueux qu'intelligent. La Plage de verre n'est donc pas un chef-d'œuvre, simplement un très bon roman, drôle et violent, passionnant et remarquablement bien mené. Que demande le peuple, ma bonne dame ?