« II y avait à cette époque, en bordure du Rhône, un dragon mi-animal mi-poisson, plus gros qu'un bœuf, plus long qu'un cheval, avec des dents aiguisées comme des épées [...]. Sainte Marthe le lia avec sa ceinture et il fut tué sur le champ par le peuple à coups de lance et de pierres. » Bénéfique ou maléfique, l'étrangeté du dragon a longtemps troublé les savants et continue de fasciner notre imaginaire : dragons d'ici et dragons de Chine, dragons de l'Apocalypse et dragons de carnaval, dragons des eaux et dragons des airs, dragons des contes ou des mythes et dragons des peintres, dragons antiques et dragons d'aujourd'hui, dragons des tout-petits et dragons des philosophes, dragons de la science et dragons des artistes. Cet ouvrage pluridisciplinaire (à l'iconographie très riche et originale) donne la parole à des paléontologues et à des historiens des sciences, à des linguistes et à des médiévistes, à des écrivains et à des anthropologues, à des experts en théologie ou en art contemporain. Chacun nous initie avec clarté au monde des dragons, ces créatures hybrides... entre sciences et fictions.

 

     Jean-Marie PRIVAT est professeur de littérature et d'ethnologie à l'université de Metz (CELTED). Il est membre associé du Laboratoire d'anthropologie d'histoire de la culture.

     Ce livre présente le dragon, cette créature hybride, que l'on retrouve depuis longtemps dans bon nombre de cultures de par le monde, sous des formes variées. Le parti pris choisi est de brosser un portrait du dragon sous différents angles complémentaires, qui permettent au final de l'appréhender dans toute sa complexité. On analysera ainsi le dragon tout d'abord sous l'aspect scientifique, par exemple par un naturaliste, Philippe Taquet, et Michel Meurger, déjà auteur chez Terre de brume d'un ouvrage très prochainement réédité, Histoire naturelle des dragons. Le dragon a aussi une importance certaine sur le plan religieux : la Bible, depuis les grands monstres marins de la Genèse, ou le bouddhisme avec le nâga. Viennent alors les analyses littéraires et artistiques, comme un très curieux texte de Francis Berthelot, sur le texte « Le serpent à collerette », signé par un certain F.B. Intéressant aussi, le texte de Patrick Absalon qui montre que le dragon n'a pas quitté le domaine artistique au XXe siècle, même si d'autres créatures fantastiques lui disputent la vedette. Et le livre se termine par une fournée d'articles consacrés à la perception sociétale du dragon par les anthropologues, comme l'analyse des différentes processions ou carnavals en hommage à sa puissance.

     Bref, on le voit, il y en a ici pour tous les goûts, toute personne un tant soit peu intéressée par le dragon trouvera de quoi assouvir sa curiosité. Et même si le choix de dresser ce tableau à petits traits peut parfois nous laisser sur notre faim (les articles faisant rarement plus de six ou sept pages, certains auraient gagné à être davantage développés), il n'en reste pas moins qu'on se trouve ici face à une somme de savoir colossale sur le dragon, qu'on pourra compléter par la lecture des très nombreuses sources bibliographiques citées au gré des articles. On terminera cette chronique en signalant l'importance de l'iconographie, issue de tous horizons, des tableaux de William Blake aux statues asiatiques en passant par les dessins originaux de Tudor Banus. Un très bel ouvrage, à conseiller vivement à tous ceux qui aiment cette créature fantasmagorique qu'est le dragon. Et aux autres, pour qu'ils découvrent que ce dernier est loin de n'être qu'une créature décorative convoquée dans les romans d'heroic fantasy.