« Devant les tourmentes qui séparaient son père et sa mère, ses chagrins d'enfant ne pesaient pas lourd. » (p.28)
Sous le déguisement d'un conte fantastique — où l'on peut s'envoler vers la Lune dans un bec de pélican puis plonger au fond de l'océan sur le dos d'un marsouin — Francis Berthelot aborde un thème particulièrement grave pour un enfant : la mésentente et la séparation de ses parents. Un thème délicat car il est difficile d'expliquer simplement les raisons qui poussent un jour les adultes à ne plus s'aimer, et de ne pas sombrer dans le mélodrame, ou pire encore dans la mièvrerie d'une improbable réconciliation — qui correspond bien peu à la réalité de notre société.
La force de cette histoire réside justement dans le parfait équilibre entre l'imaginaire enchanteur et le réalisme d'une situation qu'il faut savoir regarder en face. Le récit montre avec une grande finesse les diverses étapes symboliques que traverse le petit Pierre-Plume, de l'incompréhension à la tristesse, puis de la frayeur de voir ses parents devenir des monstres méconnaissables au réconfort de l'amitié d'une petite fille, et enfin de l'espoir à l'action, lorsqu'il tentera de rapprocher la Lune et l'océan à l'aide de cordes accrochées à un nuage.
Ne dévoilons pas la conclusion ; Berthelot s'y montre particulièrement habile, en choisissant un dénouement logique mais qui demeure optimiste.
A la fois conte merveilleux, voyage initiatique et sujet d'actualité, La Maison brisée est donc une magnifique histoire, fort justement récompensée par le Grand Prix de l'Imaginaire 2001.