Le temps est venu pour Kieto d'accomplir son destin : conquérir le terre de Brumes, cette île de légende où vivent de mystérieux hommes blancs... Grâce au courage du jeune homme, le Peuple du Vent a appris à maîtriser l'art de la guerre des Maoris. Les bateaux sont bientôt prêts, des offrandes sont offertes aux dieux, l'armée polynésienne est en marche.
Mais le Peuple du Vent devra affronter les mers déchaînées, les forces de la magie, et passer par bien des tragédies avant d'atteindre les terres inconnues des Scots et des Picts : des terres froides et pluvieuses aux couleurs changeantes, où se jouera leur destin et celui de leurs dieux.
Des falaises grises apparurent dans la brume à tribord.
— Albainn, murmura Seumas d'une voix pareille au bruissement des feuilles.
Né à York en 1941, Garry Kilworth n'a cessé de parcourir le monde. Traduit dans 17 langues, lauréat du World Fantasy Award, il est l'auteur de plus de 60 romans.
Le cycle des Rois Navigateurs — une fantasy épique bouillonnante de passions et de légendes, un univers exotique pétri d'humanisme et de sensualité — est né de sa fascination pour les mythes polynésiens.
Critiques
Kilworth termine sa trilogie comme il l'avait entamé : par un beau voyage. L'envahissement d'Albainn (la Terre de Brumes du titre), longtemps projeté, a reçu l'aval des dieux Océaniens, avides d'en découdre avec ceux des hommes blancs. Le roi Kieto a rassemblé une flotte immense qui s'apprête à braver les mers du destin. Occasion pour l'auteur de convoquer une dernière fois ses personnages — ou leurs mânes. A l'image du celte Seumas, les héros sont devenus vieux. Tragédie pour le guerrier fatigué : pourra-t-il laisser les Océaniens envahir le pays dont il est issu ? Las. Il ne verra pas l'invasion, ni même la fin du voyage. « Veille sur mon peuple », enjoint-il à son fils Craig (le Kumiki du second volume). Oui, mais lequel ? Le Celte ou l'Océanien ?
Au-delà des affrontements entre les représentants des deux civilisations (plus théâtralisés que féroces d'ailleurs), c'est cette injonction d'une douce ambiguïté qui amène les développements les plus intéressants. L'âme du père, prisonnière de son dilemme, appelle le fils métis à la libérer. Le périple de Craig est donc à la fois physique et intérieur. Dans les songes, les mythes et la géographie du monde celte, c'est la trace de ses origines qu'il recherche, son identité oubliée.
Comme il en va d'ordinaire dans ce genre de récit initiatique, il y a des épreuves à franchir, des monstres formidables, de longues séquences d'exploration, des artefacts fabuleux, beaucoup de magie. Le ton est shakespearien ; la morale nettement plus convenue. « Certains quittent leur terre pour chercher le savoir plutôt que la conquête . Voilà la vraie nature de la quête de l'humanité. » A la fin, Celtes et Océaniens doivent s'allier pour repousser d'autres envahisseurs moins scrupuleux. Puis chacun de rentrer chez lui, apaisé et plus sage.
Si le dénouement est moins spectaculaire que ne le laissaient présager les épisodes précédents, Kilworth est suffisamment habile et malin pour capter l'attention du lecteur et lui asséner jusqu'au bout sa grande idée : une sorte de colonisation à l'envers, une pirouette faite à l'histoire où l'exploration du monde aurait pris sa source ailleurs qu'en Europe ; avec des explorateurs à la fois moins conquérants et plus spirituels que ceux dont les livres ont gardé le nom.
C'est bien évidemment une utopie impossible, comme seuls en ont rêvé les poètes... Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage/Ou comme celui-là qui conquit la Toison,/Et puis est retourné plein d'usage et raison,/Vivre entre ses parents le reste de son âge !
Sam LERMITE Première parution : 1/1/2008 dans Bifrost 49 Mise en ligne le : 28/1/2009