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Le Numéro 7

Martin WINCKLER


Illustration de Darren GREENWOOD

LE CHERCHE-MIDI , coll. NéO
Dépôt légal : août 2007
Première édition
Roman, 348 pages, catégorie / prix : 18 €
ISBN : 978-2-7491-0829-2
Genre : Science-Fiction



Quatrième de couverture
     Eté 2006. Pilote d'hélicoptère et mercenaire en Afrique, Eddie Dante convoie une cargaison précieuse dont il ignore la nature. Lorsque son hélicoptère s'écrase, il n'est que blessé, mais les secours envoyés pour récupérer la cargaison l'abandonnent au milieu de nulle part. Recueilli dans une mine où agonisent des centaines de personnes, il découvre que ses propres employeurs ne sont pas étrangers à l'existence de ce mouroir. Il tente de retourner en Europe pour révéler à la presse ce qu'il a vu. Mais les organisateurs de ce massacre médical lancent des tueurs à sa poursuite...

     Septembre 2007. La multinationale WOPharma organise un grand congrès de « prospective thérapeutique » auquel sont conviés une centaine d'éminents scientifiques du monde entier. WOPharma a l'intention, à l'occasion d'une conférence de presse de grande ampleur, d'annoncer un progrès thérapeutique majeur qui, dit-elle, « libérera des millions de patients des chaînes de la maladie »... Pour accueillir ce congrès hors norme, les communicants de WOPharma ont choisi un lieu inhabituel, mais extrêmement télégénique... Le village-hôtel de Portmeirion, au pays de Galles, qui servit de décor à la série télévisée Le Prisonnier. Et, justement, toutes les caméras du monde seront braquées sur le village car, à l'automne 2007, les fans du monde entier y fêtent le 40e anniversaire de la diffusion de la série...

     Médecin et écrivain, Martin Winckler est l'auteur de trois romans (POL) constituant la « trilogie de Sachs », La Vacation, La Maladie de Sachs et Les Trois Médecins, de nombreux essais sur la médecine et les séries télévisées, et de textes autobiographiques. Il a aussi abordé le genre policier à travers des thrillers médicaux, Touche pas à mes deux seins (Le Poulpe, 2001, Librio, 2002), Mort in vitro (Fleuve Noir, 2003, Pocket, 2004) et un terrifiant roman sur la psychiatrie « normative », Camisoles (Fleuve Noir, 2006). Le Numéro 7 est son quatrième roman du genre.
Critiques
     En Afrique, un grand laboratoire pharmaceutique mène en secret des recherches illégales dans le but de mettre au point un vaccin anti-SIDA...

     Thriller médical ancré dans l'actualité, le nouveau roman de Martin Winckler ne flirte que légèrement avec l'anticipation. Composé d'une succession rapide de chapitres ultra-courts qui exposent les destins parallèles des personnages — mais aussi de retranscriptions d'émissions de radios, d'e-mails, d'articles divers, de publireportages — , le récit se révèle dopé par un rythme effréné qui remplit sa fonction première : rendre difficile de lâcher le livre une fois entré dedans. Côté actualité, l'action se déroule en partie au Darfour — où un certain Dante va connaître sa descente aux enfers — et l'intrigue entre en résonance avec certaines affaires biomédicales récentes, comme la plainte déposée par l'état du Nigeria contre Pfizer en juin 2007. Quant à l'anticipation, elle se limite à un vaccin qui devrait bien devenir disponible un jour prochain, et à quelques implants qui, bien que plaçant l'homme aux limites du cyborg, ne sont que les prolongements des pace-makers et des diverses pompes à médicaments déjà couramment implantés chez l'homme.
     Mais il existe une autre dimension dans ce livre, plus inhabituelle. Grand amateur de séries télévisées — auxquelles il a consacré plusieurs ouvrages — , Winckler utilise une adolescente d'aujourd'hui pour revisiter et réanalyser la série culte du Prisonnier, « chef d'œuvre télévisionnaire des années 60 ».

     L'ensemble offre un roman fort distrayant, quoique non exempt de défauts. Le thriller, par exemple, est un peu mis à mal par des coups de théâtre trop improbables pour être tout à fait honnêtes : le personnage qui permet l'évasion de Dante ou les acteurs du dénouement figurent autant de facilités qui, peu crédibles, nuisent à la tenue de l'intrigue. Winckler le sait et s'en amuse, interpellant même son lecteur dans un aparté (p.295) où il admet que ces « pièces floues » risquent d'égarer la compréhension. Un malicieux clin d'œil indubitablement amusant, mais qui n'arrange pas pour autant les faiblesses de l'intrigue.
     Par ailleurs, le fond du propos — l'expérimentation biomédicale « sauvage » dans les pays pauvres — se limite à une dénonciation certes salutaire mais un peu simpliste. Les laboratoires sont d'infâmes multinationales, et leurs dirigeants des êtres cupides et sans scrupules, soit. Mais où en serait aujourd'hui la recherche médicale sans ces laboratoires ? Et certains de ces dirigeants n'ont-ils pas aussi la saine ambition d'apporter leur pierre à l'aventure humaine ? L'expérimentation peut être monstrueuse, oui. Mais comment ferait Jenner, le père de la vaccination, cité dans ce roman, pour mener à bien ses recherches aujourd'hui ? Rendez-vous compte, cet homme a inoculé volontairement une maladie à des êtres humains en espérant en prévenir une autre, sans savoir réellement quelles conséquences en attendre et sans leur délivrer une information exhaustive sur les risques potentiels : nos comités d'éthiques ou de protection des personnes accepteraient-ils un essai thérapeutique aussi imprudent de nos jours ? Evidemment pas. Bref, trouver un juste milieu entre une expérimentation sans conscience et une avancée audacieuse, sans laisser la recherche au point mort en raison du principe du précaution, est un enjeu majeur de la médecine moderne, dont Winckler ne stigmatise que l'aspect le plus noir, à l'aide de « grands méchants » sans ambivalence. Le thème aurait mérité plus d'ambiguité.
     D'ailleurs, Winckler discrédite tout essai thérapeutique au cours d'une scène où les médecins apparaissent tous corrompus, sans exception : « Pour une somme pareille, pense-t-il, aucun des praticiens présents ne refusera d' 'inclure' ses patients dans l'étude. » (p.101) Au lieu de faire preuve de pédagogie et d'expliciter le déroulement « normal » d'un essai correct, Winckler caricature et dénonce tant que son lecteur ne pourra plus accorder sa confiance au prochain médecin qui lui proposera de signer un « consentement éclairé ». Il ne restera donc aux chercheurs qu'à se tourner vers des populations plus « naïves »... celles qui ne lisent pas du Winckler.
     Enfin, si les nostalgiques du Prisonnier apprécieront l'évocation de la série et le séjour à Portmeirion — le fameux village du numéro 6 — , force est de reconnaître qu'on n'apprend pas grand chose de neuf sur la série, que l'analyse reste assez superficielle et que le rapport avec la partie thriller demeure plutôt artificiel.

     Bref, Le Numéro 7 est un livre séduisant, habile, rythmé, non dénué d'intelligence et d'humour, idéal pour se distraire tout en faisant mine de se préoccuper de l'état du monde. On le dévore d'une traite, sans s'ennuyer un instant, et de ce point de vue, la réussite est complète. Mais une fois le roman refermé, le déroulement de l'intrigue et le parallèle avec la série apparaissent plutôt bancals, tandis que le propos demeure trop simpliste pour faire le tour d'une question pourtant préoccupante. Sympathique mais mineur, alors que le sujet aurait mérité un grand livre.

Pascal PATOZ (lui écrire)
Première parution : 18/10/2007 nooSFere

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Cyborgs

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