1 - Agent 007, pages 5 à 7, introduction 2 - Elyah ANOUKIAN, L'Architecture vue dans un miroir, pages 13 à 24, préface 3 - Jed O'CONNOR, Entropique des capricornes, pages 25 à 29, préface 4 - Alexandre BAKOUNINE, Bruit de plumes dans le placard d'en haut, pages 31 à 37, préface 5 - Macula lutea, pages 41 à 47, nouvelle 6 - L'Étoile au matin, pages 49 à 60, nouvelle 7 - The Cat & The Choker (long dub, 2007), pages 63 à 74, nouvelle 8 - Blind Code, pages 79 à 84, nouvelle 9 - Assassin (Comme un Reflet dans une Eau Morte), pages 87 à 91, nouvelle 10 - Lucifer opiomane, pages 103 à 122, nouvelle 11 - Never, pages 125 à 132, nouvelle 12 - Don't (message taggué sur un mur), pages 134 à 135, nouvelle 13 - Bubblegum Butterflies (Le vacarme du 'pop' dans le grand car-crash du time), pages 139 à 149, nouvelle 14 - Why ? (message tracé sur un miroir), pages 154 à 155, nouvelle 15 - Kay (a grown up song), pages 159 à 165, poésie 16 - Father Lucifer, pages 167 à 178, nouvelle 17 - Vertigo Eyes (leçon de vertige, dans l'ascenseur), pages 181 à 214, nouvelle 18 - Gone Fading Everything, pages 217 à 224, nouvelle 19 - Mille ans de servitude, pages 229 à 248, nouvelle 20 - Tous des anges, pages 249 à 262, nouvelle 21 - La Faille céleste, pages 263 à 280, nouvelle 22 - (non mentionné), BIO/PSYes', pages 284 à 285, dictionnaire d'auteurs
Atypique. Original. Inclassable. Mais aussi prenant, passionnant et beau. Tels sont les qualificatifs dont on peut user pour décrire Fovéa, le dernier recueil de Léa Silhol, mais avec ça on n'aura rien dit, rien expliqué de ce qui, au-delà du livre, est un véritable mystère à résoudre pour ses fans.
C'est que Fovéa n'est pas un simple livre. Oh, bien sûr, c'est un recueil de nouvelles parmi lesquelles certaines ont déjà pu être lues dans diverses anthologies. Du moins dans une version antérieure, car aucun des textes n'est resté intouché, tous ont été remaniés, étoffés et surtout complétés par d'autres leur faisant pendant de telle sorte que chaque thème ou presque se présente sous forme de di — ou de triptyque — cela commence, d'ailleurs, par une triple préface fort étonnante signée par deux écrivains et une photographe, et s'achève par la « trilogie angélique » (Mille ans de servitude, Tous des anges et La Faille céleste), devenue introuvable, et activement recherchée depuis que la première version des Contes de la Tisseuse, chez Nestiveqnen, est épuisée.
Entre les deux, les nouvelles sont en quelque sorte éparpillées, mélangées, entrelardées d'illustrations porteuses de sens mais absolument incompréhensibles au premier abord — photos, dessins, mais aussi codes-barres ou textes en... braille ? — et de poèmes, slams et psaumes, en français, en anglais (Léa Silhol revendique le droit de s'exprimer en tant que polyglotte), en caractères inversés à lire dans un miroir — d'ailleurs, la version collector de Fovéa est accompagnée d'un miroir. Tout cela donne l'impression que Fovéa est non pas un livre mais un puzzle, un jeu d'énigmes dont la première clé est la vision ; tout, en effet, tourne autour de l'œil, de la couleur (Macula Lutea), de la perception visuelle (Blind Code). Les thèmes du double ou du reflet, que Léa Silhol avait déjà explorés, sont bien sûr au premier plan (Assassin (Comme un Reflet dans une Eau Morte)). Mais à y regarder de plus près, on s'aperçoit que les pièces du puzzle sont autant d'indications précieuses pour qui suit les œuvres de Léa Silhol depuis longtemps. En effet, au triptyque des anges répondent trois nouvelles axées sur Lucifer, dont seul Lucifer opiomane était jusqu'alors connue (Lucifer, le porteur de lumière, tiens, encore la vision !). S'y ajoutent ici la version longue de The Cat & the Choker et Never, deux épisodes de l'histoire des mystérieux Usher. Tout cela éclaire d'un jour nouveau l'histoire d'Angharad et de Finstern l'Obscur (ah ! l'obscurité, maintenant !), les héros de La Sève et le Givre et de Nigredo, les romans de Léa Silhol.
Mais qu'on n'aille pas croire que Fovéa est réservé aux aficionados ! Chaque nouvelle est parfaitement abordable en tant que telle, pour qui n'aurait jamais lu les précédents ouvrages de celle qu'on a surnommée la Tisseuse, ou la Ba-Tisseuse. Et même si l'optique laisse indifférent, on éprouve un immense plaisir à lire ces nouvelles toutes si expressives, qu'elles ravissent grâce à leur style ciselé ou à cause de la combativité qui s'y exprime.
Et puis, arrivé à Vertigo Eyes, le lecteur ne peut pas ne pas se dire qu'après tout, ces histoires d'yeux, de macula et de reflet, ça n'est que le verre teinté qui tamise le sens profond de Fovéa : tout est question de point de vue. Au sens figuré : « Manière d'envisager une question, de traiter un sujet ; opinion personnelle résultant de la manière d'envisager les choses. »
Ainsi donc, Fovéa serait un recueil de points de vue ? Des points de vue différents, des opinions différentes, des textes au style différent exprimés dans des langages différents... Si l'on rapproche cela du fait que l'une des dernières nouvelles de Léa Silhol, Shinear, vient de paraître dans Babel Tour, un ouvrage collectif de textes et d'illustrations consacré au thème de la multiplication des langues, alors on peut se demander si le véritable thème de Fovéa ne serait pas la diversité, la différence, la (ou l'in)tolérance... Voilà qui change singulièrement la donne, ouvrant la voie à une dimension supplémentaire dans l'appréhension et la compréhension du livre.
Qui est, par quelque bout qu'on le prenne, un livre à lire et à scruter.
Lucie CHENU Première parution : 15/5/2008 nooSFere