1516. Une profonde révolution intellectuelle se propage dans une Europe partagée entre l'humanisme renaissant et les tentations obscurantistes médiévales. A bord d'une flotte menée par le jeune Charles Quint se croisent les chemins de Luis Vives, humaniste valencien exilé pour ses convictions, et de Céleste, jeune sorcière en quête d'un alchimiste mystérieux...
Aguilera donne vie de manière éclatante aux sorcières, aux mages, aux divinités païenne de l'imaginaire de l'Eyrope du XVIe siècle, mais aussi à des personnages historiques comme Erasme, Bosch, Luis Vives ou le jeune Ignace de Loyola quand il n'était encore qu'un spadassin porté sur les femmes. Le résultat : un récit ou la réalité historique et les éléments imaginaires dessinent une époque dans sa dimension la plus rationnelle et ses plus étranges fantasmagories.
Nous sommes au début du XVIe siècle. L'Europe sort la tête et les épaules du Moyen-âge, se tourne vers un humanisme riche d'idées nouvelles qui fonderont bientôt ce qu'on appellera les Lumières, lumières encore bien vacillantes face à un obscurantisme hérité de temps plus troublés. Charles de Habsbourg, qui n'est pas encore Quint, s'embarque pour l'Espagne afin de prendre possession d'un royaume hérité et fraîchement unifié, un royaume dont il ne sait rien, dont il ne parle même pas la langue. Au sein de la cour bourguignonne et flamande accompagnant le monarque, Juan Louis Vives, disciple d'Erasme, se trouve forcé de regagner une terre qu'il a fuie sous la pression inquisitoriale. Un voyage comme une révélation, bien sûr, au cours duquel il découvrira le stupéfiant complot planant sur la couronne de Charles et, plus largement, la véritable nature du monde, un monde nourrit de son pendant spirituel — l'annwn des sorcières — dans lequel s'enracine l'inconscient collectif humain, là où sommeille la raison...
Avec une belle régularité (entêtement ?), le Diable Vauvert continue de publier Aguilera, chef de file de l'imaginaire hispanique, auquel on préfèrera toutefois, au regard de leurs derniers bouquins respectifs, Javier Negrete. Car si Aguilera avait suscité l'intérêt au travers de ses deux premiers livres publiés par chez-nous, La Folie de Dieu et Rihla, il est peu de dire que les suivants ont déçu (Les Enfants de l'éternité, coécrit avec Javier Redal chez les défuntes ISF, et plus récemment Mondes et démons, au Diable). Las, son cinquième roman dans l'Hexagone est une nouvelle déception. Mesurée, certes, mais déception tout de même.
On retiendra toutefois une ambition indéniable. Celle de peindre un XVIe siècle cohérent, tout en cernant les enjeux fondamentaux de cette période charnière où, notamment, le scepticisme s'opposa au dogmatisme, creusé, déjà, d'une révolution industrielle annoncée. Mêlant habillement personnages historiques et fictifs, Le Sommeil de la raison est en ce sens une réussite. Mais à quel prix ? Celui de l'ennui, sans doute, qui gagne à la lecture de ce roman narrativement mal équilibré, aux personnages qui peinent à passionner et dans l'ensemble desservi, une fois encore, par une traduction française d'Antoine Martin qui, si elle n'est pas aussi médiocre que celle de Mondes et démons, n'en oublie pas de semer des phrases qui ne veulent rien dire. A quand un roman à la hauteur des ambitions (considérables) de Juan Miguel Aguilera, ce roman attendu depuis la lecture de ses deux premiers titres publiés en France, et qui restent à ce jour les meilleurs ? Attendons, donc, avec de plus en plus de scepticisme, justement.
ORG Première parution : 1/1/2007 dans Bifrost 45 Mise en ligne le : 14/3/2008
Le romancier espagnol Juan Miguel Aguilera s'est fait une spécialité de mélanger événements historiques et trame fantastique. Le Sommeil de la raison nous entraîne dans l'entourage de Charles-Quint, à vivre une aventure haletante, servie par une écriture très agréable, en compagnie de personnages historiques comme Erasme, Jérôme Bosch, Ignace de Loyola et surtout l'humaniste catholique Luis Vives, principal protagoniste de ce roman de capes et d'épée. Le récit se déroule à une époque charnière : celle de la lutte entre l'obscurantisme médiéval et l'émergence de la raison, de la pensée rationnelle. La sorcellerie y tient cependant une grande place. Céleste, l'autre personnage principal, belle sorcière qui connaît les remèdes et les incantations, se comporte en femme libérée en plein Moyen Age ; après tout, c'était peut-être ça, une sorcière ?
Parmi les scènes mémorables d'un récit qui amène autant à réfléchir qu'à se distraire, le combat des lansquenets allemands contre des soldats ressuscités montre que la guerre a toujours été chose horrible. En digne émule d'Alexandre Dumas, Juan Miguel Aguilera donne vie et corps a une époque riche en péripéties.