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Vélum

Hal DUNCAN

Titre original : Vellum, 2005
Première parution : Macmillan, 2005
Cycle : Le Livre de toutes les heures vol. 1 

Traduction de Florence DOLISI
Illustration de DAYLON

DENOËL (Paris, France), coll. Lunes d'Encre
Dépôt légal : septembre 2008
Première édition
Roman, 688 pages, catégorie / prix : 29 €
ISBN : 978-2-207-25880-4
Genre : Science-Fiction



Ressources externes sur cette œuvre : quarante-deux.org
Ressources externes sur cette édition de l'œuvre : quarante-deux.org

Quatrième de couverture
     Depuis des temps immémoriaux, le siège de Dieu est vacant. Ses anges et tous ceux dont le sang se charge d’une parcelle de divin, les Amortels, se sont divisés en deux clans : les Souverains et l’Alliance. Leur guerre n’a pas lieu dans les cieux, mais sur le Vélum, ce tissu de mondes en comparaison duquel notre Terre n’est qu’une trace de crasse sous l’ongle d’un pouce. Pour Finnan et Phreedom, qui refusent de choisir leur camp, le temps est compté, car la guerre des cieux sera bientôt totale.

     Parution évènement de l’année 2005 en Grande-Bretagne, Vélum est le premier volume d’un diptyque, Le livre de toutes les heures, qui s’achèvera l’an prochain avec Encre. Souvent comparé à L'Échiquier du mal, cette fresque apocalyptique, d'une ambition rare, s'adresse tout autant aux lecteurs de Dan Simmons qu'à ceux du Festin nu de William S. Burroughs.

     Hal Duncan est écossais. Il vit à Glasgow. Le succès de Vélum, traduit dans de nombreux pays, l'a consacré comme un des meilleurs écrivains du genre.
Critiques
     Premier roman de l'écossais Hal Duncan, Vélum comporte trop d'éléments pour se résumer facilement en quelques lignes. Cependant pour la trame de fond, imaginez le trône de Dieu vacant depuis des millénaires et une guerre qui oppose ses anges (nommés les Amortels). Appréhendez ensuite l'idée que notre monde n'est en réalité qu'une petite partie d'un tout beaucoup plus vaste : le Vélum, un multivers moorcockien revendiqué (voir l'interview au Cafard Cosmique) où chaque époque, chaque lieu, chaque univers parallèle se joue et se rejoue en même temps et éternellement. Et, dans ce contexte, on suit les aventures de trois Amortels (Phreedom, Thomas et Finann) qui ne souhaitent pas entrer dans ce conflit.

     Pour un premier roman, on ne peut pas dire que Hal Duncan ait choisi la facilité. En effet Vélum se présente comme un livre complexe, bourré de références (en particulier aux mythologies mésopotamienne et grecque) mais surtout vertigineux. Ainsi on peut compter plusieurs dizaines d'histoires qui se chevauchent, se suivent et se superposent... L'auteur mêle habilement les aventures des héros avec celles de personnages secondaires qui sont souvent les avatars des premiers dans un autre monde ou un autre temps. En conséquence, il arrive qu'une scène avec un être mythologique nous soit re-racontée juste après avec l'un des trois protagonistes. Si ce choix permet d'ouvrir de très nombreuses possibilités pour appréhender ce monde et surtout le Vélum, il rend aussi la compréhension difficile du fait d'une narration décousue. En effet les difficultés pour situer les protagonistes, le lieu et surtout l'époque d'une scène, rendent parfois nécessaire de relire tout un paragraphe .

     Cependant malgré ces écueils, la lecture demeure paradoxalement aisée car l'écriture est limpide, claire et plaisante. On entre ainsi très facilement dans le récit, on s'attache aux héros et on continue pour connaître leur destinée. Mais là encore, autre petit bémol : nombre de personnages secondaires ne sont évoqués que pendant quelques paragraphes avant de passer aux oubliettes. Même s'ils ne représentent que des avatars de divers Amortels et ne servent qu'à appréhender le Vélum, on peut quand même regretter cette facilité à les écarter qui nous prive de leurs propres histoires.

     Sur le fond, de très nombreux thèmes sont abordés. En particulier ceux de la guerre et de la révolte avec le refus de Phreedom, Thomas et Finann de participer aux combats entre Amortels, ce qui leur vaudra de se faire pourchasser à travers le monde et le Vélum. Hal Duncan aime jouer avec les tableaux contestataires et nous promène ainsi sur plusieurs fronts : de la guerre 14-18 à la Seconde Guerre Mondiale en passant par la guerre civile Espagnole et le mouvement des Red Clydeside (mouvement d'ouvriers écossais durement réprimé par l'armée anglaise). Si certains sujets et certaines phrases percutantes peuvent faire penser à du Palahniuk (« L'avenir est construit sur les ruines du passé et ce sont les fantômes du passé qui l'habitent » p.386), ce récit va plus loin que la « simple » contestation sociale puisque la nature même du Vélum permet de jouer sur l'idée du temps et de l'espace. Cette expérimentation narrative reste l'élément le plus marquant car le lecteur pris dans l'ouvrage s'amusera à deviner où veut en venir l'auteur, à quoi correspond le Vélum et ce que vont faire les personnages principaux dans tout ça. Mais ce ne sera pas aisé : Hal Duncan prend son temps pour nous promener dans les méandres de son univers et y maltraiter ses héros. Ainsi, pendant ces 666 pages (sic !), on découvrira beaucoup de choses sans avoir l'impression que l'intrigue principale avance... mais d'ailleurs cette dernière existe-t-elle puisque la notion même de temps ne veut plus rien dire ici... ?

     En bref, Vélum se présente comme livre ambitieux, avec une construction complexe et vertigineuse mais pourtant d'une lecture simple et très plaisante passée la difficulté à comprendre la narration sophistiquée. Un très bon roman malgré quelques défauts et donc un début de carrière remarqué et remarquable. Cerise sur le gâteau : une très belle couverture signée Daylon.

Gaëtan DRIESSEN
Première parution : 8/6/2009 nooSFere


     Le propos de Vélum est d'une simplicité angélique. Depuis la disparition de Dieu, matérialisée par son trône vide, les anges légitimistes se sont rassemblés autour de Métatron pour constituer l'Alliance. Celle-ci, en l'absence d'autorité transcendante, veut faire du Paradis une république. Le camp d'en face forme la Souveraineté, un rassemblement d'anges qui, au nom de « la Gloire disparue », conteste à Métatron son pouvoir. Tous les protagonistes, qui se nomment eux-mêmes Amortels, convoitent le Vélum, ouvrage renfermant la Création dans ses infinies variations, à la fois Livre des Morts et Livre de Vie, dont une page, vierge à l'exception d'une phrase, contient le sens même de l'existence. En vue des l'affrontement final, les deux bords se dispersent dans la totalité du Multivers pour recruter les derniers rebelles qui refusent de prendre parti. Parmi eux se trouvent Phreedom Messenger et son frère Thomas, ainsi que Seamus Finnan, éternel Prométhée et soldat de fortune, le lecteur suivant la destinée de chacun dans ses multiples incarnations à travers l'espace et le temps.

     Dès les premières pages, époustouflantes, le lecteur est confronté à une mise en abîme. Il tient dans ses mains Vélum et voit le Vélum se déployer page à page, cartographie d'une Création dont notre monde est à peine une tâche d'encre. D'ailleurs, certains indices disséminés laissent à penser que la Terre de référence, celle où évoluent les protagonistes, n'est pas la nôtre. L'un des personnages énumère ainsi parmi les compossibles une réalité alternative où un acteur devient président. Le texte d'Hal Duncan passe d'une variation à l'autre, confrontation d'époques ou de lieux qui forment l'éternelle répétition du même. Metraton est aussi le dieu Enki et le prophète Enoch ; Phreedom Messenger est Inanna, (identifiée comme telle p.158 alors que le lecteur avait depuis longtemps compris). Son frère Thomas est Dumuzi et Tammuz, dieu supplicié, noir lynché, soldat faisant face à un peloton d'exécution.

     Pour rendre compte des drames qui se jouent et rejouent sans cesse, Hal Duncan se réapproprie le fond universel des récits évoquant maints êtres d'exception. Avec, toutefois, des changements formels (la variation étant dans Vélum à la fois sujet et objet du récit, contenant et contenu), puisque la partie Inanna est distincte des paragraphes de narration, tandis que les références tirées du Prométhée d'Eschyle sont incluses dans le corps du texte. Le texte lui-même est moteur du récit avec la Cryptolangue, langue originelle volée par les Anges dans les cavernes du Néolithique. Composée d'une grammaire agglutinante, elle est perceptible en tout sens comme une toile peinte, « densité pure et simple de la langue » qui peut tordre le réel, tuer un Amortel, et au plus fort de sa puissance... transformer une tasse de thé en expresso.

     Car c'est là que le bât blesse. Trop mode, voulant à tout prix marquer l'effet (666 pages, houlàlà), Hal Duncan propose un roman qui n'est pas à la hauteur de son ambition. Bien que l'écrivain invoque dans une interview William Blake, on pense moins à l'auteur de Nobodaddy, et sa fulgurance poétique sur l'absence du Père qu'à Gregory Widen. Le scénariste d'Highlander ? Exact, mais aussi le réalisateur en 1995 de The Prophecy, anciennement titré God's Army, qui voyait deux camps d'anges se disputer la domination des cieux. La comparaison de Duncan à Widen n'est hélas pas forcée. Les anges de l'écrivain sont tendance, habillés de costumes sombres Armani. Metatron porte des dreadlocks, un manteau de cuir noir, et tapote son palm relié de cuir. Sans compter les Amortels qui raffolent des sushi.

     Quant au style, Hal Duncan invoque comme maîtres littéraires James Joyce et Borges. Hélas, il ne fait pas oublier le premier et rappelle trop souvent le second. Le texte est parfois surécrit, « infinité du quotidien », Duncan use d'images usées sans parvenir à les rafraîchir — l'aéroport comme lieu de transit entre tous les possibles — , et n'évite pas toujours les maladresses. L'auteur présente par exemple une ruse de Métatron, dont on postule l'intelligence supérieure : il délaisse son nom d'Enki Nudimmud pour ne pas apparaître comme « profil suspect » dans le cadre du Homeland Defense Act. N'importe qui après le 11 septembre (date de sortie du roman, chez nous : groovy !) et l'Irak peut en arriver aujourd'hui à la même conclusion ! Plus fort encore, l'un des personnages tente d'échapper aux recruteurs en se cachant dans les tranchées de la Première Guerre Mondiale. Evidemment, obus et fils de fer barbelés offrent un immédiat effet d'ambiance, reste que pour se planquer il vaudrait mieux opter pour la banlieue de Châlons-sur-Marne un 4 mars 1976.

     Alors s'agit-il d'une bouse ? Non, et quand bien même, chacun sait que les reliquats d'anges sentent le gâteau. Hal Duncan est capable d'authentiques finesses littéraires (le début consacré au déploiement du Vélum, le beau portrait de Finnan, sempiternel guerrier et Prométhée page 369). Le roman (sur)abonde en références (de nombreuses occurrences à Lovecraft) comme un exo-squelette dont l'alliage est constitué d'adamantium et de cavorite, ou un clin d'œil à Edward Whittemore avec une montre dont l'aiguille des heures va plus vite que celle des minutes. Voire à la Ruritanie, pays imaginaire d'Europe Centrale dans Le prisonnier de Zenda d'Anthony Hope, ou à Indiana Jones quand, page 399, Hitler envoie un commando SS de la division d'élite Viking pour s'emparer du Livre des Morts, ce qui lui permettrait d'accéder à la langue divine.

     Mais on est loin de l'intention initiale, dont le texte garde pourtant ici et là la trace, qui aurait vu en Velum la description d'une tentative de transcendance par des êtres, anges ou autres, qui n'en ont pas les moyens. D'où l'accumulation quantitative d'époques et d'actions pour tenter — en vain — de reconstituer l'unité qualitative de la transcendance. Ce qu'est aussi le roman, parfois.

     Nombreuses concessions à la mode, glamour des anges jamais très loin des vampires d'Anne Rice, Vélum aura toutefois de quoi séduire des jeunes lecteurs désireux, eux aussi, de vouer leur culte à un ouvrage. Ce qui n'est peut-être pas la cible visée par Hal Duncan qui semble pourtant avoir remarqué sa dérive, comme en témoigne le bel aveu page 327 : « Je ne suis pas un ado rebelle. »

     Roman pour les vacances, véritable pavé sur la plage, Vélum est un bon bouquin, comme il en existe d'autres. Au fait, cette critique fait 6666 signes.

Xavier MAUMÉJEAN
Première parution : 1/10/2008 dans Bifrost 52
Mise en ligne le : 24/9/2010

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