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L'Automate de Nuremberg

Thomas DAY

Première parution : Bifrost n° 42, mai 2006


GALLIMARD (Paris, France), coll. Folio2€ / Folio3€ précédent dans la collection n° 4667 suivant dans la collection
Dépôt légal : décembre 2007
Novella, 128 pages, catégorie / prix : 2 €
ISBN : 978-2-07-034890-9
Genre : Science-Fiction

Selon l'auteur, "Il n'y a quasiment aucune différence avec la version de Bifrost, le texte est sensiblement plus long, car Xavier Mauméjean m'a fait certaines remarques que j'ai utilisées, développant une idée çà et là. Et j'ai allongé aussi une ou deux descriptions.
C'est surtout "corrigé" : terme latin erroné (merci Pierre Stolze), fautes de français, étourderies..". Illustration : (c) Image Source Pink/Getty Images.

Autres éditions
   in Bifrost n° 42, BÉLIAL', 2006
        sous le titre L'Automate de Nuremberg
   BÉLIAL', 2024

Ressources externes sur cette œuvre : quarante-deux.org
Ressources externes sur cette édition de l'œuvre : quarante-deux.org

Quatrième de couverture
     « Ai-je une âme, Père ? »
     Telle est la question que Melchior Hauser, le célèbre automate joueur d'échecs, veut poser à son créateur, Viktor Hauser. De la cour de Russie au quartier juif de Nuremberg, des brumes londoniennes aux chaleurs de l'Afrique, il part à la recherche de ses origines, mais sa quête pourrait bien lui réserver des surprises...
     Sur fond de campagnes napoléoniennes, un voyage initiatique à la croisée des genres pour entrer dans l'univers de Thomas Day.
Critiques

    Le début du XIXe siècle est une époque troublée en Europe : dans les décombres de l’épopée napoléonienne, alors que la révolution industrielle commence à donner ses premiers feux en Grande-Bretagne, et alors même que les travaux de Lavoisier viennent à peine d’inscrire la chimie au corpus des sciences dites dures, il reste encore quelques mages prêts à poursuivre les mêmes chimères – alchimiques et vitalistes – que leurs prédécesseurs.

    Thomas Day inscrit son Automate de Nuremberg dans ce contexte, en mode uchronique. La retraite de Russie de 1812 a été suivie du siège de Paris puis d’une contre-attaque : l’Empereur parvient à vaincre le Tsar et à lui arracher un traité de paix léonin qui le rend tout à fait maître de l’Europe. L’époque n’est pourtant pas apaisée : l’Europe est exsangue, et pour financer la révolution industrielle naissante, il va falloir aller piller l’Afrique et l’Asie. Les soldats de Bonaparte, après avoir « pacifié » l’Espagne, vont participer à « l’œuvre de civilisation » et entretenir le trafic d’esclaves : l’uchronie de ce court texte n’est donc en aucun cas positive, et semble même désabusée.

    Le lecteur appréciera dans cette novella les éléments d’imaginaire qui le connectent à d’anciennes traditions. Le personnage historique de Kaspar Hauser y est présenté comme un nourrisson réanimé par une technique vitaliste ayant altéré son cerveau (et donc, comme un lointain avatar du monstre de Frankenstein) ; l’automate éponyme, Melchior Hauser, n’est au départ que l’une de ces machines joueuses d’échecs dont les cours d’Europe étaient friandes ; le troisième des « frères » Hauser, qui porte quant à lui le nom de Balthazar – le dernier des Rois Mages – est un pur esprit, à conserver dans une bouteille, de peur qu’il ne s’étiole… ou ne s’échappe pour le malheur du monde. Ces trois êtres, qui incarnent chacun l’une des spécificités de l’humanité – le corps, l’esprit et l’âme –, ont des relations conflictuelles qui évoquent bien les dilemmes intérieurs que chacun de nous éprouve tôt ou tard. Dans ce conte cruel où il est question d’une époque révolue avant même d’avoir eu lieu, Thomas Day parle de la condition humaine – que ce soit dans le cadre étroit de l’expérience du présent ou dans celui plus large de l’écosystème social –, et il le fait avec un talent consommé…

 

Lien vers le blog d'Anudar

ANUDAR
Première parution : 1/10/2020 dans Bifrost 100
Mise en ligne le : 21/5/2024


     Dans une uchronie où Napoléon a réussi à envahir la Russie, Melchior, un automate joueur d'échecs récemment libéré de son servage auprès du Tsar, part retrouver son créateur, Viktor Hauser, pour lui poser la question fondamentale : « Ai-je une âme, Père ? ». Aidé par un soldat, l'automate va ainsi voyager dans une Europe puis une Afrique telles qu'elles auraient pu être si l'empereur français n'avait pas été défait.
     Si cette aventure porte en elle un goût d'exotisme et de découverte, la brièveté du récit nous empêche d'explorer en détail l'univers créé : à peine arrivé dans un endroit que déjà Melchior part sous d'autres horizons. Mais si l'histoire ne se centre pas sur la description d'un monde sous domination napoléonienne, c'est parce que Thomas Day nous questionne avant tout sur ce qui fait la singularité d'un être humain. Comme l'automate a une conscience, il sait qu'il existe (« je pense donc je suis »), il comprend aussi qu'il est particulier, unique. Il va donc chercher à appréhender ce qu'entraîne cette connaissance de soi. Celle-ci le différencie bien sûr des animaux mais est-il « humain » pour autant ?
     L'auteur pousse le questionnement plus loin en intégrant un autre protagoniste dans l'histoire : le « frère » de Melchior, la troisième création de Viktor Hauser. Ce personnage permet au lecteur de découvrir certains éléments qui échappent à l'automate. Ainsi on apprend que le savant a créé la vie sous diverses formes. Trois types d'existences, conçus par trois méthodes différentes : médecine pour la réanimation d'un corps humain (Kaspar Hauser, le fameux « orphelin de l'Europe » 1), mécanique pour la fabrication d'un automate (Melchior Hauser) et alchimie pour un esprit détaché de la matière (Balthazar Hauser). Alors que Melchior cherche à savoir s'il peut être considéré comme un humain, Balthazar se proclame messager de Dieu et souhaite, lui, détruire les « œuvres » de son « père » qui s'opposent à Sa Toute-puissance.
     Si le livre n'apporte au final que peu de réponses à ces questions fondamentales (on ne les attendait pas non plus), il a le mérite de susciter une réflexion intéressante. Ainsi la référence évidente aux rois mages est-elle un simple clin d'œil de l'auteur ou faut-il y voir l'annonce d'un nouveau « Jésus », un nouvel « Homme » qui ne se définit plus seulement par une enveloppe physique organique ?
     Pour ce qui est des références, il y a un rapprochement évident avec le Frankenstein ou le Prométhée moderne de Mary Shelley (dont la ressemblance entre les prénoms des savants : Victor et Viktor) mais aussi avec La Vénus Anatomique de Xavier Mauméjean. Cependant les trois écrivains n'ont pas la même approche de la création de la vie par l'homme. Si l'auteure britannique centre son intrigue sur le créateur et les conséquences de son geste, si Mauméjean explicite cette fabrication et les tourments du savant avant la finalisation de la conception, Thomas Day écrit de son coté un récit plus humain, plus émouvant aussi, en se focalisant sur la créature plus que sur le scientifique.
     En somme, L'automate de Nuremberg est une quête identitaire doublé d'un conte philosophique fort et intelligent. Un très bon livre publié dans une collection à la portée de toutes les bourses, à ne pas rater.

Notes :

1. Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Kaspar_Hauser

Gaëtan DRIESSEN
Première parution : 16/6/2009 nooSFere

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