Souvent, les espaces dits marginaux (ou pour mieux typer, « semi professionnels ») témoignent d'un désir de découverte et dans le même temps d'un sérieux dans la sélection qui font parfois défaut à l'édition dite officielle — et dans le domaine SF aux directeurs de collection et anthologistes en place. Il devient bateau de rappeler le succès et la valeur toujours non démentis de la série de Milesi et Stephan, Mouvance. D'un autre côté, on a vu bâtir tant de nouveaux supports en SF, qui n'ont souvent tenu qu'une saison, que la crainte accompagne toujours une nouvelle parution.
Gouanvic et Nicot se placent d'emblée avec Espaces Imaginaires dans le champ de l'anthologie originale déjà diablement défriché, avec cette particularité de s'installer de part et d'autre de l'Atlantique, et de s'ouvrir à toute la francophonie. Il n'est en effet pas inutile de rassembler les forces vives de la SF qui s'écrit en français, face au déferlement de produits US prédigérés et aux hésitations de certains à publier des auteurs francophones.
L'expérience demande évidemment à se poursuivre et s'affirmer, mais c'est le cas de toute série qui débute. On peut dire déjà que de toute évidence, les exigences des anthologistes ont été placées haut. Si tout n'est pas ici de valeur identique, qui pourrait jamais prétendre y parvenir ? Dès l'ouverture. Agnès Guitard nous propose une création originale et forte avec Coineraine, réflexion de « hard-écologie » sur les rapports d'un être avec son sol, au sens propre. Texte superbe que l'on ne peut rapprocher que de réussites telles que Your haploid heart de Tiptree (Votre cœur haploïde, dans Univers 06) et La Créode de Joëlle Wintrebert (dans Univers 17). Tiens, trois femmes, comme c'est bizarre.
Jacques Boireau nous ramène au cœur de son univers des Enfants d'Ibn Khaldoûn avec Automne, beau texte à la narration décalée, comme une veillée autour d'un feu de bois et de quelques alcools. On ne décrit plus le ton Boireau, on le savoure. Walther demeure fidèle à ses obsessions, et Jean-Pol Rocquet confirme tout le bien que certains pensent de ses écrits. En gros, le niveau du recueil est des plus valables, et qui plus est, équitablement réparti entre le Québec et la France : Jean-Pierre April sarcastique et antimedia enlève le morceau en compagnie d'Agnès Guitard, mais tous les autres méritent le détour.
Il faut espérer voir bientôt Suisses romands et Wallons se joindre à la géographie ici esquissée. Nous sommes deux cent-soixante millions de francophones par le monde, chante Julos Beaucarne. Il y a place pour pas mal d'écrivains de SF !