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La Bibliothèque Nomédienne

Alfred BOUDRY & LES GAILLARDS D'AVANT


Illustration de Lola LUNA

L'ATALANTE (Nantes, France), coll. La Dentelle du Cygne précédent dans la collection suivant dans la collection
Date de parution : 26 septembre 2008
Dépôt légal : septembre 2008, Achevé d'imprimer : septembre 2008
Première édition
Roman, 648 pages, catégorie / prix : 25 €
ISBN : 978-2-84172-443-7
Format : 17,3 x 20,4 cm
Genre : Imaginaire


Quatrième de couverture

Vous avez entre les mains la compilation de plusieurs années de recherches. Car — et c'est le plus terrible — maintenant que les réseaux informatiques fonctionnent de nouveau après deux années d'interruption brutale, il a fallu se rendre à l'évidence : la Nomédie n'est plus là.
Les quelques missions d'exploration du programme international « Nomédie revisitée » ont conclu que le continent mythique était de nouveau égaré. Certains chercheurs n'hésitent pas à dire que cette perte n'est pas la première et que, depuis la nuit des temps, la masse continentale de la Nomédie ne cesse de se montrer puis de disparaître au centre du Pacifique. C'est là un des mystères les plus profonds que connaît l'espèce humaine depuis qu'elle sait écrire.
Les textes que vous allez lire sont donc de longueur et de sujet variables. Comme il n'était pas possible de les classer par thèmes, ceux-ci se recoupant souvent, nous les faisons figurer par ordre chronologique en commençant par le plus récent. Cette plongée virtuelle dans le passé sera, nous le souhaitons, propice au but que nous nous proposons d'atteindre. Car, qui sait ? peut-être qu'en refermant ces pages il suffira au lecteur inspiré de sortir de chez lui pour se retrouver quelque part en plein cœur de la Nomédie.

Le comité de rédaction de
La bibliothèque nomédienne,
15 juillet 2028.

Critiques
     Qu'est ce que la Bibliothèque nomédienne ? Ce livre-concept résulte d'un projet initié dans un atelier d'écriture montpelliérain animé par Alfred Boudry. Pour stimuler ses « élèves » (surnommés les Gaillards d'Avant), ce dernier leur a proposé de construire un monde à partir d'un texte original, avec pour principale contrainte de devoir aller « un peu au-delà de leur imagination ». Le récit primitif, et si La Pérouse avait trouvé ce qu'il cherchait, ouvre le présent ouvrage et relève à l'évidence de l'uchronie : son auteur imagine que La Pérouse a découvert dans le Pacifique une île paradisiaque, la Nomédie. A partir de là se développe une Histoire parallèle à la nôtre, jusqu'aux années 2020, date à laquelle le réseau informatique mondial plante au point d'effacer toutes les données enregistrées sur les disques durs. Au redémarrage du réseau, la Nomédie a disparu ! Voila donc rassemblés dans ce livre tous les documents relatifs au « Continent égaré » qui ont pu être retrouvés et qui dressent le bilan d'une utopie fondée sur cette hypothèse uchronique.

     En effet, la Bibliothèque nomédienne est un ouvrage utopiste, un roman qui dépeint un monde meilleur, un paradis dont nous savons qu'il n'existe pas, qu'il ne peut exister, dans la lignée d'un genre très ancien dont l'œuvre fondatrice, l'Utopia de Thomas More, date du XVIème siècle. Dans ce roman-mosaïque, les auteurs sont allés un peu au-delà de leur imagination et ont fait ce que nous aimons tous faire : rêver d'un monde meilleur, loin de notre matérialisme effréné et de notre individualisme outrancier. La Nomédie est utopique, non parce que c'est une île paradisiaque où il fait toujours beau et où les filles sont belles, mais parce que ses habitants ne connaissent pas l'argent, la propriété, la haine, ni même la religion... Ils y vivent « totalement » heureux.

     En soi, la peinture d'une utopie n'est pas un projet très original. Mais ici les écrivains ont travaillé la forme de manière extrême, pour façonner une utopie indirecte. Selon une autre règle énoncée par le capitaine, nous n'avons pas affaire à l'histoire d'un nomédien plongé dans une intrigue avec un début, un milieu et une fin mais à un recueil de documents et d'œuvres disparates. Cela va d'un essai sur la langue nomédienne à un véritable roman, en passant par des études sur les animaux de ce continent, divers autres essais, des nouvelles... et même un projet de scénario évoquant le Continent égaré. Cette variété dans les formes permet de ne pas s'ennuyer, d'autant que si les documents sont de tailles diverses, la plupart ne dépassent pas une vingtaine de pages. De plus, elle offre un regard extérieur, « occidental », sur ce Continent : le regard d'un étranger qui découvre un monde nouveau. C'est d'ailleurs peut-être cette vision qui embellit cet univers et en fait une utopie. On peut imaginer que les narrateurs déforment la réalité (même involontairement) pour voir dans la Nomédie le monde meilleur qu'ils espèrent. Voilà encore un des intérêts du livre : bien que nous sachions qu'il n'existe pas d'île égarée dans le Pacifique (d'ailleurs qu'en savons-nous ?), on se met à rêver avec les auteurs de sa possible existence, car les divers récits apportent en même temps qu'un certain degré de réalisme, une incontestable dose de doute (paradoxal, non ?).

     Avant de conclure, je me permets de relayer deux appels formulés par Alfred Boudry : il souhaite d'abord voir continuer l'aventure, la recherche/découverte du Continent Egaré, et il invite tout un chacun à venir écrire sur la Nomédie, sur sa Nomédie. Pour cela, il suffit d'aller sur le site http://eratos10.free.fr et d'embarquer.
     Le second appel est moins sérieux (ou peut-être plus au contraire) puisque les Gaillards d'Avant s'adressent à Crésus : si vous êtes « riche à crever », si « vous avez quelque part dans le monde, un coin de paradis où vous ne n'avez jamais mis les pieds parce qu'il n'y a pas de casino à proximité » alors « donnez-la nous ». A bon entendeur...

     Au final, cette monumentale Bibliothèque forme une œuvre incomparable et très réussie. En dépit de l'extrême étrangeté de certains documents, cette uchronie utopiste s'avère suffisamment réaliste et envoûtante pour que cet original patchwork de récits de toutes formes permette à l'univers imaginé (désiré ?) par ses auteurs de prendre vie sous nos yeux.

Gaëtan DRIESSEN
Première parution : 24/2/2009 nooSFere


     Qui n'a jamais rêvé, devant une carte du monde ou un globe terrestre, face à l'immense étendue d'eau entre l'Asie et l'Amérique du Sud, suffisamment vaste pour contenir un territoire grand comme l'Australie, et au vide d'autant plus suspect que même les chapelets d'îles polynésiennes s'interrompent à cet endroit ? La logique et le bon sens voudraient que se trouve ici un continent. Et c'est précisément à la « reconstitution » de celui-ci que se sont attelés Alfred Boudry et les Gaillards d'avant, à savoir Poppy Burton, Graham Chadwick, Alain Guyard, Grégoire Hervier, Edwin Hill et Marc Vassart, qui imaginent, dans un avenir proche, qu'un crash informatique planétaire ayant duré deux ans a effacé la totalité des informations stockées sur le réseau, de sorte que celles relatives à la Nomédie ont disparu. Recensant les traces écrites encore disponibles, les chercheurs de la Nomédie ont réussi à exhumer vingt-quatre documents et une annexe qui évoquent ce continent non pas oublié, mais égaré.

     La plupart consistent en des témoignages longtemps ignorés, souvent indirects, parfois altérés ou tronqués, qui circonscrivent le sujet plutôt que de l'aborder de plain-pied. Qu'y trouve-t-on ? Des articles, comme celui, fondateur, analysant des passages du journal de La Pérouse et d'autres navigateurs d'antan, des récits d'aventuriers partis à sa recherche ou des témoignages de seconde main racontant l'étrange folie de voyageurs cherchant à y retourner. Des nouvelles et même un court roman, Le Nombril du monde, racontent des expéditions effectuées à diverses époques, ou l'étrange entretien qu'a Dumont d'Urville dans un train, avec un mystérieux personnage qui lui rappelle dans quelles épiques circonstances il ramena la Victoire de Samothrace et... ce qu'il advint des bras ! Le récit de la rencontre d'un neurologue avec une artiste autiste, Vrilya Hrönir, dont les compositions modernes ne sont pas sans danger pour l'esprit, ressortit davantage à la science-fiction, alors que la nouvelle montrant des spécialistes de diverses disciplines invités à une soirée dans un manoir pour parler d'un sujet dont ils ignorent tout, par son atmosphère pesante, est plus proche des ambiances fantastiques. Ici, on glose sur la maladie du nomédiaque, paranoïa qui pousse les chercheurs obsédés par la quête de la Nomédie à inventer une réalité différente, là on analyse les subtilités des langues nomédiennes et la philosophie qui les sous-tend, ailleurs ce sont la crypto-ethnologie, autour du Rêve de Bachelard et de la cosmogonie des aborigènes d'Australie, et le principe d'incertitude qui sont invoqués pour donner, couche après couche, toujours plus de réalité à ce continent.

     Il ne convient pas de donner ici une image trop précise de la Nomédie telle qu'elle se révèle au lecteur. Tout au plus peut-on affirmer que ce continent a tendance à apparaître et disparaître au gré des époques, selon des mécanismes qui permettent de glisser dans un écrit un schéma emprunté à l'astrophysicien Jean-Pierrre Luminet. Le contour de ses côtes risque également de réserver quelques surprises. Ses habitants, aux mœurs parfois difficilement compréhensibles, mais qui rappellent à bien des égards ceux des Polynésiens, auraient également des pouvoirs proches de la téléportation, de la télépathie ou du contrôle mental sur autrui. S'ils tiennent à vivre à l'écart du reste du monde, trop matérialiste, ils auraient pourtant eu des contacts avec les grands esprits de chaque époque, et il ne faut pas chercher plus loin l'origine de quelque chef-d'œuvre de l'art...

     Ce qui flatte surtout l'esprit, c'est l'impressionnante érudition et les incessantes références qui donnent à l'ensemble la patine de la réalité. L'ombre du Borgès de « Tlon üüqbar Orbis Tertius » plane sur cet imposant ouvrage ; une citation de l'auteur de Fictions ouvre d'ailleurs cette anthologie. L'ensemble des textes se lit comme une passionnante enquête qu'on déchiffre patiemment, à mi-chemin entre le polar et le récit d'exploration et de voyage, mais tous les autres parfums de la littérature sont également présents. Bien entendu, cette aventure en tous points exceptionnelle ne sera jamais un best-seller, car s'adressant avant tout aux esprits cultivés et brassant un grand nombre de domaines et de disciplines. Ceux qui s'attendent à lire l'exploration d'un continent perdu identique à celui de Conan Doyle passeront à côté d'un chef-d'œuvre, même si quelques nouvelles proches de leurs attentes les satisferont malgré tout.

     Une telle entreprise n'aurait pas été possible sans un courageux capitaine, Alfred Boudry, auteur de quinze textes, et un fidèle lieutenant, Marc Vassart, qui en signe quatre, d'ailleurs aisément identifiables par les thèmes qu'il traite et les lieux de l'intrigue, qui rappellent ses autres romans. Mais le capitaine tient à préciser dans une postface qu'il ne maintient aucun cap mais cherche un ailleurs, un là-bas où rêver en paix, « un lieu où nul ne détiendra la vérité et où la seule richesse sera l'imagination ». Cette générosité n'est pas que de convenance puisque tout le monde peut y participer, en se rendant sur <http:/eratos10.free.fr>, où se trouvent des inédits et où il est possible, en suivant les très simples règles de base, d'apporter sa contribution pour un éventuel deuxième tome. On ne saurait rêver plus belle expédition littéraire que celle où le lecteur peut embarquer.

Claude ECKEN (lui écrire)
Première parution : 1/1/2009 dans Bifrost 53
Mise en ligne le : 29/9/2010

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