GLYPHE
, coll. Imaginaires n° 7 Dépôt légal : mars 2009 Première édition Anthologie, 464 pages, catégorie / prix : 22 € ISBN : 978-2-35285-058-8 Genre : Imaginaire
Quatrième de couverture
Identités
Un enfant qui recueille les souvenirs,
Une fée aux ailes coupées qui se venge,
Un guerrier qui offre un pan de sa mémoire,
Une ogresse prête à tout pour être aussi svelte qu'une elfe,
Un terrien qui fait don de sa vie pour sauver des extraterrestres,
Une Tzigane qui arrive au terme d'un éprouvant voyage en train...
En vingt-cinq nouvelles et une chanson, des écrivains de tous horizons dévoilent leur quête identitaire. De façon burlesque, dramatique, épique ou nostalgique, ils traitent de guerres meurtrières aux ravages innombrables, de mémoire, de peuples et d'individus, qui souffrent, qui craquent.
Lucie Chenu a publié des fictions et des articles dans de nombreux ouvrages. Elle a dirigé plusieurs anthologies : sur le thème de la musique (Univers & Chimères sur Internet), de la naissance ((Pro)Créations, Glyphe, prix Bob Morane 2008), de la Table Ronde (De Brocéliande en Avalon, Terre de Brume) ou des Contes de Fées (Contes de Villes et de Fusées, Ad Astra).
1 - Lucie CHENU, Carte d'Identités ou dis-moi qui tu hais je te dirai qui tu es, pages 9 à 14, préface 2 - Jean-Pierre ANDREVON, Étrangers !, pages 17 à 20, chanson 3 - Jess KAAN, La Fourmilière, mon pied et le Tupic, pages 21 à 39, nouvelle 4 - René BEAULIEU, Oncle Franz, pages 41 à 67, nouvelle 5 - Pierre Alexandre SICART, Temps métisse, pages 69 à 81, nouvelle 6 - Jérôme NOIREZ, L'Exécrable, pages 83 à 100, nouvelle 7 - Jean-Michel CALVEZ, La Bonne Aventure, pages 101 à 119, nouvelle 8 - Jean MILLEMANN, Fils du vent, voleur de poules, pages 121 à 125, nouvelle 9 - Claude MAMIER, La Dernière charge des Fées noires, pages 127 à 136, nouvelle 10 - Claude ECKEN, Dernier vol pour Zoutoul, pages 137 à 150, nouvelle 11 - Alain LE BUSSY, La Sloche, pages 153 à 160, nouvelle 12 - Michèle SÉBAL, Constance Lolita, pages 161 à 179, nouvelle 13 - Antoine LENCOU, Droit du sang, pages 181 à 192, nouvelle 14 - Sylvie MILLER & Philippe WARD, La Belle au poids mordant, pages 193 à 218, nouvelle 15 - LI-CAM, La Frontière de Tamika, pages 219 à 249, nouvelle 16 - Pierre GÉVART, Résurrection, pages 251 à 257, nouvelle 17 - Orson Scott CARD, Le Réceptacle (Vessel, 1999), pages 259 à 286, nouvelle, trad. Pierre Alexandre SICART 18 - Lionel DAVOUST, Bataille pour un souvenir, pages 287 à 307, nouvelle 19 - Constance BLOCH, APE, pages 311 à 318, nouvelle 20 - Carl LOUVIER, L'Arrogance des fourmis, pages 319 à 329, nouvelle 21 - Denis LABBÉ, Plastic Doll, pages 331 à 341, nouvelle 22 - Sophie DABAT, Démence, jouissance, délivrance, pages 343 à 362, nouvelle 23 - Ludovic LAVAISSIÈRE, Kainsmal, pages 363 à 387, nouvelle 24 - Estelle VALLS de GOMIS, Tout le monde aime Benedict Valdèz, pages 389 à 396, nouvelle 25 - FREDGEV, Lagavulin, pages 397 à 427, nouvelle 26 - Léo LAMARCHE, Je ne t'oublierai jamais, pages 429 à 451, nouvelle 27 - Tepthida HAY, Craignez les foudres du fantôme grincheux, pages 453 à 458, nouvelle
Critiques
Dans le droit fil des précédents numéros de Bifrost, où il était question de « retour en grâce de la nouvelle », coup de projo sur une des dernières publications des éditions Glyphe : l'anthologie Identités, florilège de textes courts réunis par Lucie Chenu, figure bien connue du petit landerneau de la S-F et de la fantasy hexagonale.
Au sommaire vingt-six auteurs, dont quelques plumes très confirmées (Card, Ecken, Le Bussy, Mamier, Noirez). Les nouvelles balaient tout le spectre de la fiction, faisant fi des frontières entre mainstream, fantastique, S-F, conte de fée, fantasy ou même polar hardboiled. Il est vrai que le thème, l'identité, se prête à tous les genres et à toutes les formes. L'éclectisme qui en découle n'en reste pas moins guidé par un principe directeur : mettre l'individu, ses vies rêvées et ses brisures, au cœur du récit. Sans surprise, l'ouvrage balance du côté d'un certain désenchantement cynique et de la noirceur la plus crue, que la présence de nouvelles plus faibles stylistiquement, ou inachevées, ou ennuyeuses, vient malencontreusement tempérer. C'est d'ailleurs le principal reproche qu'on peut faire à l'anthologiste (qui n'en est pas à son premier fait d'armes (voir notamment, chez le même éditeur, (Pro)Créations), de n'avoir pas su — ou pas voulu — resserrer davantage sa sélection, disons autour d'une grosse quinzaine de textes. En l'état, un bon tiers des contributions me paraît largement dispensable, aussi vite lu qu'oublié (voile pudique jeté sur le nom des coupables). On s'enfile le second tiers avec des sentiments mitigés : vague curiosité pour Jess Kaan (« La Fourmilière, mon pied et le Tupic »), Jean-Michel Calvez (« La Bonne aventure ») et Sophie Dabat (« Démence, jouissance, délivrance », délirante autofiction) ; intérêt mâtiné de déception pour les Claude, Mamier et Ecken, tous les deux en petite forme ; politesse attentionnée pour Orson Scott Card (« Le Réceptacle ») ; politesse amusée pour Michèle Sébal (« Constance Lolita », grinçante comédie familiale à base de télékinésie) et pour le couple Ward/Miller, qui s'en donne à cœur joie dans « La Belle au poids mordant » (le titre est explicite), dommage que la nouvelle soit écrite à quatre pieds.
Reste une poignée de bons textes qui, sans verser dans le chef-d'œuvre, feront passer au lecteur d'excellents moments. Le postulat de Li-Cam dans « La Frontière de Tamika » — un virus biotechnologique a transformé les trois-quarts de l'humanité en dangereux psychopathes — n'est pas sans rappeler celui de l'excellente trilogie du chromozone de Beauverger, même si l'auteure exploite le filon de manière un peu foutraque. Lionel Davoust m'a impressionné avec son « Bataille pour un souvenir », histoire d'une caste de guerriers qui ne peuvent se sublimer dans l'action qu'en acceptant de renoncer à leurs souvenirs, au risque d'y laisser la conscience de soi. Nouvelle maîtrisée de bout en bout, qui n'aurait pas déparée dans Rois et Capitaines (antho où la contribution dudit Davoust s'était révélée beaucoup moins probante). Denis Labbé (inquiétant et malsain « Plastic Doll », à la chute plus dure qu'un uppercut), Ludovic Lavaissière (« Kainsmal », romance gothique dans l'Europe du XIXe siècle sur fond de lutte entre créatures antédiluviennes), fredgev (« Lagavulin », hallucinant voyage au bout d'un réel augmenté, diffracté par le cinéma mental du narrateur), Léo Lamarche (« Je ne t'oublierai jamais », bouleversant dans sa simplicité) sont chacun à leur manière plutôt convaincants. Mais s'il faut placer un texte au-dessus des autres, je citerai « L'Exécrable » de Jérôme Noirez, chronique d'un monde à la fois post-révolutionnaire et concentrationnaire, hanté de bourreaux mélomanes (sic) et de parias capables de voir le sang partout où il a coulé. Noirez parvient à déployer une sorte de poésie de la douleur et de la violence qui n'est pas sans évoquer le post-exotisme de Volodine. Construction impeccable, style enlevé : du beau travail.
Amputée d'une dizaine de textes, Identités aurait pu être l'une des fortes anthologies de l'année. Mais Lucie Chenu a privilégié la quantité, donnant à lire quelques auteurs qu'on aurait aimé voir dans d'autres dispositions — ou mieux accompagnés. Pas de quoi crier au scandale, mais pas de quoi se relever la nuit non plus.
Sam LERMITE Première parution : 1/1/2010 dans Bifrost 57 Mise en ligne le : 6/7/2011
Lucie Chenu s'est fait ces derniers temps une spécialité dans l'édition d'anthologies. Après De Brocéliande en Avalon (Terre de Brume) consacrée aux mythes arthuriens transposés dans le monde moderne, et (Pro)Créations, au titre transparent, déjà chez Glyphe, voici venir Identités. Cet épais volume de 460 pages fait la part belle aux écrivains francophones, à la notable exception d'Orson Scott Card. Son thème, l'identité donc, reste suffisamment vague pour ne pas en être un réellement, mais affirme néanmoins la volonté de placer l'individu au centre du récit. Pas de grande extrapolation conjoncturelle ici, donc, ni de décors démesurés, mais en revanche des personnages forts, qui marquent de leur empreinte les récits. Et une volonté de Lucie Chenu de traiter des minorités, du rejet, et du « moment où l'on disjoncte, ce moment où, trop c'est trop, on ne peut plus supporter les humiliations ». La tonalité est donc ici plutôt sombre - — même si les auteurs ne rechignent pas à user d'humour (Sébal, Miller/Ward, Hay...) - — et se retrouve dans l'intitulé des trois parties qui composent l'anthologie : « Identités meurtri(èr)es », « Identités miroirs, identité mémoire » et « Miroirs brisés, puzzles éclatés ».
Comme d'habitude, chacun trouvera chaussure à son pied, et appréciera telle ou telle des vingt-cinq nouvelles ici présentes (je laisse de côté la chanson inaugurale de Jean-Pierre Andrevon). Pour ma part, j'y ai noté tout d'abord le texte de Jérôme Noirez, « L'Exécrable », condensé de glauquitude sur fond de camp de concentration, où réussit à perler une petite bulle de tendresse, et d'où fuse une idée magnifique, celle de l'hématalopie, qui permet à certains êtres de voir partout où le sang a coulé un jour. Le court texte de Claude Mamier, « La dernière charge des Fées noires », charrie une force visuelle assez impressionnante, qui transparaît déjà dans le titre. Sophie Dabat, avec « Démence, jouissance, délivrance », nous parle de la dépression et de la folie, dans un texte aux accents (faussement, on espère pour elle) autobiographiques. Folie aussi chez fredgev (« Lagavulin »), mais également hommage au film noir, dans un cadre particulièrement original ou tout, des personnages aux lieux, porte le nom de marques de whisky. Léo Lamarche nous bouleverse avec un hommage à une grand-mère, récit sans aucun élément imaginaire (« Je ne t'oublierai jamais »). Enfin, ce qui fait le charme de « Constance Lolita », de Michèle Sébal, tient à la truculence de sa narratrice.
Mais, s'il faut trouver le meilleur texte d'Identités, il faut à mon sens le chercher du côté de Lionel Davoust, « Bataille pour un souvenir », car il part d'un postulat sublime - — des guerriers qui, pour acquérir un surplus de force sur le champ de bataille, acceptent de se dépouiller progressivement de leurs souvenirs les plus heureux — — et l'exploite de manière très satisfaisante.
Bref, vous trouverez vous aussi des textes qui vous plairont, d'autres qui vous feront bailler, d'autres qui vous énerveront : c'est le principe d'une anthologie, et celle-ci ne déroge pas à la règle. Il faut toutefois signaler qu'au-delà des thématiques différentes et de la diversité des traitements, ce livre est d'une grande homogénéité, fait assez rare pour ne pas le signaler. Pas de chef-d'œuvre impérissable, ni de texte vraiment nul (ah si ! un, d'un niveau moins que fanique, mais dont ne dévoilera rien pour que vous vous fassiez votre idée par vous-même, quitte à en trouver un autre selon vos goûts), mais plutôt une grande quantité de textes moyens, solides sans être époustouflants ou imparfaits sans être déshonorants, avec les quelques bonnes surprises citées ci-dessus. Si l'on devait trouver un léger défaut à cet ouvrage, c'est donc sans aucun doute celui de ne pas avoir davantage resserré le choix des nouvelles : expurgée d'une demi-douzaine à une dizaine de titres, Identités aurait été une anthologie très solide. En l'état, elle fait plutôt œuvre de défrichement, donnant au passage l'occasion à plusieurs auteurs, peu publiés jusqu'à présent, de se voir publiés aux côtés d'écrivains nettement plus connus.