Critiques
Pourquoi la plupart des histoires fantastiques pour adolescents et enfants sont-elles écrites par des femmes ? Parce qu'une mère sait trouver ou retrouver les thèmes, les mots qu'il faut ? Peut-être... En tout cas, la collection « Castor Poche », dont beaucoup de titres relèvent du fantastique, nous offre en ce début d'année deux bien jolis livres qu'on peut lire à partir de 10-12 ans, et auquel on peut prendre du plaisir avec un certain nombre, ou un nombre certain de décennies en plus... Si j'étais moi part d'un postulat éprouvé : l'échange de personnalités : Ben, 12 ans, en instance de départ pour une colonie de vacances éprouvante, se retrouve dans le corps de son père, 44 ans, au moment où celui-ci, qui travaille dans le cinéma, aborde un cap difficile de sa carrière. Et vice versa. Postulat « magique », parce que posé comme tel et jamais expliqué, mais qui permet à l'auteur de brosser un amusant catalogue des gaffes que Ben peut faire projeter dans le monde des adultes (il y a une satire de l'arrivisme gentiment troussée), et des problèmes personnels qu'il a à surmonter (se raser : une des séquences les plus hilarantes). Le portrait du père dans le corps de l'enfant est moins passionnant (c'est en tout cas un avis de lecteur adulte !), mais l'autre face du récit va jusqu'à frôler des situations qu'un Heinlein aurait abordé de front : le fils-dans-le-corps-du-père va-t-il devoir commettre l'inceste ? Le père-dans-le-corps-du-fils va-t-il redécouvrir les amours enfantines ? Ouf ! J'ai dit frôler seulement, et tout rentre dans l'ordre corporel à quelques pages de la fin de ce très réussi roman, qu'une patte ultra-professionnelle sauve de la mièvrerie et de l'à-peu-près. Très différent est Le plus délicieux des délices, quête moyenâgeuse d'un jeune ménestrel (douze ans également), qui doit enquêter dans le royaume au sujet des goûts culinaires des sujets de sa majesté, à seule fin que le monarque puisse donner son aval à la définition du mot délice, pour un dictionnaire en train de se faire. Un complot contre le roi échouera grâce à l'action du petit troubadour, aidé par une sirène. Le livre démarre bien, mais s'embourbe assez vite dans l'anecdote (de multiples rencontres trop vite enlevées) et la morale (les fauteurs de guerre seront punis). Tel quel, ce conte coloré peut néanmoins se lire avec une petite nostalgie sous la langue. Jean-Pierre ANDREVON (lui écrire) (site web) Première parution : 1/6/1986 dans Fiction 375 Mise en ligne le : 7/11/2008
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