Le fait que ce recueil se compose de treize nouvelles est-il ou non symbolique ? Je suis fortement tenté de penser que oui, car l'auteur semble très porté sur l'aspect extérieur des choses et sur la symbolique...
Cet intérêt pour l'aspect extérieur se traduit d'abord dans la forme des nouvelles : Yann Gaillard semble avoir considéré chacun de ses textes comme un exercice d'écriture, et pour cela s'est donné à chaque fois une contrainte... Une nouvelle écrite à la première personne du singulier, une autre écrite à la seconde personne du singulier (en grande partie à l'impératif), une qui n'est constituée que par une longue conversation, une autre encore qui est totalement épistolaire, et ainsi de suite... Un documentaire, une retranscription de conversation, chaque nouvelle part sur des bases formelles différentes.
L'extériorité, c'est aussi celle de l'auteur : même lorsque la première personne du singulier est utilisée, l'auteur semble n'être qu'une simple caméra, retransmettant fidèlement mais froidement les événements. Les personnages eux-mêmes prennent de la distance par rapport à ce qui peut leur arriver... Le « je » de la première nouvelle (du titre du recueil) ne fait que témoigner, sans ressentir d'émotion particulière pendant la plus grande partie du texte ; la femme de Ecoute battre ton cancer considère sa maladie comme un être extérieur à elle-même ; les enfants de Chiens d'aveugles ne vivent la réalité qu'en se la racontant dans le noir...
Symboliques, ces textes le sont aussi, qui ne donnent jamais directement d'éléments pour leur compréhension, mais seulement des pistes, des traces. Au lecteur de deviner le contexte d'après les événements. Le lecteur n'aura par contre aucune difficulté pour considérer les nouvelles réunies ici comme relevant du fantastique, et même, parfois, de la SF (c'est le cas à mon avis du très beau Chiens d'aveugles). Mais il ne s'agit pas bien entendu d'un fantastique classique, les monstres sont humains, les dangers sont actuels... Du fantastique néo-formaliste ? On pourrait effectivement coller une telle étiquette au recueil de Yann Gaillard, avec les dangers que cela comporte. L'adéquation qu'on trouve dans L'amateur d'épouvante entre la forme du texte et son contenu (si ce n'est sa chute) insolite, la froideur de son approche, aussi, m'ont fait souvent penser aux nouvelles de Michel Lamart. Une comparaison qui en vaut une autre et pourra éclairer les lecteurs sur le genre de ces nouvelles.
Des textes hors du commun, en tout cas, et un recueil à explorer lentement, petit à petit, sous peine d'égarement dans les froides machineries de Yann Gaillard.
André-François RUAUD (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/7/1986 dans Fiction 376
Mise en ligne le : 7/11/2008