Une femme qui sait concilier son statut d' « auteur fantastique » avec les faveurs du plus large public et celles de ses Éditeurs, lesquels ne la publient d'ailleurs pas en collection spécialisée. Un écrivain qui, de surcroît, fait dans la nouvelle — longueur dite peu prisée des lecteurs francophones — et connaît les honneurs de la réédition en format populaire (Les plumes du corbeau et Vous avez dit horrible sont en Livre de Poche). Voilà, a priori, le cas surprenant et rare de Jehanne Jean-Charles.
On aborde donc son nouveau recueil, La nuit de l'engoulevent, avec curiosité et désir de comprendre. Vingt et un récits brefs allant de l'humour très noir au fantastique poétique, comme l'annonce la quatrième de couverture. Et l'on lit alors cette enfilade de squelettes de récits point effrayants du tout. Des histoires à chute, aussi simples que leur style, évoquent au plus souvent un monde de riches superficiel, tel qu'en des magazines de mode vite lus puis jetés. Un monde peu crédible, qu'une surprise de convention veut clore en beauté. Sous couvert de brio se pressent en effet là les poncifs du Vermot pervers : des profanations vues par les yeux d'une morte, le valet qui se veut maître, la grande femme du monde qui joue le jeu maso de la servante punie puis violentée, un club de spirites, la passion mortelle d'un jeune homme pour une belle fée, ainsi de suite. En finale, un meurtre machiavélique mais attendu, dont l'auteur ne craint pas de se faire la victime. Des stéréotypes de fantastique, fort digestes et reconnaissables par un vaste public, c'est donc ça la recette. On referme le livre, plus de quoi s'étonner.
Alain DARTEVELLE
Première parution : 1/7/1986 dans Fiction 376
Mise en ligne le : 7/11/2008