FAYARD
(Paris, France) Dépôt légal : décembre 1985 Première édition Essai, 464 pages, catégorie / prix : 160 F ISBN : 2-213-01676-3 Genre : Fantastique
« Le fantastique serait-il aujourd'hui désamorcé ? Mais en quoi consistait l'amorce ? La terreur, les ténèbres, le magique, tout ce qui se présente comme rare, exceptionnel, mais que les auteurs ont donné comme vérité vraie ?
« Où est l'amorce ? Où est l'incendie ? Quand le mystère est découvert, il faut le transporter ailleurs et le cacher à la vue des profanes. Le fantastique reste un secret, quelque chose que l'on devine, mais qu'on ne pénètre jamais. C'est toujours ailleurs qu'il se tient.
« S'il a perdu les apparences inquiétantes sous lesquelles il se produisait jadis, les diableries, les vampires et les morts-vivants, c'est parce qu'il se manifeste en nous de façon obsédante, sournoise et tout aussi terrifiante. »
Marcel Schneider, né à Paris en 1913, est agrégé de Lettres. Il quitte l'enseignement en 1960 pour se consacrer à la littérature et à la musique. Il a publié un Schubert et un Wagner dans la collection « Solfèges » des éditions du Seuil et chez Grasset des romans et des recueils de nouvelles qui relèvent tous du merveilleux et du fantastique (Le Guerrier de pierre, Mère Merveille, Les Colonnes du temple, La Lumière du Nord, Histoires à mourir debout). Sa biographie de Hoffmann (Julliard) et son Histoire de la littérature fantastique en France précisent l'orientation de sa pensée. A la suite de différents prix, il a reçu en 1980 pour l'ensemble de son oeuvre le Prix Pierre de Monaco.
Critiques
Avec la réédition de ce livre de 1964, Marcel Schneider en donne plus qu'il n'en annonce, et il y a là quelques irrésolutions de sa part.
D'emblée, sa préface date avec précision le mouvement fantastique en France : de 1825 (sous l'impulsion d'Hoffmann) jusqu'à 1870. Pourtant, ce fantastique annoncé en couverture n'occupe qu'une centaine des 442 pages de l'étude, laquelle s'étend du Xlle siècle à nos contemporains, et analyse bien des manières connexes : merveilleux, féerie, frénétique, symbolisme, décadent, surréalisme, j'abrège.
Par ailleurs, ce travail thématique en principe limité à la France fait la part belle et obligée à plusieurs influences extérieures : Hoffmann, le roman noir anglais, Poe, Kafka, Beckett. Et puis, en passant, Maeterlinck, Franz Hellens et Jacques Sternberg sont des écrivains belges. On ne peut donc parler d'une approche strictement centrée sur un domaine national, même s'il est vrai que le français a la tête plus fantastique qu'il n'y paraît. Et afficher « histoire de l'irrationnel en littérature » aurait mieux mis en rapport contenant et contenu.
De plus, l'appellation « irrationnel », pour vague qu'elle soit, a le mérite d'être englobante, d'éviter les querelles individuelles ou de chapelle qui ont tant fait couler d'encre autour des définitions de genres et sous-genres compartimentés à outrance. Voir les joutes de Caillois, de Todorov, de Louis Vax sur la notion de fantastique. Et de Schneider lui-même, tellement passionné par son champ de prédilection qu'il écorche en finale la consœur science-fiction, la disant inféodée à la science et de piètre valeur littéraire. Tout cela sent ses années 60.
Ces mises au point faites, on ne se plaindra pas de l'ambition d'un tel livre. Plus qu'une histoire exhaustive, il se présente comme une suite structurée de monographies remises à jour parmi lesquelles papillonner, au gré de son plaisir et à l'aide d'un index qui regroupe quand même plus de 800 noms. Excellente introduction à un domaine aussi repérable qu'un archipel flottant.