Brigitte Aubert et Gisèle Cavali avaient, jusqu'alors, uni leur art du récit pour construire des histoires policières destinées à un public Jeune.
Brigitte Aubert, en solo, nous a régalés de nombre d'intrigues de polars et de thrillers écrits pour un public adulte. Mais n'a-t-elle pas prouvé une insatiable curiosité en multipliant les incursions dans d'autres volets de cette littérature ? Elle a ainsi, en conservant une intrigue forte de nature policière, abordé le suspense psychologique, l'épouvante, l'espionnage, la terreur, le gore, l'aventure, en passant par l'humour... Elle a fait une intrusion remarquée dans l'horreur et le fantastique avec son diptyque Jacksonville où elle libère avec humour les conventions du genre et des morts-vivants ...très attachés à la vie.
Dernièrement, elle a mis le polar historique à son arc avec la parution simultanée de deux volumes d'une série se déroulant dans les milieux des inventeurs du cinéma, parus dans la collection Grands Détectives des éditions 10 x 18.
Les Cavaliers des Lumières lui permettent d'aborder, avec sa complice « es-crimes » un nouveau volet de la littérature de genre : la fantasy.
Théodora avait dix ans quand sa mère est morte, renversée par une voiture. C'est seulement le lendemain de l'incinération qu'elle retrouve le jeu offert par la défunte, il y a quelques mois. Depuis, elle passe beaucoup de temps à jouer avec Les Barbarians Killers, en réseau sur Internet. Elle va, sous le pseudo de Fennec des Sables, accéder à l'ultime niveau, où ils ne seront que cinq élus à combattre l'armée de l'Obscur. Mais son père, excédé par les piètres résultats scolaires décide de supprimer l'usage de l'ordinateur et l'accès au réseau.
Cependant, Théo se pose des questions sur le jeu. Sa fréquentation est-elle sans danger ? Ne commence-t-elle pas à avoir des hallucinations ? Ainsi, elle voit un Barbarian prendre possession de sa prof de maths, la détruire psychiquement sous couvert d'une rupture d'anévrisme. À peine remise de ses émotions, elle attend le bus pour rentrer chez elle. Là, elle assiste, impuissante, à la mort d'une jeune femme, ressemblant à sa mère, poussée sous un 4 x 4 par une main gantée d'acier articulée et munie de longues griffes. Mais elle est la seule à avoir aperçu la voiture meurtrière, pour les témoins, elle a heurté le bus qui arrivait... Peu à peu, le monde virtuel entre dans son univers.
En cachette de son père, elle communique avec les autres « élus » et apprend que l'un d'eux a assisté à un accident similaire.
Mais tout se bouscule lorsque son père est victime, à son tour, d'un accident de voiture et qu'il est emmené aux urgences. Si, au début, elle trompe son monde, faisant croire qu'il reste sa grand-mère pour s'occuper d'elle, très vite elle est prise en charge par les services sociaux de l'hôpital et envoyée, le temps du traitement de son père, sur l'île de Wight. Là, elle va faire des rencontres qui vont changer totalement une existence déjà bien mouvementée et l'entraîner dans un maelström de révélations, d'actions et de péripéties.
Dans le présent tome, La Voie des Chimères, Théodora laisse la vedette à un jeune garçon connu dans le jeu comme Dream Song le pseudo d'Owen. Celui-ci vit, avec ses parents adoptifs, dans le bush australien. Il est confronté, d'une autre manière, aux tentatives d'intrusions des Barbarians qui reportent leurs efforts d'invasion sur lui, n'ayant pas réussi à circonvenir les défenses de Théo. Celle-ci est d'ailleurs dans une situation perturbante. Elle a été incarnée, au cœur de l'Australie, dans son animal fétiche, le Fennec. Owen, avec l'aide de Bruce, un chaman aborigène, se découvre des capacités étonnantes liées à sa véritable personnalité. Par suite d'une erreur du garçon, Yamider, le grand Chancelier des Barbarians réussit à prendre pied sur la terre australienne ! Théo peut-elle retrouver son intégrité physique ?
On connaissait déjà l'imagination féconde des deux auteurs. Mais là, c'est un festival, un feu d'artifice, une éruption, un débordement ! ! ! Est-ce que libérées des contraintes imposées par la cohérence d'une intrigue policière, elles ont lâché la bride à leurs capacités créatrices ? Il en résulte que les actions virevoltent, papillonnent, s'enchaînent avec un rythme effréné. Elles nous offrent une histoire passionnante, une intrigue musclée où l'intérêt ne fléchit pas. Elles s'autorisent, pour notre plus grand plaisir, des péripéties audacieuses, qui dans un autre contexte sembleraient rocambolesques, mais qui dans le fil du récit, (un récit de fantasy bien sûr) semblent naturelles. C'est drôle, c'est vif, c'est un récit mené à un train d'enfer. Outre l'action, elles nous font entrer, à travers les aventures d'Owen, dans la civilisation aborigène de façon ludique. Et c'est passionnant
Les Cavaliers des Lumières sont une réussite de plus à mettre à l'actif des auteurs.
Serge PERRAUD
Première parution : 14/1/2009 nooSFere