Kate Daniels exerce le dangereux métier de mercenaire. Dans un monde qui subit successivement des vagues de magie sauvage et de technologie, et où les expériences des apprentis sorciers dérapent régulièrement, elle devient souvent l’ultime recours. Certes, dans ce type de situation, tout un chacun peut faire appel à l’Ordre des Chevaliers de l’Aide Miséricordieuse. Surtout qu’après une simple signature au bas d’un contrat, l’Ordre met à votre disposition toute l’aide nécessaire en ne réclamant qu’une contribution à la hauteur de vos moyens. Système parfait, non ? Eh bien, ne vous avisez pas d’oublier de lire les petits caractères. Avec votre accord, l’Ordre se garde aussi le droit d’apporter une solution radicale à votre problème, votre élimination ou celle de vos proches entrant dans les options possibles. Car que vaut une vie contre le bien-être du reste de l’humanité ?
         En plus d’être réfractaire à l’autorité, Kate n’apprécie pas du tout l’intégrisme de ce concept. Tournant le dos à l’organisation, elle a donc choisi d’exercer librement son art contre rémunération. Mais quand Greg Feldman, son tuteur et Chevalier Divin du Chapitre de l’Ordre d’Atlanta, est assassiné, la jeune femme surmonte son rejet pour participer à l’enquête. Naviguant entre les nécromanciens et les changeformes, notre héroïne va devoir sortir de sa solitude pour trouver des alliés et se découvrir pour mener à bien sa mission...

Petit conseil : ne vous arrêtez pas à la couverture pour vous faire une idée de l’histoire. Certes, la scène existe dans le roman mais le style du dessin ne rend pas justice au contenu du roman. C’est d’autant plus flagrant que le reste de la collection bit-lit de Milady est présenté de manière résolument plus moderne et sexy. Heureusement, l’éditeur a entendu les réclamations et a promis que la réédition serait publiée avec une nouvelle illustration.

Pour le reste, amateurs de crocs à la mode romantique, passez votre chemin. Ici, le suceur de sang est un humain à qui on a inoculé un virus et qui mute petit à petit en une vague chose humanoïde en totale rupture avec son existence précédente. Réduit à l’état de marionnette par la caste des nécromanciens, appelée Le Peuple, il se transforme en tueur sanguinaire quand son pilote en perd le contrôle. Cette créature est en opposition totale avec l’image tendance du vampire tourmenté aux désirs si humains qui a rendu célèbres Anne Rice et ses consœurs. 
         Ce premier tome tend plus vers l’urban fantasy pure que vers la bit-lit. En effet, il n’y a rien à attendre non plus côté cœur. À l’inverse de certains titres parus dans le même genre, on ne peut pas reprocher un délayage avec des scènes de sexe. Voici donc un concentré d’action et de révélations où les hésitations sentimentales de l’héroïne sont réduits à la portion congrue et ne viennent pas nous distraire du principal : la mise en place de l’univers et le développement de l’intrigue. Et c’est là la très grande force du récit.
         L’opposition entre technologie et magie participe activement au scénario et rend l’environnement plus complexe. Le questionnement des protagonistes, parfois aussi dépassés que nous par ce monde, permet d’obtenir en douceur les informations nécessaires au déroulement de l’histoire. L’écriture gagne ainsi en fluidité et le roman se lit presque trop rapidement…
         Tout au long du récit, notre mercenaire va devoir composer avec trois organisations distinctes : les changeformes partagent la vedette avec les nécromanciens et les Chevaliers. Les époux Andrews (eh oui, Ilona Andrews est une entité bicéphale !) nous plongent alors dans les us et coutumes du Peuple et de la Meute, deux groupes aussi indépendants que l’Ordre et répondant à leurs propres codes de conduite. Partagé entre la diplomatie et les coups d’éclat, le comportement de Kate a de quoi nous tenir en haleine. Entre les négociations et les rapports de force, chaque action apporte son lot de réactions... D’autant que la jeune femme semble vouloir à tout prix préserver le secret de son identité.

Et là, nos auteurs utilisent une bonne vieille astuce qui fonctionne parfaitement : ils ne mettent pas dans la confidence le lecteur qui se voit ainsi réduit aux conjectures sur tous les aspects du récit. Cela garantit de toute lassitude en gardant notre cerveau en éveil et en stimulant le plaisir de cette lecture. Visiblement, l’écriture à quatre mains permet de faire des merveilles…

Nathalie TELL
Première parution : 7/11/2010 nooSFere