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Fragment

Warren FAHY

Titre original : Fragment, 2009
Première parution : Delacorte Press, juin 2009   ISFDB
Traduction de Stéphane CARN
Illustration de Colin KEATES & SMARI

Jean-Claude LATTÈS (Paris, France)
Dépôt légal : mai 2009, Achevé d'imprimer : avril 2009
Première édition
Roman, 468 pages, catégorie / prix : 19.50 €
ISBN : 978-2-7096-3071-9
Format : 14,0 x 22,5 cm
Genre : Science-Fiction


Ressources externes sur cette œuvre : quarante-deux.org
Ressources externes sur cette édition de l'œuvre : quarante-deux.org

Quatrième de couverture
     Imaginez : il y a 500 millions d'années, un fragment du continent originel part à la dérive au coeur du Pacifique.
     Là, une faune et une flore frénétiquement vivantes vont se développer en suivant des règles d'évolution qui défient toutes les théories scientifiques.
     Et lorsque, de nos jours, un navire aborde pour la première fois cette île étrange — peuplée de formes de vie aussi dangereuses que stupéfiantes, le choc du face-à-face va nous conduire dans un monde que nul n'aurait pu concevoir.
 
     Passionné de sciences, Warren Fahy s'est appuyé sur de nombreux travaux — en particulier sur ceux de Stephen Jay Gould — pour écrire ce thriller environnemental époustouflant dans la lignée de Jurassic Parc.
Critiques
     En pleine Révolution française, en 1791, la corvette HMS Retribution, commandée par le capitaine Henders, donne la chasse aux mutins du Bounty qui, comme chacun le sait aujourd'hui, ont fini par s'installer sur l'île de Pitcairn. Croisant dans les immensités alors mal connues du Pacifique sud, limité au nord par la Polynésie Française, les possessions britanniques de Pitcairn et les îles chiliennes de Pâques, Sala y Gomez, San Felix et San Ambrosio, à l'est par la côte du Chili, à l'ouest par les îles néo-zélandaises des Chatham et des Kermadec et par l'Antarctique au sud, la corvette aborde une île inconnue, à laquelle le capitaine donne son nom, Henders, et où il perd un homme — attention de ne pas confondre l'île du roman, ceinte de hautes falaises et quasiment inabordable, avec l'île Henderson existant réellement à quelque 400 km environ au nord-est de Pitcairn.

     Isolée à plus de 2000 kilomètres de toute autre terre, dans les 40e Rugissants, loin des voies habituelles de navigation, l'île de Henders retourne à l'oubli jusqu'à ce que, de nos jours, elle soit de nouveau abordée par le Trident. Le Trident est un énorme trimaran de 180 pieds affrété par Sealife, une émission de téléréalité à prétexte scientifique. Il faisait voile vers Pitcairn quand il reçut un appel de détresse en provenance de l'île de Henders sur laquelle la botaniste — et héroïne du roman — Nell Duckworth désespérait de pouvoir poser le pied.

     Une équipe de tournage est donc amenée à pied d'œuvre. A peine débarquée, elle est immédiatement agressée et massacrée par la faune locale, d'une agressivité inouïe. Seuls Nell et le caméraman Zero Monroe s'en tirent d'extrême justesse. Le carnage ayant été retransmis en direct, le monde entier est au courant, y compris la Maison-Blanche et le Pentagone qui dépêchent sur place le porte-avion USS Enterprise et son escadre.

     L'île de Henders s'est détachée du super continent de Pannotia il y a plus de 500 millions d'années, au moment de l'explosion de la vie du cambrien. L'île n'est que ce qui reste d'une terre à l'origine beaucoup plus vaste qui s'est amenuisée au fil des éons. Sur cette île se sont développées des formes de vie toutes infiniment plus performantes, agressives et résistantes que celles du reste de la planète. Les espèces les plus invasives, les prédateurs les mieux armés du monde extérieur ne tiennent que quelques minutes face à la faune de Henders. Même la mangouste ne fait pas le poids, trop lente, trop tendre. Warren Fahy n'a pas confronté les tardigrades à Henders, mais même ces créatures dotées de capacités de résistance absolument incroyables sembleraient devoir s'incliner devant tant de crocs et de griffes. La faune de l'île ravale Alien au rang de bon gros nounours et Jurassic Park à un tranquille paysage de Toscane. C'est un écosystème exclusivement voué à la prédation. Tout bouffe tout. Si une seule de ces formes de vie venait à gagner le monde extérieur, celui-ci serait voué à une extinction aussi totale qu'inexorable.

     Il faut pousser assez loin la suspension de l'incrédulité pour apprécier ce roman. C'est en cela que Fragment s'avère davantage un roman de science-fiction plutôt qu'un thriller où l'effort tend vers une crédibilité maximale, à défaut de véracité. Fragment s'apparente donc plus à Téranésie de Greg Egan qu'à Jurassic Park de feu Michael Crichton. Que Warren Fahy ait choisi de nous conter ces événements jour par jour et heure par heure, voire minute par minute, n'y change strictement rien.

     L'opposition entre Geoffrey Binswanger et Thatcher Redmond, deux chercheurs en biologie environnementale aux comportements et aux conceptions radicalement différentes, est l'un des éléments les plus intéressants du roman. Thatcher est une sommité médiatique chassant le best-seller et la monnaie, surfant sur les modes quitte à arranger la science à sa sauce à lui ; le genre qui ne s'effraie d'aucun coefficient de corrélation. Tout ce que n'est pas Binswanger. Bien que tous deux écologistes, leurs théories s'opposent tout autant. Binswanger soutient que l'intelligence est ce qui peut permettre à l'homme de chercher à vivre en harmonie avec son environnement. Thatcher prétend au contraire que l'intelligence conduit inéluctablement à l'anéantissement de l'environnement. Pour lui, le pire est une probabilité, et ce n'est qu'une question de temps pour que toute probabilité finisse par se réaliser ; pourvu que ce temps soit supérieur à celui nécessaire pour profiter au maximum des retombées de ses best-sellers, peu importe. Et vous lirez pour voir jusqu'où est prêt à aller ce nouveau Lyssenko pour imposer ses théories, théories qui, malheureusement, tendent à proliférer comme des bactéries dans une boîte de Pétri ou des organismes de Henders lâchés dans la nature...

     Sans génie mais sans gros défaut, avec une tension dramatique assez soutenue au besoin par des ficelles un peu grosses, voilà un roman assez intéressant et, au demeurant, plutôt bon. Ce ne sera certes pas un nouveau jalon dans l'histoire des littératures de l'Imaginaire, mais pourquoi bouder son plaisir ?

Jean-Pierre LION
Première parution : 1/1/2010 dans Bifrost 57
Mise en ligne le : 8/7/2011


     Voilà quelque 500 millions d'années, l'antique supercontinent Pannotia a éclaté en quatre morceaux — Gondwana, Laurentia, Baltica et Siberia qui reformeront plus tard la Pangée — ainsi qu'en un cinquième fragment demeuré inconnu ! Cet obscur îlot, isolé de toute autre terre par 2250 kilomètres d'océan dans toutes les directions, n'a été abordé qu'une seule fois au cours de l'histoire humaine, en 1791 : ce que le capitaine Ambrose Henders, lancé à la poursuite des mutinés du Bounty, a entraperçu de l'île l'a incité à s'en détourner au plus vite...
     De nos jours, un vaisseau affrété par une émission de télé-réalité dotée d'un alibi scientifique passe à proximité de l'île de Henders, avec à son bord une biologiste bien décidée à étudier cet écosystème parfaitement préservé...

     Derrière un titre et une couverture bien fades — précisons que le machin en haut de l'illustration n'est pas une feuille de palmier — se cache un « voyage extraordinaire » assez percutant.
     On songe bien sûr au Monde perdu de Conan Doyle, et aux nombreuses histoires similaires, mais il existe d'emblée une différence de taille : l'évolution sur l'île de Henders a divergé dès le Cambrien — soit environ 300 millions d'années avant le Jurassique — et elle s'est poursuivie sans discontinuer. Autant dire que nos apprentis explorateurs ne vont pas à la rencontre de banals dinosaures qui auraient survécu par miracle dans une vallée abandonnée. Ce qu'ils vont découvrir dépasse l'imagination : une faune totalement inédite et d'une férocité hallucinante, dont le métabolisme fondé sur le cuivre — et non sur le fer — ressemble à celui de certains crustacés. L'appui de l'armée américaine deviendra vite nécessaire.
     La comparaison avec Jurassic Park établie par la quatrième de couverture est de même imparfaite : l'évolution s'est ici déroulée de manière tout à fait naturelle, sans aucune intervention humaine. Certes, certaines scènes d'action peuvent paraître voisines, mais il ne s'agit que d'une ressemblance superficielle commune au genre — on pourrait aussi citer King Kong dans la version de Peter Jackson.

     Indiscutablement, les trois premiers quarts du livre se montrent d'une redoutable efficacité, notamment dans les saisissantes descriptions de cet incroyable univers animalier — fourmis-disques, rats de Henders, spider-tigres... — et dans l'évocation de leur frénésie prédatrice — qui peut rappeler celle de la faune extraterrestre de L'Ecorcheur, de Neal Asher.
     Avec une action au rythme soutenu, avec ce qu'il faut de considérations biologiques, zoologiques ou éthologiques pour instruire et émerveiller le lecteur sans le noyer, avec une peinture du monde scientifique opposant — de manière sans doute un peu caricaturale — les vrais chercheurs de l'ombre et les pseudo sommités médiatiques, avec quelques théories audacieusement provocatrices — la mort n'aurait pour but principal que d'éviter l'inceste intergénérationnel — , Warren Fahy réussit sans peine à faire de son roman un thriller énergique et captivant. On n'y cherchera évidemment pas une finesse psychologique étourdissante, mais on y trouvera au moins un hommage ludique à Darwin ainsi qu'un rappel sur les risques à faire se rencontrer des écosystèmes séparés, comme nous l'expose l'introduction.
     En revanche, le dernier quart m'a paru moins convaincant. L'ultime forme de vie rencontrée sur l'île manque cruellement de crédibilité : il aurait fallu que l'auteur en développe notablement la présentation et surtout son interaction avec le reste de la faune pour qu'on puisse y adhérer. Dommage, son contact avec les humains frise vite le ridicule, mais heureusement l'impression d'ensemble n'en sort que modérément altérée.

     Voilà donc un sympathique cocktail d'action et de science qui nous offre du grand spectacle très « cinématographique » — de ce point de vue, la comparaison à Jurassic Park reste par contre tout à fait pertinente. Si les allergiques au duo Crichton/Spielberg peuvent passer leur chemin, ceux qui aiment en prendre plein la vue apprécieront à coup sûr le voyage.

Pascal PATOZ (lui écrire)
Première parution : 8/6/2009 nooSFere

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