Cléone Cartel, orpheline à onze ans, a été éduquée par Draco, l'IA du Quetzal, un vaisseau conçu pour des prospecteurs indépendants. Mais la prospection cantonnée dans les zones planétaires n'est guère rentable et la jeune fille a besoin d'argent pour moderniser un vaisseau bien vieillissant. Elle travaille donc à passer un examen qui lui donnera le permis d'exploration hors système.
Aussi, l'arrivée d'une météorite qui endommage la voile solaire est-elle vécue comme une catastrophe. Plutôt que de demander un secours onéreux, elle décide de sortir pour dégager sa voile et regagner, aux moteurs, Lunik1, une station spatiale où elle pourra faire réparer. Elle découvre, non pas un gros caillou, mais une capsule de survie ...avec quelqu'un dedans !
Draco, en totale contradiction avec sa nature, décide de renvoyer l'engin dans l'espace sans porter secours au passager. Cléone se révolte et ramène un garçon qu'elle fait soigner par son endoDoc. Or, la capsule porte le logo de la DeltaGen, une multispatiale à la réputation sulfureuse et terrifiante.
La situation commence à se gâter quand son passager lui révèle son identité. Il s'agit d'Éara Arusha, un des membres de la famille qui contrôle DeltaGen. Peu à peu, soutirant à grand peine les confidences du garçon, Cléone comprend qu'elle s'est mise dans une foutue panade. Éara, avec ses parents, étaient en route pour ÉdeN, lui pour passer des vacances avec son cousin, ses parents pour vérifier le bien-fondé de l'installation d'une agence de la société sur une planète à contrat écol. Leur vaisseau furtif a été attaqué et sa mère n'a eu que le temps de le mettre dans une capsule avant de...
Jeanne-A Debats a retenu, pour son premier roman, le thème très actuel de l'écologie, mettant, au cœur de son intrigue, une planète qu'il faut protéger des griffes d'une société à l'appétit féroce.
Elle choisit, pour héroïne, une adolescente au caractère trempé, issue d'une filiation dont la réputation n'est plus à faire dans la catégorie des caractères difficiles. Mais le patronyme de Cléone est-il choisi par hasard ? Elle l'a place en situation de se débrouiller seule, de devoir gagner sa vie avec pour seul soutien une IA à la capacité éducative reconnue. Puis elle l'expédie au milieu d'un complot de taille interplanétaire, face à une société dont le nom fait frémir. On peut s'étonner qu'à 15 ans, Cléone soit aussi autonome. Mais dans nombre de sociétés, hors notre civilisation de type occidental, c'est l'âge d'un adulte confirmé.
L'auteur élabore un récit structuré autour de quelques personnages dont elle développe les caractères de façon intéressante, définissant des relations finement observées.
Si DeltaGen reste une entité fictionnelle, on ne peut s'empêcher de trouver quelques ressemblances frappantes avec des multinationales bien réelles. Celles-ci oeuvrent dans notre environnement sans autres soucis que le profit immédiat, la volonté aveugle et débile d'entasser, pour une infime minorité, des richesses indécentes, voire obscènes.
L'auteur, cependant, mêle à la tension de son intrigue, une bonne dose d'humour. Elle signe des dialogues pétillants entre l'IA et la jeune fille, des réflexions acidulées dans ses rapports avec les deux principaux héros, Éana et Philippe.
ÉdeN en sursis conjugue avec bonheur l'aventure sur une planète étrangère, l'écologie et ses fondements humains, les manipulations génétiques et les Intelligences Artificielles.
Après La vieille anglaise et le continent, une nouvelle qui fit l'effet d'un coup de canon dans le paysage de la SF francophone, Jeanne-A Debats livre un roman profond, riche en réflexions, tout en sauvegardant l'espoir et l'humour.
Serge PERRAUD
Première parution : 8/10/2009 nooSFere