« Je suis le gouverneur Tamara Whalings. Récemment nommée sur la planète-océan Aquatica, je me trouve confrontée à une situation tendue : sur ce monde, les humains cohabitent avec leurs anciens ennemis, les Reens. Peu de temps après mon arrivée, des événements étranges se produisent et les extraterrestres sont rapidement accusés. Mais je pense que la menace qui nous guette est bien plus grande. Pour découvrir de quoi il retourne, je vais risquer non seulement ma carrière, mais probablement ma vie. Peu importe. Je sais que l’enjeu est de taille. Je fais des cauchemars de plus en plus terribles chaque soir : je rêve de batailles, de mondes détruits. Et si la réponse à toutes ces peurs se trouvait au fond des océans d’Aquatica ? »
La première idée qui vienne à l'esprit, lorsque l'on lit le livre de Corinne Guitteaud est qu'elle semble s'être inspirée à la même source que David Brin, l'auteur de Marée Stellaire, Elévation ou Rédemption. Énumérons d'abord les ressemblances superficielles. Aquatica, tout d'abord, est une planète très éloignée de la Terre, où les humains s'efforcent d'établir un équilibre écologique fragile et perpétuellement menacé. On reconnaît ici la Garth d'Elévation. Comme son nom l'indique et comme la Kithrun de Marée stellaire, c'est un monde essentiellement nautique, un paradis pour les dauphins et les baleines. Dauphins et baleines qui y jouent d'ailleurs un rôle déterminant et sont pour beaucoup, comme chez Brin, dans la découverte des véritables origines de l'humanité. Toujours comparables, le mélange de l'intrigue politique et des jeux de l'amour, ou l'importance du rôle féminin (Tamara ayant bien des traits psychologiques communs avec l'Athacléna d'Élévation) dans l'entrejeu des personnages.
Mais au-delà de ces similitudes de surface, il faut aller chercher au coeur de la vision du monde la ressemblance la plus significative entre les deux auteurs. Guitteaud, comme Brin, développe une représentation de l'univers fondée sur l'existence de liens de sujétions entre les différentes espèces pensantes. Chez les deux auteurs, de mystérieux progéniteurs, dont le souvenir s'est fait mythe depuis déjà bon nombre d'éons, ont « semé » un peu partout le germe de la conscience, puis s'en sont allés Dieu seul sait où. Comme chez Brin, les vieilles civilisations ont asservi les nouvelles à mesure de leur apparition, les amenant sous leur tutelle à un stade plus élevé, et les transformant par là-même en esclaves ou en bouffons, gaspillant leurs possibilités et leurs talents. De la même manière encore, elle nous présente les humains comme une race de jeunes loups, qui se sont développés à l'écart du tumulte des Clans, par tâtonnements successifs, y gagnant du même coup une sensibilité, une créativité, dont les autres espèces semblent dépourvues. Enfin, c'est la découverte des reliques des progéniteurs qui déclenche l'intrigue et conduit à son dénouement.
Il ne faudrait pas croire, à l'heur de ce qui précède, que Corinne Guitteaud se contente de plagier l'oeuvre de David Brin. Car c'est une histoire toute différente qui nous est racontée dans ce contexte galactique commun. Tamara, tout d'abord, n'est pas comme Athacléna la fille d'un ambassadeur terrien, mais un jeune gouverneur tenaillée par l'ambition, et par le désir de prouver aux autres, ainsi qu'à soi-même, qu'elle vaut bien plus que la simple « beauté exotique » que tous les hommes rêvent de mettre dans leur lit. Ce caractère volontariste, qui se heurte en permanence aux aléas de l'existence et aux rôles que l'on veut lui imposer, traverse ce roman de part en part et lui donne à la fois ses forces et ses faiblesses. Ses forces, parce que Tamara ne recule jamais devant l'action et que le livre y gagne un dynamisme fort appréciable à la lecture. Ses faiblesses parce qu'un tel caractère se combine mal avec la vie sentimentale que Corinne Guitteaud semble tenir à lui donner, ce qui lui confère parfois le caractère excessivement mièvre d'un roman Harlequin. Tamara et Ethan, dont chacun devine dès la vingt-cinquième page qu'ils vont finir dans le même lit, s'attirent et se repoussent avec une régularité affligeante. Leur magnétisme est celui des aimants plutôt que des amants : sitôt que l'un d'eux se retourne, sa polarité s'inverse...
L'intérêt principal du livre, sans nul doute, réside dans sa dimension de space opera : les relations entre les espèces, les réactions des humains à l'altérité, le poids du politique face à l'opinion, etc. Certaines idées, comme le Plan de l'Oeuf, présentent un intérêt certain. D'autres, comme l'apparence séraphique prise par les Célestes, sont trop teintées de mysticisme pour être totalement crédibles dans un monde à la fois si technologique et si proche de la simplicité naturelle. L'amélioration du roman au fil des pages, à mesure que la perspective s'élargit grâce à l'entrée en scène de nouvelles espèces, doit nous faire espérer que les deux prochains tomes annoncés auront su se débarrasser des scories psychologisantes qui encombrent celui-ci et s'orienteront vers le développement des relations entre les clans. Un livre à conseiller, malgré ses faiblesses, aux amateurs de grands space operas.
Plus de deux décennies après la guerre contre les Reens, ces extraterrestres qui ont bien failli sonner le glas de la race humaine, Tamara Whalings, jeune femme dynamique, vient prendre ses fonctions de gouverneur sur Aquatica, la planète-océan. La tâche n'est pas facile ; la grogne règne chez les aquaculteurs, la Communauté Reens fait l'objet d'une grande xénophobie de la part de la population d'Aquatica, et l'administration semble déterminée à geler le jeu diplomatique. Pourtant, un nouvel envahisseur est aux portes de la petite Fédération humaine ; et les ennemis du passé vont devoir s'allier pour combattre, ou disparaître à jamais.
Les œuvres basées sur le milieu marin et ses fascinants habitants tombent très souvent dans deux défauts fatals : l'ignorance scientifique d'une part, et le mysticisme halluciné d'autre part. Corinne Guitteaud évite brillamment ces deux écueils ; et cela en soi est déjà suffisamment rare pour être signalé. On sent bien qu'elle a réalisé un impressionnant travail de recherche et de documentation sur le milieu marin, sur sa biologie et son économie ; et elle ne commet quasiment aucune erreur. Mais surtout, et c'est là un véritable tour de force, elle parvient à communiquer au lecteur la poésie de la mer, mais sans jamais verser dans des excès de lyrisme.
La mise en scène de l'intrigue est également très bien menée. On suit avec un grand intérêt le jeu politique au cours d'un récit bien orchestré (bien que le recours au deux ex machina soit peut-être un peu trop marqué par moments). Les personnages, sans être follement originaux, sont particulièrement vivants, tragiquement humains, et très attachants.
Mais... car il y a toujours un mais... le livre s'essouffle un peu au cours du récit. La première partie, où Tamara découvre Aquatica et ses habitants, est excellente ; le lecteur est tenu en haleine de chapitre en chapitre, sans relâche. La seconde partie, relatant la guerre acharnée que mènent les habitants d'Aquatica à leur nouvel ennemi, est en revanche beaucoup moins originale, et moins fignolée. On aurait, de loin, préféré que le livre prenne son temps ; l'intrigue, patiemment mise en place, et avec délicatesse, se dénoue alors beaucoup trop vite.
Mais d'autre part, et surtout, on sent de manière beaucoup trop pesante les auteurs dont Corinne Guitteaud s'est inspirée, en particulier J.M. Straczynski ; les parallèles entre Babylon 5 et Aquatica sont vraiment beaucoup trop nombreux, bien au-delà du raisonnable, allant jusqu'aux détails les plus mineurs. C'est particulièrement irritant... et c'est un euphémisme.
Et cependant ! La magie opère. Corinne Guitteaud fait preuve d'une aisance de narration peu répandue ; elle arrive à susciter une étincelle de vie dans son livre, qui incite à faire abstraction de ces scories. Voilà certainement un auteur qui, si elle parvient à corriger ces quelques défauts de jeunesse, a un très bel avenir devant elle.