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La Fin du Monde tombe un jeudi

Didier VAN CAUWELAERT

Cycle : Thomas Drimm  vol. 1 


Illustration de Jean-François FARION

ALBIN MICHEL Jeunesse (Paris, France)
Dépôt légal : octobre 2009
Première édition
Roman, 400 pages, catégorie / prix : 18 €
ISBN : 978-2-226-19366-7
Genre : Science-Fiction


Quatrième de couverture
« J'AI 13 ANS MOINS LE QUART
ET JE SUIS LE SEUL
À POUVOIR SAUVER LE MONDE.
SI JE VEUX. »


     Dans une société sous contrôle total où le jeu règne en maître, un ado se retrouve détenteur d'un secret terrifiant, qui déchaîne contre lui les forces du Mal... et celles du Bien.
     Tiraillé entre la femme de ses rêves et un vieux savant parano réincarné dans un ours en peluche, Thomas va découvrir, de pièges en rebondissements, l'exaltant et périlleux destin d'un super-héros à mi-temps.

     Course contre la montre et voyage initiatique, cette première aventure de Thomas Drimm, au suspense haletant et à l'humour féroce, a tout pour passionner les lecteurs de douze à cent douze ans.

     Didier van Cauwelaert, prix Goncourt pour Un aller simple, a vendu plus de 5 millions de romans traduits dans une trentaine de langues.
Critiques
     Thomas, gros adolescent de presque treize ans, peu doué pour les études, tue par accident un vieux savant, dont l'âme vient alors hanter le nounours du garçon. Le vieillard devenu peluche désire convaincre Thomas de sauver le monde en détruisant le bouclier d'antimatière qui protège les Etats-Uniques du reste de la planète...

     Ecrit par Didier van Cauwelaert — entre autres prix Goncourt — , voici un roman jeunesse qui va probablement rencontrer un certain succès. Au moins, si j'en crois les extraits critiques rassemblés sur le site dédié http://www.thomasdrimm.com/critiques.php 1. Pour le magazine Lire, ce livre serait « un Harry Potter avec l’humour du Petit Nicolas, qui s’adresse autant aux ados qu’aux parents. » Pas moins !
     En contrepoids à cet enthousiasme, on me permettra de juger beaucoup plus sévérement ce roman qui, à mon avis, aurait eu du mal à se faire publier en l'état sans la notoriété déjà acquise de l'auteur.

     Il contient pourtant quelques idées intéressantes, notamment dans la peinture de cette société où les religions sont interdites et le hasard vénéré. Dans cette « ludocratie », le jeu est obligatoire et préside aux destinées. Le sport le plus populaire, le man-ball, se montre d'une aussi féroce violence que le Rollerball (W. Harrison) et ses champions peuvent devenir des hommes politiques de premier plan.
     De plus, chaque individu porte une puce dès l'âge de treize ans — Thomas n'en possède donc pas encore — , ce qui permet un contrôle absolu de la population.
     Bref, il s'agit d'une dystopie assez classique, avec un potentiel certain. Hélas, ses diverses composantes ne sont d'aucune véritable importance dans le déroulement de l'intrigue.

     Car cette dernière accumule des situations de plus en plus invraisemblables, jetées à la volée sans souci de cohérence interne, au point que la suspension d'incrédulité si nécessaire au lecteur de SF peine à fonctionner. Par exemple, les puces implantées se chargent d'une énergie proportionnelle à l'activité ludique ; cette curieuse énergie est récupérée à la mort de l'individu, entre autres pour générer le bouclier d'antimatière ; les âmes, prisonnières dudit bouclier, ne peuvent plus quitter la Terre ; une âme peut actionner la matière et faire marcher une peluche ; il existe une hormone inconnue, l'ubiquitine, capable de miracles sur l'organisme humain ; les méchants de l'affaire peuvent surveiller et communiquer avec Thomas dans ses rêves ; etc. En soi, ces diverses idées pourraient fonctionner si elles étaient un tant soit peu justifiées et crédibilisées, mais l'auteur se contente de les sortir de son chapeau au fil d'une imagination certes fertile mais assez peu rigoureuse. A partir dans tous les sens, l'intrigue ne mène plus nulle part.

     Plus grave, le propos même de l'oeuvre me paraît peu adapté à un récit a priori destiné à des lecteurs de 10 à 14 ans — pas plus.
     Par exemple, en choisissant un jeune garçon en surpoids, mal inséré dans une société qui se veut parfaite, un auteur jeunesse veut habituellement signifier à son lecteur qu'on a le droit d'être différent et que même ainsi (gros, laid, malade, extraterrestre...), on peut devenir quelqu'un d'estimable, voire un héros. Pour Thomas, rien de tel : pas de régime éventuellement destiné à valoriser l'effort sur soi, juste un peu de concentration et hop, grâce à la merveilleuse ubiquitine, il retrouve une taille de guêpe en une seule nuit. Et là, on s'interroge : faut-il donc commencer par être mince pour sauver le monde ? Les adolescents obèses manquent-ils juste de volonté ? Le jeune lecteur un peu fort qui pourrait de prime abord s'identifier à Thomas risque de se sentir mal sans sa peau...
     Dans le même ordre d'idée, il existe une loi de protection de l'enfance interdisant aux couples ayant un enfant de se séparer. Pour un adulte, il paraît évident qu'une telle loi contraignante serait inefficace et absurde. Mais van Cauwelaert s'adresse à des jeunes autour de treize ans, dont certains vivent sans doute mal la rupture de leurs parents. Comme il ne développe pas cette idée et qu'il ne donne pas à son lecteur les éléments nécessaires à une vision contradictoire et critique, combien d'enfants vont-ils espérer qu'une telle loi voit le jour ?

     Simple pinaillage, me direz-vous, alors que ce livre n'est après tout qu'une aventure fantaisiste. Peut-être, mais les points qui m'ont ainsi agacé à la lecture sont légions. A commencer par l'absence de regard sur l'attitude de Thomas dont le premier réflexe est de dissimuler un cadavre avec une astuce et un sang-froid troublants... pour finir par le dénouement où — pour faire simple — , le Mal, lassé de sa toute-puissance, obtient des gentils qu'ils abattent ce que le Mal a bâti, pour que le Mal triomphe encore plus... Mouais...
     D'ailleurs, pourquoi mentir sur la « menace » dissimulée par le bouclier si la réalité est en fait pire que la fable ? Quelle morale faut-il en tirer ? Si vous vivez dans une société sous contrôle et bourrée de défauts, surtout n'essayez pas d'en sortir, ça risque d'être pire dehors ? Est-ce là le message que l'auteur veut délivrer ?
     J'en doute. Il est à craindre que l'auteur se soit contenté d'empiler des péripéties rigolotes, pour privilégier le divertissement, sans chercher à susciter une réelle réflexion. Peut-être souhaitait-il dénoncer cette dystopie, mais cette vision caricaturale et inaboutie donne au final l'impression de lire une parodie sans substance.

     Certes, le récit est vivant, dopé par un humour qui fait parfois mouche, et nombre de jeunes lecteurs l'avaleront sans ressentir les réticences du vieux râleur que je suis.
     Mais tout de même, puis-je recommander un livre aussi peu cohérent, au propos final si peu clair, où l'auteur ne manifeste sous l'ironie aucun attachement apparent pour ses personnages ni aucun intérêt patent pour un univers très superficiellement traité ? Ma réponse est non, d'autant plus assurée que bien d'autres lectures jeunesse m'ont récemment enthousiasmé, comme Salicande de Pauline Alphen ou Le cas Jack Spark de Victor Dixen — romans pourtant écrits par des auteurs débutants, eux...

Notes :

1. qui serait un site de fans alors que le site officiel se trouve ici : http://www.thomas-drimm.com

Pascal PATOZ (lui écrire)
Première parution : 7/11/2009 nooSFere

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