Au début de notre ère, Jean de Gischala, ultime défenseur du Temple de Jérusalem contre les Romains, choisit l'un de ses guerriers pour lui confier la mission la plus sacrée qui soit : protéger l'Architecte qui vit dans le Saint des Saints. Du désert de Palestine, en passant par les ruines de l'Europe et l'Amérique, Avri s'acquittera de cette tâche par-delà les siècles.
De nos jours, Patricia, une enseignante, et Matthew, un avocat, vivent dans des États-Unis enlisés dans une crise profonde, née d'un interminable conflit en Asie. Leurs routes vont croiser celle d'Avri et des étranges enfants qui l'accompagnent, mais aussi celle d'organisations gouvernementales secrètes chargées de corriger les dérives de l'Histoire, et de lutter contre la résurgence du mal absolu, ennemi de toujours de l'Architecte : Ordre Noir. Patricia et Matthew sont les clés de ce combat mené depuis la nuit des temps...
Johan Heliot est né en 1970. Il a été enseignant avant de se consacrer à l'écriture à plein temps. Il est l'un des plus prolifiques et talentueux auteurs de l'imaginaire en France et a publié plus d'une trentaine de romans. Ces derniers temps, il a surtout écrit des romans jeunesse. Avec Ordre Noir, Johan Heliot revient à la littérature adulte avec un thriller inquiétant, efficace et très ambitieux.
Critiques
De nos jours, dans une Amérique parallèle enlisée (belle image) où la guerre en Asie a duré très longtemps, la jeune Patricia est témoin d'un attentat meurtrier dans un centre commercial : un homme déclenche juste à côté d'elle une ceinture d'explosifs. Détail qui ne prend sens qu'a posteriori : juste avant l'attentat, une petite fille a prévenu Patricia qu'une catastrophe allait se produire. Une fois à l'hôpital, la jeune femme entendant parler d'une conduite de gaz fissurée, commence à se méfier de la tournure que prennent les événements et préfère prendre la tangente... Sa fuite sera de courte durée, car elle est rapidement rattrapée par une organisation gouvernementale qui corrige l'Histoire. Cette organisation est en guerre contre Ordre Noir, et a un atout dans sa poche, un très vieil enfant du nom d'Eyal. Plus au moins au même moment, l'avocat raté et alcoolique Matthew Weinbaum est enrôlé de force dans l'organisation paramilitaire de Tristan Eugen. Très vite, Matthew va se rendre compte qu'il n'a aucune valeur pour cette organisation, mais qu'il en est tout autrement des secrets de son grand-père Meyer Weinbaum.
Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il est facile de tracer des lignes de force entre ce roman de Johan Heliot (qui signe ici son grand retour à la littérature adulte après trois ans d'absence) et des œuvres très connues comme Ces garçons qui venaient du Brésil d'Ira Levin, Fatherland de Robert Harris et L'Echiquier du mal de Dan « je dénonce » Simmons. Levin s'était intéressé à Josef Mengele, Heliot s'intéresse lui à Heydrich, un choix plus audacieux pour un livre qui, il faut bien maintenant entrer dans le vif du sujet, se révèle bancal. Si Heliot excelle dans l'intégration de l'Histoire dans sa trame narrative (les scènes berlinoises et palestiniennes sont à une ou deux exceptions près exceptionnelles), il se perd complètement au niveau de ses personnages principaux. Patricia est une endive (blanche, pleine de verdeur, sans grande saveur, un poil amère) ; et la maladroite tentative du début de roman de lui conférer une aura « sexuelle » ne sauve rien à l'affaire. Matthew est à peine mieux réussi, évoquant un personnage de Tom Wolfe dont la substance aurait été laissée chez l'imprimeur. Cela dit, les personnages secondaires s'en sortent beaucoup mieux, notamment Meyer Weinbaum, les vieux enfants et Avri (véritable héros du roman qui, par certains côtés, évoque Caïn, mais n'en disons pas trop).
Si Ordre Noir ne manque pas de force (certaines pages sur le nazisme sont « exemplaires », notamment dans leur dignité, et c'est là rien moins qu'une gageure), au final le récit se révèle ennuyeux de façon intermittente, tant il manque d'intensité (le moteur narratif n'est pas assez gros pour un véhicule si chargé, le style n'est pas assez tenu pour soulager la mécanique). Comme on pouvait s'en douter, cinquante pages de moins n'aurait fait aucun mal à cette aventure historique. On attendait le magnus opus de Johan Heliot, ce n'est pas pour cette fois (puissant regret, car Ordre Noir contient des fulgurances dignes des plus grands, on pense surtout à Richard Matheson).
Thomas DAY Première parution : 1/7/2010 dans Bifrost 59 Mise en ligne le : 29/11/2012
Cela faisait trois ans que Johan Heliot avait quitté la SF adulte pour se tourner vers les ouvrages destinés à la jeunesse (une dizaine de volumes publiés dans ce laps de temps, tout de même). Aussi son retour fait-il figure de mini-événement, d’autant plus que ce dernier opus se veut ambitieux : un thriller racontant la lutte immémoriale que mènent certains hommes contre l’Ordre Noir, émanation du mal absolu, prêt à tout pour arriver à ses fins. L’auteur renoue ici davantage avec des romans sombres comme Obisdio qu’avec la trilogie de La Lune seule le sait, qui l’a rendu célèbre.
De nos jours, Matthew est un avocat en perdition, dans des États-Unis qui s’enferrent dans un conflit sans fin à l’autre bout du monde ; une personne en détresse comme lui constitue une cible idéale pour le recrutement d’une faction paramilitaire.
De son côté, Patricia, également Américaine, est témoin d’un attentat. Un homme se fait sauter sous ses yeux ; pourtant, quand elle entend les médias relater les circonstances et conclure à une fuite de gaz accidentelle, elle se rend compte que quelque chose cloche. C’est là son premier contact avec un groupe mystérieux, qui tente d’altérer la réalité pour contrer Ordre Noir sur toutes les trames du réel. Car tant Matthew que Patricia vont vite s’apercevoir qu’il existe plusieurs univers parallèles...
Dans ce thriller inquiétant, qui se déroule à plusieurs époques – puisqu’il nous sera aussi raconté comment nous en sommes arrivés là – et sur plusieurs plans de cette réalité, on ne sait jamais réellement qui, du Bien ou du Mal, triomphera in fine. En effet, les rebondissements sont nombreux, et modifient régulièrement la donne. L’auteur prend un malin plaisir à nous déstabiliser, à nous faire vaciller sur nos certitudes. On croit avoir affaire à un roman où Patricia et Matthew – dont on se doute que les destins vont se rejoindre à un moment – sont les personnages principaux ? Heliot complique les choses en les reléguant au second plan, en même temps que la lutte contre Ordre Noir, pour mieux s’intéresser aux courants qui divisent le Bien. Et le lecteur de s’apercevoir que ce qu’on lui a présenté comme le Bien emploie de temps à autre des stratégies qui n’ont rien à envier à celle du Mal. Malgré une évidente maîtrise de la part de l’auteur, cette volonté de contre-pied a toutefois un léger défaut : celui de parfois rendre les situations un peu confuses ; on ne comprend pas toujours tous les tenants et les aboutissements. Néanmoins, ce roman d’une noirceur annoncée haut et fort par l’éprouvante couverture de B., reste assurément très efficace, puisqu’une fois ouvert, on le lit de manière compulsive, ce qui est le propre de tout bon thriller qui se respecte.
Johan Heliot réussit ainsi son retour sur la scène adulte, et si Ordre Noir n'est pas totalement abouti, il confirme que l'auteur reste l'une des valeurs sures de l'imaginaire francophone. On espère de ne pas avoir à attendre trois ans pour relire un roman adulte de Johan Heliot.