On a découvert Brandon Sanderson à l’automne dernier, au sein du tout nouveau label Orbit dirigé par Audrey Petit ; son premier roman, Elantris, avait révélé un auteur intéressant, relativement original et déjà animé d’un souffle certain, même si le texte souffrait de quelques défauts (un peu de délayage, et certaines parties de l’intrigue pas très abouties). On dirait bien qu’une « offensive Sanderson » est en cours, puisqu’Orbit devrait nous proposer très prochainement L’empire ultime, premier volume d’une trilogie, et que paraît donc à quelques semaines d’intervalle cet Alcatraz contre les infâmes bibliothécaires, destiné à la jeunesse. Rien de bien surprenant lorsque l’on sait que la directrice de collection de Mango jeunesse, où il paraît, n’est autre que... Audrey Petit, qui a donc visiblement décider d’imposer Sanderson en France.
Alcatraz Smedry est un orphelin de treize ans qui va de famille d’accueil en famille d’accueil. La raison en est simple : il casse à peu près tout ce qu’il touche. Et le pire, c’est qu’il ne le fait pas volontairement. Alors, Miss Fletcher, son assistante sociale, le change régulièrement de domicile. Jusqu’au jour où il reçoit un curieux colis expédié par son père prétendument décédé, et qui contient son héritage, à savoir... un tas de sable ! Au même moment, il rencontre son grand-père, qu’il ne connaissait pas, et apprend l’existence d’un autre monde, les Royaumes Libres, bien différent du nôtre en ce sens qu’il n’est pas sous la coupe des Bibliothécaires...
Le roman démarre à fond la caisse, et va maintenir ce rythme jusqu’à la dernière page. Le but est simple : procurer un intense plaisir de lecture au lecteur qui suivra ces aventures à très forte dose de péripéties, d’inventivité de tous les instants, de suspense, de coups de théâtre, et surtout bourrées d’humour. Brandon Sanderson n’y va pas par quatre chemins : tout se révèle prétexte à des gags, visuels ou de dialogue, qui tiennent à l’incroyable galerie de personnages alignés par l’auteur (mention spéciale aux mini-dinosaures british, qui ont tenté – sans succès – d’arriver dans notre univers en se faisant passer pour des poissons morts sur une plage). Au final, une fois entamé, le récit se dévore d’une traite et on en redemande.
Alcatraz , roman d’aventures, et c’est tout ? Eh bien non, car Sanderson, tel un roublard de la littérature, a compris comment fidéliser son lecteur : en l’impliquant. Aussi, belle originalité dans le cadre d’un livre destiné à la jeunesse, son « héros » prend le temps, à chaque début de chapitre, de s’adresser à son lectorat. Il lui explique comment il a conçu son livre – raconté comme s’il était écrit par Alcatraz Smedry sous le pseudonyme de Brandon Sanderson – et disserte sur l’art d’écrire. Bien vu : même s’il enfonce pas mal de portes ouvertes, Alcatraz théorise avec bonheur sur l’agencement des coups de théâtres, les lieux communs à éviter mais pourtant attendus par les lecteurs... Attention, il ne s’agit pas pour autant de faire retomber le rythme palpitant du roman, alors tout cela est exposé avec la gouaille habituelle du protagoniste, de telle sorte que tous les lecteurs, y compris adultes, y trouveront de l’intérêt.
Brandon Sanderson a donné deux suites à cet Alcatraz contre les infâmes bibliothécaires ; gageons que le succès prévisible de premier tome devrait les voir traduits très bientôt, pour notre plus grand plaisir.
Bruno PARA (lui écrire)
Première parution : 9/3/2010 nooSFere