Une patrouille composée de huit enfants, conduite par un lieutenant et manipulée par un capitaine, reçoit pour mission d'aller faire la police dans le Royaume du Conte.
Car il se passe, dans ce royaume, pas mal de choses que le folklore tolère, mais que la morale réprouve : les loups y mangent les petites filles, ce qui est cruel ; les ogres y mangent les petits garçons, ce qui est vicieux ; on peut y rencontrer le diable, ce qui n'est pas laïque, ou encore épouser un prince ou une princesse, ce qui n'est pas démocratique... Notre patrouille va donc mettre ordre à tout cela.
Elle ira jusqu'à renverser le Roi pour transformer le Royaume du Conte en république. Mais n'y a-t-il pas quelque danger à censurer de cette manière ce qui vient des profondeurs de l'histoire et du subconscient collectif ? La démocratisation n'est-elle pas une forme du refoulement ? Et l'égalitarisme une forme de la bigoterie ? Le mal, extirpé ici, ne va-t-il pas renaître là ? Et tout ce grand effort d'humanisation ne risque-t-il pas d'aboutir à une spectaculaire explosion de violence ? Dans l'imaginaire comme dans la nature, n'est-il pas plus sage de laisser les espèces se dévorer entre elles, ainsi que l'enseignent les écologistes ?
Le nouveau Ministère du Conte et de l'Environnement Culturel, s'étant alarmé du contenu fréquemment nuisible aux niveaux moral, social et idéologique des contes et légendes, a décidé d'intervenir de manière énergique : il faut purger le folklore des éléments que la morale réprouve ! Pour ce faire ont été créées les Patrouilles du Conte... Seulement, une première tentative, avec des adultes, a échoué : le Ministère avait confié à un certain François Rabelais la tâche d'égayer « Gargantua », un conte sombre et mélancolique. Résultat, le docteur Rabelais transforma ce conte en histoire graveleuse, immorale ! Une nouvelle Patrouille du Conte a donc été formée, composée cette fois d'enfants, puisque ces derniers sont purs. Première mission : rectifier l'histoire de la Mère Michel. Il faut que les enfants empêchent le Père Lustucru d'utiliser le chat de la Mère Michel en guise de ragoût pour son restaurant... Tout n'est hélas pas si simple que ça : le Père Lustucru relâche le chat de bonne grâce, mais le chat sera quand même mangé... par la Mère Michel ! Hé, c'est que la viande est rare, à cette époque...
Les missions se succèdent, et comme on peut s'y attendre leur résultat est toujours assez loufoque ! Les initiatives du ministère du conte et de l'Environnement Culturel ne sont pas des plus avisées...
Pierre Gripari est un spécialiste du conte, que ce soit à travers ses écrits pour enfants (comme les célèbres Contes de la rue Broca) ou celui de ses romans pour adultes, touchant souvent à la SF et au Fantastique (comme Moi, Mitounet-Joli, même collection — il faut d'ailleurs rappeler que Gripari a commencé sa carrière dans les fanzines de SF !). C'est pourquoi ce nouvel ouvrage, complètement iconoclaste, fait mouche. D'une écriture fluide, bourré d'humour, c'est un vrai délice.