1870. Les Parisiens sont prisonniers de l'armée prussienne. Blanche, dix-sept ans, est prise au piège comme les autres. Heureusement, son oncle Gaston, commissaire, est là pour la protéger. Mais une enquête difficile le préoccupe : un cadavre est retrouvé, un tatouage occulte sur le bras. Blanche se met en tête d'aider son oncle alors que les meurtres se multiplient...
Né en 1970, Hervé Jubert est l'auteur de la célèbre trilogie, L'Opéra du diable (Le Quadrille des assassins, Un tango du diable et Sabbat Samba) publié chez Albin Michel/Wiz.
Nous sommes en 1870, en pleine guerre franco-prussienne. De nombreux Parisiens fuient la capitale, et parmi eux la famille Paichain. Malheureusement, une des filles, Blanche, se perd à la gare et ne réussit pas à rentrer dans le train bondé. Elle se retrouve donc à Paris, quasiment seule. Son oncle Gaston est en effet toujours sur place, et pour cause : il est commissaire, et a beaucoup de travail depuis qu'un mystérieux meurtrier sévit en laissant comme signature un tatouage sur chacune de ses victimes. Blanche, par une série de coïncidences, se retrouve embarquée dans l'enquête. Malgré les remontrances de son oncle, elle va persévérer, et sa contribution sera déterminer pour démasquer le tueur.
Après sa trilogie Un tango du diable, publiée dans la même collection, Hervé Jubert nous revient dans ce roman mêlant policier et fantastique. Cette fois-ci, il ancre son histoire dans la réalité la plus brutale, celle d'une ville assiégée en temps de guerre, souffrant de précarité et de peur continuelle — ce décor paraît d'ailleurs plus convaincant que pour sa précédente trilogie. Les protagonistes également sonnent juste, de Blanche l'intrépide — même si elle l'est peut-être trop pour l'époque — à Gaston le protecteur, en passant par les nombreux personnages secondaires bien croqués. Comme d'habitude chez Jubert, le rythme est proprement infernal, et même si l'on pourra trouver un peu légère et pas très originale l'explication de la raison pour laquelle les crimes sont commis, il n'en reste pas moins que le roman se lit d'une traite. Sans prétendre au chef-d'oeuvre, Blanche ou la triple contrainte de l'enfer n'en constitue pas moins un excellent roman pour la jeunesse — certains jeunes lecteurs, comme d'habitude, risquent fort d'être marqués par des scènes très gore — , sans aucun doute le meilleur de l'auteur. Et Hervé Jubert de s'affirmer comme l'une des voix les plus attachantes de l'imaginaire francophone.
Un peu d'histoire : en 1870, Napoléon III venait de se faire battre à plates coutures par les Prussiens à Sedan, la famille impériale avait précipitamment fait ses bagages et avait quitté les Tuileries pour un exil londonien, quant aux armées teutonnes, elles se pressaient aux portes de Paris. C'est au tout début du siège de la capitale française que commence le nouveau roman d'Hervé Jubert : une foule paniquée se presse sur les quais de la gare Montparnasse, afin d'essayer de grimper à bord des derniers trains pouvant encore quitter Paris pour une France non occupée par l'ennemi... La jeune Blanche Paichain, dix-sept ans, va se retrouver séparée de sa famille — et pas trop mécontente de cette mésaventure, somme toute, car l'idée d'un exil familial à Saint-Cénéri ne lui disait trop rien, tandis que demeurer seule à Paris lui semble une belle opportunité de liberté. Et puis que diable, elle n'est pas vraiment seule : sa meilleure amie est toujours là, Emilienne, la délurée fille de la concierge. Et surtout : son oncle, Gaston Loiseau, commissaire de police judiciaire.
Et Blanche trouve bien plus intéressant ce tonton flic et baryton que ses géniteurs, simples agents d'assurance confis en une bourgeoisie ordinaire. Car cette jeune fille a deux passions : la chimie, et l'investigation criminelle. Des intérêts assez peu convenables pour une représentante du sexe faible en cette fin du second empire, mais c'est pourtant bien dans les pages des deux colossaux tomes du Dictionnaire de police (la bible de l'enquêteur français) que Blanche trouve à rêver.
Justement, dans le Paris désorganisé du siège prussien, une série de meurtres mystérieux commencent à intriguer le commissaire Loiseau : c'est d'abord un chapelier que l'on retrouve le haut du crâne découpé proprement, puis des corps qui fondent sans laisser de trace... Tout cela a un parfum de sorcellerie ! Et puisque ce bon Gaston persiste à vouloir accuser le gamin qui servait d'apprenti au chapelier, Blanche, convaincue de son innocence, va se laisser sur la piste du mystérieux tueur au parfum de violette...
Hervé Jubert fut certainement le tout premier écrivain français à se passionner pour les songes fiévreux du steampunk et pour les itérations ludiques du dix-neuvième siècle. Pourtant, il semblerait qu'il soit passé un peu inaperçu au sein du sérail science-fictif. Qu'importe : il mène une jolie carrière, ayant trouvé refuge dans la littérature pour la jeunesse. Pour autant, si vous êtes lecteur de Pierre Pevel, Johan Heliot ou Xavier Mauméjean, que vous fascine le polar historique à la Claude Izner ou Armand Cabasson (d'excellents auteurs œuvrant chez 10/18), que de manière plus générale vous avez l'âme dix-neuviémiste et que vous réjouissent des mentions de la Pélagine Pausodeun (un remède souverain contre le mal de mer et de fer), du Paris d'avant Hausmann ou du départ de Gambetta à bord d'un des ballons de Nadar... sans nul doute, cette Blanche-là sera à votre goût. Jubert livre un réjouissant roman d'histoire secrète, louchant très légèrement vers le steampunk et le fantastique tout en donnant dans le style « polar historique » si en vogue dans les collections « Grands détectives » et « Labyrinthe » — et le fait qu'il soit publié sous l'étiquette d'un label pour la jeunesse ne change rien, en fait, à la maturité de son contenu, l'auteur n'hésitant pas à liquider la plupart des personnages secondaires à la fin ! Après des allusions discrètes à Victor Hugo et à Jack l'éventreur, le tout se termine même sur un élégant clin d'œil au Silence des agneaux.
Des critiques S-F comme Valéry et Lehman se plaisent à répéter que les littératures françaises de l'imaginaire doivent coloniser le champ de la culture afin de s'y développer. Si la science-fiction ne le fait encore que de manière assez discrète, le fantastique et le roman policier n'ont pas hésité à le faire depuis longtemps, et Hervé Jubert maîtrise pleinement les outils narratifs et stylistiques qui lui permettent de jouer avec subtilité des deux tableaux aventure/érudition. Au premier degré, ce roman se lit avec tout le plaisir d'un bon texte de mystère, au second il est possible de se délecter de l'amoureuse minutie travaillant cet imaginaire. Jubert vit au XIXe siècle — littéralement : le bonheur d'une trouvaille en brocanteur lui fit dénicher un authentique exemplaire du Dictionnaire de police, intensivement annoté en 1874 par un flic un peu bohème dont Loiseau s'inspire. Un trésor d'ethnologie policière (dont on souhaite voir naître un jour un fac-similé) qui se trouve transcendé ici avec jubilation.