ActuSF
, coll. Les Trois Souhaits Dépôt légal : novembre 2010 Première édition Recueil de nouvelles, 112 pages, catégorie / prix : 8 € ISBN : 978-2-917689-25-7 Genre : Science-Fiction
Thierry Di Rollo est l’une des voix les plus passionnantes de la science fiction en France. Chacune de ses histoires possède une force peu commune avec une poésie du désespoir effroyablement belle. Si ses univers sont noirs, c’est pour mieux dénoncer la folie humaine et tous les abus de notre société.
En six nouvelles, il nous entraîne dans des futurs qui déchantent et qui interpellent. Vous visiterez les mines de la planète Loren III, découvrirez d’étranges hippopotames chercheurs d’or, assisterez à des crucifixions puis, dans un autre récit, à l’étrange résurrection de cadavres...
Des textes superbes dans lesquels la mort n’est présente que pour mieux célébrer la vie.
Né en 1959 à Lyon, Thierry Di Rollo est l’auteur de plusieurs romans dont La Lumière des Morts, La Profondeur des tombes et Le Syndrome de l’éléphant. Après Cendres, Crépuscules est son deuxième recueil chez Actusf.
1 - Éléphants bleus, pages 9 à 36, nouvelle 2 - Hippo !, pages 37 à 55, nouvelle 3 - Seconde mort, pages 57 à 75, nouvelle 4 - Un dernier sourire, pages 77 à 84, nouvelle 5 - La Ville où la mort n'existait pas, pages 85 à 97, nouvelle 6 - Le Crépuscule des Dieux, pages 99 à 108, nouvelle
Critiques
Thierry Di Rollo est un perfectionniste. Cela a été maintes fois signalé par les critiques parues sur son œuvre : l’auteur travaille et retravaille ses textes de façon à n’en conserver que l’essentiel, que les mots qui sonnent juste, et pas un de plus. D’où des romans la plupart du temps très courts. La preuve en est faite ici aussi, puisque sur les six nouvelles, les quatre qui sont rééditées ont été revues, corrigées et expurgées par l’auteur. Certaines avaient en effet dû être adaptées à l’époque de leur première parution pour répondre aux goûts de l’époque ou de l’anthologiste (Alain Dorémieux, Serge Lehman). Jusqu’à contrecarrer le propos même de l’auteur : « Seconde mort » (première publication sous le titre « La mort lasse » dans Territoires de l’inquiétude n° 3) était conçue comme une nouvelle d’atmosphère, dans laquelle un homme ne trouve une amie qu’en la personne d’une prostituée handicapée. Au final, cette histoire de fantôme était devenue davantage un récit d’action, dans lequel le protagoniste échappait à ses poursuivants. Il s'agit du texte le plus remanié ici, Di Rollo revenant à l’histoire d’amour poignante, qui perdure par-delà la mort, dont il avait envie, et on ne saurait lui donner tort. L’autre texte passablement modifié, c’est « Hippo ! », paru initialement dans Escales sur l'horizon. Ou comment la logique de marché – produire davantage, plus vite – peut conduire à des choix invraisemblables. Sardonique, la nouvelle se clôt par une dernière phrase qui fait mouche (une habitude dans ce recueil) et une lueur d’espoir réel assez étonnante dans l’œuvre de Di Rollo. « Éléphants bleus », qui se déroule dans le même univers que « Hippo ! », est une enquête policière dans un milieu glauque de mineurs dopés ; là encore, le gain de productivité fait loi. L’auteur se pose en pourfendeur du système capitaliste, qui broie les hommes et leur ôte peu à peu tout espérance et toute liberté ; cette fois-ci, pas d’échappatoire digne de ce nom, le héros (rarement terme aura été si mal adapté aux personnages de Di Rollo) devra choisir entre deux maux le moindre. « La Ville où la mort n’existait pas », dernière réédition, est reprise d’imagine..., revue québécoise où Di Rollo publia de nombreuses nouvelles (on suggérera à l’éditeur qu’elles feraient un très joli troisième recueil, puisque Crépuscules avait été précédé chez ActuSF par Cendres). Tout est dans le titre ; mais là où Fritz Leiber, dans « L’homme qui rajeunissait », jouait davantage avec son postulat de départ, Di Rollo opte pour un traitement plus trash, avec corps en putréfaction, luttes des classes entre « jeunes » et « vieux » ressuscités. Un cauchemar d’autant plus invivable qu’il est sans fin.
Premier des deux titres inédits, « Un dernier sourire » peine à vraiment convaincre ; la faute à une idée de départ assez convenue. Reste un traitement efficace, un récit d’action court et percutant. Nettement plus intéressant, « Le Crépuscule des dieux » est la version dirollienne de la crucifixion. D’une désespérance sourde, le texte dénonce un certain travers des religions : le lavage des cerveaux pour le bien de la foi. Pour éviter d’y plonger, le protagoniste optera pour un choix doublement hérétique : mourir pour la femme qu’il aime, et non pour son dieu, et refuser de vivre.
Avec ce deuxième recueil aux éditions ActuSF, et en attendant ses deux prochains romans, au Bélial’ et à la Série Noire, Thierry Di Rollo se révèle aussi à l’aise dans la science-fiction que dans le fantastique. Genres différents, donc, mais une même vision du monde, qui serait totalement désespérée s’il ne restait l’amour et la révolte dont sont encore capables les êtres humains.