La trilogie Atlante, entamée par Aquatica et Les Fils du Soleil touche à sa fin avec ce volume. Nous retrouvons le vaisseau-monde des Atlantes, le Tauniss, six cents ans après son départ pour la Grande Barrière. Malheureusement, l'entente entre les Clans s'est disloquée : les Célestes ont pris la direction du Concile et imposent à tous leur propre vision de la perfection, érigée en religion répressive. Une jeune femme, Hope, et un ancien guerrier au service des Célestes, Elijah, lutteront cependant pour leur survie, et pour que vive le rêve fou qu'incarne le Tauniss.
Après un premier volume attachant, puis un second malheureusement assez décevant, cet épilogue se devait de conclure habilement la trilogie. C'est là chose faite : Les Dérivants campe des personnages plutôt bien étudiés, et son intrigue, quoique un peu difficile à suivre par moments, ne manque pas de rythme. Le style se fait plus clair, même s'il reste parfois saccadé ; enfin, c'est le seul opus de la série à présenter un réel équilibre entre ses deux parties.
Guitteaud continue et développe son étude des religions et de la spiritualité, amorcée dans les précédents volumes : comment les mythes naissent, comment ils se nourrissent, et surtout, comment les élus vivent et ressentent l'idolâtrie qu'on leur voue parfois. L'auteur possède une culture ésotérique fournie, qui sert le propos sans être trop intrusive dans la narration. D'autre part, cet épilogue apporte, comme il se doit, toutes les réponses aux questions restées en suspens, qu'il s'agisse par exemple de la nature du Dragon ou de l'origine du Väinämöinen. Tout se conclut, grâce à un artifice narratif efficace, mais pas très original.
Oui, un petit goût de déjà-vu : voilà peut-être la faiblesse du livre, voire de la trilogie. Hormis quelques éléments de l'étude mystique, le discours sous-jacent n'apparaît pas vraiment novateur. Certes, chaque auteur, chaque livre ne peut pas espérer réinventer toutes les thématiques de la SF, mais on aurait quand même espéré voir plus d'éléments véritablement personnels. Qu'on ne se méprenne pas cependant, Les Dérivants réserve de nombreuses surprises au lecteur ; toutefois, celles-ci s'appuient sur des ressorts scénaristiques un peu trop connus et répandus.
Ce volume présente donc un intérêt certain, mais son traitement reste trop classique ; l'auteur semble éprouver quelques difficultés à s'affranchir de ses influences personnelles. Néanmoins, l'ensemble se lit bien. Il est vraiment dommage que la trilogie Atlante ait été affaiblie par un second volume aussi peu efficace. Si la série avait bénéficié dans son ensemble d'un style un peu plus fluide, de plus d'équilibre dans la narration, et surtout, d'un traitement plus personnel, elle aurait pu devenir une œuvre majeure de la SF française. Elle n'est qu'une œuvre plaisante... ce qui, avouons-le, n'est déjà pas si mal.