François Rivière continue tranquillement son travail de découvreur discret. Il nous offre ici quatre nouvelles d'un auteur disparu de nos mémoires, Jules Claretie, qui a pourtant publié beaucoup de livres à succès à la fin du XIXe siècle, au point d'être nommé administrateur de la Comédie Française en 1885 et d'entrer à l'Académie en 1888... En un sens, c'est rassurant : ce genre d'honneur ronflant n'empêche donc pas d'être oublié un siècle plus tard, et tous les écrivains nuls qu'abrite aujourd'hui la Coupole vont sans doute disparaître aussi vite de notre future culture.
Yves Olivier-Martin révèle dans sa précieuse Histoire du roman populaire (Albin Michel) que Claretie voyait d'un mauvais œil cette littérature « populaire » qui se complaît dans le vide in La vie à Paris, 1904. Et pourtant, il a lui aussi cédé à ce péché : les quatre nouvelles que nous propose ici François Rivière appartiennent totalement à ce genre. Et pourtant, aussi, il a raconté la vie extravagante de Petrus Borel, Petrus Borel le lycanthrope (1866), ce fou de la littérature frénétique (qu'on retrouvera, aux côtés d'autres inconnus importants injustement oubliés, dans une anthologie indispensable. La France Frénétique de 1830, de J.L. Steinmetz, aux Editions Phébus).
On le voit, Jules Claretie est coincé entre deux tendances contradictoires. Nul doute que ces tiraillements lui posent problème et accentuent la morbidité de ses histoires. L'homme aux mains de cire, la nouvelle qui donne son titre au recueil, flirte avec ce clair-obscur que les romanciers maudits ont fréquenté, histoire de folie, histoire de vampire, ou les deux, qui vaut plus par son climat que par son intrigue, somme toute bien conventionnelle. Puis Claretie a des remords : alors il raconte deux belles aventures d'honneur et d'amour pur, Serge Somenof et Histoire d'une ganache. Car, s'il a le virus du frisson, il a tout de même de la morale, notre académicien !
Un petit livre (qu'on aurait aimé préfacé par ce flemmard de Rivière) pour nous faire redécouvrir l'un de ces écrivains perdus dans la Babel littéraire. C'est tellement bon de sortir des sentiers battus !