Fritz LEIBER Titre original : The Big Time, 1958 Première parution : En magazine, Galaxy Science Fiction, mars et avril 1958. En volume, Ace Books (Ace Double n° D-491), 1961ISFDB Cycle : La Guerre des modifications vol. 1
Autrefois, je vivais à Chicago, j'étais aussi humaine que vous, sinon plus. Après ma mort, les Araignées m'ont recrutée pour participer à la Guerre Modificatrice, le Grand Jeu du Temps. Nous nous battons contre les Serpents. L'histoire a déjà été considérablement modifiée par rapport à ce que vous connaissez : les Nazis ont gagné la Deuxième Guerre Mondiale et leur Empire s'étend de la Sibérie au Kansas. Il n'y a jamais eu de Guerre de Sécession en Amérique et Rome s'est effondré juste au moment où il commençait à prendre de l'envergure…
1 - La Guerre des modifications (The Big Time, 1958), pages 7 à 216, roman, trad. Hervé DENES 2 - L'Homme de guerre (The Oldest Soldier, 1960), pages 217 à 250, nouvelle, trad. René LATHIÈRE
Troisième édition française de ce Hugo 1958. Mais pour la première fois en livre : jusqu'ici il avait été publié dans les deux éditions de Galaxie (en 1958, en 1964). Une nouvelle traduction, et l'ajout d'une nouvelle, elle aussi déjà traduite dans Fiction (1961) « L'homme de guerre. » Qu'on me permette un regret : ces deux ouvrages appartiennent à un cycle celui de Change War ; alors pourquoi ne pas avoir agrémenté d'un inédit comme Try and change the past (Astounding 1958) ou When the change wind blows (F & SF 1964)7 Le lecteur français aurait eu l'occasion de se familiariser avec cet univers mythique, un des plus beaux et des plus étranges avec celui de Cordwainer Smith. Leiber, avant ceux qui tiennent maintenant le haut du pavé (Zelazny, Herbert, Fermer) à la fois imaginait un monde impensable avec son écologie spécifique — mais très différent d'un Herbert dansDune — tout en donnant à voir des matériaux socio-oniriques dont la richesse n'est peut-être pas encore totalement perceptible, vingt ans après.
Ainsi retraduit, présenté hors de son contexte, le roman — comme la nouvelle — semblent orphelins, malgré leurs grandes qualités, très visibles. Mais, perdus dans le grand clinquant de la dernière mode, leur éclat naturel de joyau est un peu masqué. On me rétorquera que ce sont là des états d'âme d'esthète déliquescent, que le lecteur moyen s'en moque et ce qu'il veut c'est de l'action. D'autant ajouterait-on, que le lecteur de base du Masque est un adolescent, qui achète le livre à cause des couvertures et consomme ce que l'éditeur veut bien lui donner à brouter. Je suis en désaccord avec cette mentalité de marchand de saucisse. Si la SF a un sens, c'est bien parce qu'elle est en prise au niveau fantasmatique sur les images que l'on se fait du temps et des choses dans un univers en crise permanente (la crise est un processus, pas une rupture. Exemple ; la croissance d'un individu est une crise, par quoi il se développe). Priver des œuvres importantes de tout éclairage sociologique c'est les mettre à plat, les banaliser. Ce roman résiste quand même, sa magie agit. Cette guerre des Serpents et des Araignées, avec les travestissements de l'histoire qu'elle implique est un bon décapant idéologique. Ce n'est pas que ça. Sa charge poétique lui fait dépasser les circonstances qui lui ont donné naissance, celles de la guerre froide (voir 1re nouvelle de Leiber in Fiction, le jeu du silence). Un ouvrage à lire absolument, ou à relire doucement. Un auteur qui n'a pas encore une admiration à la mesure de sa valeur. Mais aussi c'est de sa faute : il est irréductible à une formule, à une mode, à un ensemble de tics. Toujours autre part. Là où se trouve la SF.