MNÉMOS
, coll. Dédales Dépôt légal : janvier 2012 Première édition Recueil de nouvelles, 288 pages, catégorie / prix : 20,50 € ISBN : 978-2-35408-131-7 Genre : Fantasy
Quatrième de couverture
« Tu étais jeune, très beau, très insolent,
tu ne savais rien. Tu écrivais des histoires
d’aventures qui te mettaient en scène.
Tu étais Jaël de Kherdan, d’une noblesse
mystérieuse, écrivain, duelliste,
et amant par passion. »
Libertin, bretteur, Casanova imaginaire, écrivain, menteur, tel est Jaël de Kherdan... Jeunes filles en fleur ou dames aux moeurs légères, les femmes l'aiment et l'entraînent tour à tour dans leurs jardins secrets. Éva la lunaire, Léora la solaire, la magicienne Kirsten, Mademoiselle Belle, Sara la bravache... Toutes ont succombé à son verbe et à son charme. Mais quand la fête tourne au cauchemar, quand l'amour mène aux larmes et le sexe à la souffrance, Jaël s'enfuit toujours, pour recommencer ailleurs, autre part, une nouvelle histoire. De songe en songe, le rêve et la réalité se confondent dans cette fantasie légère et élégante où jeux de miroir et de plume s'entremêlent pour un plaisir de tous les sens.
Après le très remarqué Cleer (Denoël, 2010), Laurent Kloetzer retrouve son personnage fétiche, Jaël de Kherdan, héros de Mémoire vagabonde (Prix Julia Verlanger, 1998). Petites Morts narre ses amours contrariées et ses extraordinaires aventures en cinq actes et quatre tableaux. Un récit doux-amer porté par une prose raffinée qui emprunte son cadre au XVIIIe siècle et plonge ses racines dans les grands mythes littéraires.
1 - La Magicienne - 1, pages 9 à 23, nouvelle 2 - Éva, pages 25 à 85, nouvelle 3 - La Magicienne - 2, pages 87 à 90, nouvelle 4 - Mademoiselle Belle, pages 91 à 135, nouvelle 5 - La Magicienne - 3, pages 137 à 139, nouvelle 6 - L'Orage, pages 141 à 173, nouvelle 7 - Toujours être ailleurs, pages 175 à 210, nouvelle 8 - Immacolata, pages 211 à 278, nouvelle 9 - La Magicienne - 4, pages 279 à 280, nouvelle 10 - Note de l'auteur, pages 281 à 281, notes
Critiques
Petit retour au siècle dernier : en 1997, Laurent Kloetzer faisait son entrée en littérature avec Mémoire vagabonde, roman de fantasy devant davantage aux mémoires de Casanova et à l'œuvre de Choderlos de Laclos qu'aux traditionnelles références du genre 1. Un récit où, par le biais des aventures libertines et picaresques de son héros, Jaël de Kherdan, l'auteur s'interrogeait sur les rapports entre réalité et fiction, souvenirs et mensonges, et développait un univers bien plus complexe que ce qu'il semblait être de prime abord. Quinze ans plus tard, il renoue avec le personnage de ses débuts — personnage qu'il n'avait d'ailleurs jamais tout à fait abandonné, puisque deux des cinq nouvelles qui composent ce livre, davantage roman que recueil, d'ailleurs, ont déjà été publiées précédemment.
Premier constat : Laurent Kloetzer écrit mieux que jamais. Il n'est qu'à lire les quelques scènes du premier roman qu'il revisite ici pour juger du parcours accompli. C'est également cette écriture ciselée qui donne tout leur charme aux deux premières nouvelles au sommaire de Petitesmorts : « Eva » et « Mademoiselle Belle ». La première, une fois n'est pas coutume, apporte un regard extérieur sur le personnage de Jaël, héros romantique tel que le rêvent Eva, jeune valétudinaire de douze ans, et sa grande sœur Léora. Un triangle amoureux qui ne peut bien entendu que très mal finir. La seconde est une merveille d'érotisme pas toujours feutré, où l'on batifole au cœur d'un jardin luxuriant et où l'on s'émeut d'une gorge à peine découverte ou de la courbe d'une nuque, avant de s'abandonner à des jeux d'une rare perversité. L'une comme l'autre de ces nouvelles constitue une fête des sens permanente, comme peu d'écrivains sont capables d'en mettre en scène.
Malheureusement, la seconde moitié de Petites morts abandonne en grande partie ces célébrations charnelles pour renouer avec les principaux thèmes qui animaient Mémoire vagabonde. A la recherche de sa propre identité, Jaël y est balloté en permanence entre rêve et réalité, manipulé par des forces qui le dépassent et des individus dont il ignore tout. Dans le dernier texte au sommaire, « Immacolata », le récit bascule d'ailleurs dans la pure science-fiction, remettant en cause tout ce qu'on pensait avoir compris de cet univers. Mais à force d'empiler ainsi les strates de réalité et de remettre sans arrêt en question leur existence véritable, Laurent Kloetzer finit par perdre son lecteur. Et il est d'autant plus difficile de suivre ses développements que les textes n'offrent pas grand-chose à quoi s'accrocher. Pas les univers, qui se succèdent sans révéler leur vraie nature, ni les protagonistes, qui dissimulent leurs motivations — quand ce n'est pas leur identité — sous plusieurs épaisseurs de faux-semblants. Certes, « Immacolata » parvient in fine à renouer certains fils, en même temps qu'il offre à Jaël l'une de ses incarnations les plus intéressantes et qu'il prolonge dans une nouvelle direction la plupart des thèmes précédemment abordés. Néanmoins, à trop souvent se montrer cryptique dans sa narration, Laurent Kloetzer finit par perdre de vue l'essentiel, et les bonheurs de lecture qu'il a si bien su susciter dans la première moitié de Petites morts ne se retrouvent que trop rarement dans la seconde.
Notes :
1. Roman initialement paru chez Mnémos, et qui reparaîtra sous peu en format numérique aux éditions du Bélial'. [NDRC]
Écrivain et libertin, Jaël de Kerdhan parcourt le monde à la recherche de conquêtes féminines. Quand il n’est pas convoqué en duel par les frères d’une de ses amantes voulant laver l’honneur de leur famille, il se livre à des jeux étranges et macabres en compagnie de la noblesse décadente d’une Renaissance imaginaire. Mais vit-il réellement toutes ses aventures ? N’y a-t-il pas une part de rêve ou d’invention dans ses pérégrinations ?
Il aura donc fallu quinze ans à Laurent Kloetzer pour revenir au personnage de son premier livre, Mémoire vagabonde, et lui faire traverser de nouvelles épreuves. Au travers des cinq récits composant Petites morts, l’auteur déconstruit l’esprit de son narrateur pour le conduire la où on ne l’attend pas. Ce qui commence comme une histoire classique mêlant sexe et mort avec un héros trop séducteur pour être honnête (il lui suffit, à quelques exceptions près, de se présenter devant une femme pour qu’elle tombe à ses pieds) devient petit à petit autre chose. Les faits présentés au lecteur sont rapidement brouillés par les rêves, perturbant la fantasy comme Philip K. Dick utilisait les altérations de réalité pour déranger sa science-fiction.
Alors, évidemment, cela complique la lecture. On peut d’un paragraphe à l’autre passer d’un rêve à la réalité sans indication claire, ce qui impose une certaine gymnastique et risque de perdre les lecteurs plus habitués à David Gemmell qu’à Gene Wolfe. Et le twist central provoque un changement radical de compréhension du récit. Certains éléments peuvent paraître incongrus, voire faux avant de trouver ensuite une explication. Mais lorsque l’on commence à voir où l’écrivain veut en venir, que les briques se mettent en place, on ne peut que s’émerveiller devant la construction, et l’on a envie de tout relire pour percevoir différemment les premières nouvelles. Le recueil devient alors un ouvrage bien supérieur à la somme de ses textes.
Récit dérangeant à multiples facettes, Petites morts (le titre lui-même dévoile tous ses sens au fil de la lecture) part d'une fantasy classique pour devenir une brillante réflexion sur l’identité et la réalité. Bravo Monsieur K !