Arthur Evans, archéologue, arrive un jour sur la planète Echo. Son but : comprendre pourquoi, sur ce monde fondé par des colons terriens, des répliques d’à peu près tous les édifices religieux ont été construites dans la cité d’Antinea. Evans devra suivre les différents guides qui se succèdent pour lui faire découvrir cette planète ; à la manière d’un Candide, Arthur découvre en novice les merveilles d’Echo. L’apprentissage est néanmoins loin d’être de toute tranquillité : l’archéologue doit se frotter aux Sectateurs de Dieu, résolus à maintenir le secret sur certaines caractéristiques du monde. Après tout, le précédent explorateur en provenance de la Terre est mort sur Echo quelques années auparavant. Evans devra aussi composer avec ses sentiments pour la jeune et envoûtante Circé, ainsi qu’avec ses visions issues du Bardo-Thôdel, le livre tibétain des morts, qui semblent lui affirmer qu’il est déjà mort...
Lire un ouvrage de Pierre Stolze, c’est tout d’abord découvrir un auteur amoureux de la langue française, qui n’hésite pas à la promouvoir dès que l’occasion lui est fournie ; il n’a pas son pareil pour ressortir des mots oubliés de tous – sauf de lui --, adjectifs goûteux ou noms croquignolets. Même si le lecteur curieux pourra régulièrement aller consulter son dictionnaire, cette abondance de termes surannés ne gêne en rien la lecture, lui conférant au contraire une vraie originalité. Stolze s’est même fait plaisir, puisque le métier de son protagoniste et le but de sa venue sur Echo lui permettent d’utiliser le champ sémantique de l’architecture jusqu’à plus soif.
Même si la construction du début du roman semble maladroite (on est précipités dans l’histoire sans comprendre qui est Arthur ni ce qu’il cherche, sans que l’on ait l’impression que cette imprécision soit réellement voulue par l’auteur), une fois que l’on a compris ce qu’Evans cherche, le livre prend un tour satisfaisant. Le pauvre Arthur, qui voyage pourtant incognito, a la désagréable impression que tout le monde connaît son identité. Il en est ainsi réduit à la jouer profil bas, ce qui nous vaut quelques scènes réjouissantes où il se fait copieusement moquer par son entourage, pas avare en duperies de toutes sortes. Stolze se fait plaisir en balançant son anti-héros dans un univers dont il peine réellement à saisir les codes, d’autant plus que ses rencontres permettant à l’auteur de nous présenter quelques personnages hauts en couleurs, tour à tour drolatiques et inquiétants. Roman picaresque, Comme un cadavre... gagne progressivement en ampleur, jusqu’à nous livrer quelques passages splendides lorsqu’Arthur découvre émerveillé, et le lecteur avec lui, la cité d’Antinea. On retrouve ici le sense of wonder propre à toute œuvre de science-fiction ; l’originalité tient dans le fait que cet émerveillement naît d’un art séculaire plutôt que d’une merveille de technologie. La quête d’Arthur ne s’arrête néanmoins pas là, et continue sur le même tempo mêlant aventures, découvertes et spiritualité, jusqu’à un dénouement efficace (bien que partiellement prévisible) qui révélera certains des secrets les mieux gardés de la planète Echo.
Malgré quelques petites imperfections, Comme un cadavre... nous permet ainsi de goûter au verbe de Pierre Stolze, à nul autre pareil, et nous propose une flânerie – qui vire parfois trépidante – au cœur d’un monde fait de merveilles architecturales mystérieuses, rythmée par des visions dantesques inspirées du Bardo-Thödol.
Bruno PARA (lui écrire)
Première parution : 20/8/2012 nooSFere